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Oumar Kandé, le jeune quinquagénaire

Oumar Kandé, le jeune quinquagénaire

Parcours d’un entrepreneur 

Oumar Kandé est le fondateur de Defko Africa, une société qui évolue dans la conception et la réalisation de concepts digitaux et services à valeur ajoutée innovants. Manager et entrepreneur avec 17 ans d’expérience, O. Kandé a le génie des affaires avec une bonne connaissance de l’environnement et de la culture des affaires africaines et européennes.
Né en 1972, la cinquantaine (l’âge du bonheur et du rajeunissement), OKandé fête son anniversaire tous les 28 juillet.

Entretien dirigé par Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW,

Cheffe du Desk Culture

Mode Arlequin

D’identité

Parlez-nous un peu de vous.
Explications : Identifiez certains de vos principaux attributs, quel genre d’homme vous êtes, qualités, défauts, lieu de naissance, perception de la vie, humanisme, conviction.

Je suis fils d’un diplomate de carrière, Saloum Kandé, qui a débuté aux États-Unis après avoir occupé quelques postes de direction au cabinet du ministère des Affaires étrangères. Donc j’ai eu la chance de voyager avec lui, ce qui fait que j’ai été très tôt en contact avec d’autres cultures, ce qui, je pense, confère à n’importe quel être humain une certaine ouverture d’esprit, une certaine tolérance.
J’ai fait mon cursus scolaire élémentaire et moyen dans les écoles françaises implantées dans les différents pays d’accueil. Je suis revenu au Sénégal pour le Collège J’étais aux Cours Sainte Marie de Hann de la 6ème à la 3ème.
Après mon BFM, je suis retourné rejoindre mes parents pour terminer mon cursus du lycée, passer mon bac en France que j’ai eu en 90. J’ai ensuite fait la fac de langues étrangères appliquées à l’Université de Lille dans le Nord de la France, puis entré à l’école de commerce (United Business Institutes)en Belgique-Bruxelles avant de rentrer au Sénégal en 1998.

J’ai fait de l’entreprenariat agricole dans le nord du Sénégal, une expérience assez éprouvante ; c’est pourquoi je suis revenu sur Dakar faire une petite traversée du désert (rires). C’est en ce moment-là que j’ai embrassé les premiers jalons de ma carrière cinématographique puisque ma sœur aînée Fatou Kandé Senghor était déjà dans le milieu en tant que costumière de film et a travaillé avec des grands noms du cinéma sénégalais comme Ousmane Sembène, Moussa Sène Absa, etc … C’est elle qui m’a un peu donné le goût de l’aventure cinématographique.
Je suis un homme de famille, marié depuis 23 ans, père de quatre enfants. J’ai vécu sur Richard-Toll pendant plusieurs années et je suis habitant de Saly Portugal depuis 2016 puisque je suis aussi adepte des petites villes de province. Il faut dire que je préfère avoir un peu plus de quiétude auprès de mes centres d’intérêt qui sont globalement l’entreprenariat et la culture.

J’aime développer des concepts utiles à mes semblables avec une approche un peu sociologique, étudiant les besoins des gens en général. Essayer de développer des solutions pour faciliter la vie à mes concitoyens localement et au niveau international. J’ai une grosse estime pour la relation familiale ; je trouve qu’elle est le socle de la société et qu’il faut, à la famille, consacrer une tranche très importante de sa vie.

Curriculum vitae

Vous dirigez depuis quelques années une entreprise ; pouvez-vous nous en dire plus sur votre cursus professionnel ?

J’ai commencé ma carrière professionnelle au contact du cinéma, justement par la petite porte puisque j’étais chauffeur au département des costumes sur un film de Moussa Sène Absa qui s’appelle “Madame brouette”. C’était ma porte d’entrée dans le monde audiovisuel et ça m’a permis de comprendre un peu le fonctionnement d’un plateau de cinéma puisque j’ai eu l’opportunité d’observer un peu cet écosystème, le rôle des uns et des autres. J’ai eu ensuite l’opportunité d’embrasser le métier de la régie grâce au mentoring de Clarence Thomas Delgado qui était l’homme de confiance d’Ousmane Sembène, en servant d’abord le café et l’eau sur les plateaux de tournage. Puis je suis rapidement passé les échelons supérieurs du métier de régisseur en étant régisseur extérieur travaillant avec les départements de la décoration, de repérage et de la logistique, ensuite régisseur adjoint. Tout cela, entre 2001 et 2007. J’en profite pour rendre un hommage à tous les entrepreneurs audiovisuels qui ont contribué à ma montée en compétence, ils se reconnaîtront.

En 2007 j’ai été mis en rapport avec la SONATEL par le réalisateur Cheikh Ndiaye, avec qui j’ai travaillé sur le film « L’appel des Arènes ». C’est ainsi que j’ai passé un entretien à la SONATEL où j’ai été retenu comme responsable des acquisitions de contenu pour les plateformes digitales au Sénégal.
À l’époque, j’ai été chargé d’acquérir tous les catalogues de la vidéo à la demande et également négocier des chaînes pour la composition d’un bouquet propriétaire de SONATEL. J’ai fait ça pendant presque quatre ans et ensuite j’ai été débauché par le groupe « Trace » qui édite les chaînes musicales de Trace TV où j’étais donc chargé de développer des offres mobiles avec des propositions de valeurs en partenariat avec des opérateurs mobiles. Il fallait monter des offres et proposer des services classiques télécom, donc voix, données et SMS, ainsi qu’un volet multimédia et du contenu musical entre autres et ça a marqué le début d’une carrière assez riche au sein du groupe Trace puisque j’ai eu successivement à occuper le rôle de directeur du mobile, Vice-président pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, et Directeur général de Trace Afrique de l’Ouest et Trace Côte d’Ivoire. J’ai donc une carrière longue de sept ans au sein du groupe Trace.

Quelle est l’activité principale de votre entreprise Defco Africa ?

Après mon expérience au sein du groupe Trace, j’ai décidé de rentrer au Sénégal en 2017 pour fonder une structure qui s’appelle Defco Africa qui n’est pas une entreprise mais plutôt un Hub destiné à fédérer des talents au service du développement de projets innovants. Defco n’est pas une entreprise classique avec toute la structuration administrative & marketing mais c’est plutôt un lieu de convergence de talents pour répondre à des demandes très précises du marché local en termes de solution marketing-communication audiovisuelle. C’est ainsi que j’ai pu collaborer avec beaucoup de talents, pour servir les intérêts de Defco et apporter des solutions liées aux événements Corporate. Il s’agit également de développer des services à valeur ajoutée et aussi de gérer, comme le font les agences de Com digitale, des campagnes et de concepts qui permettent aux annonceurs de toucher leurs cibles.

Nous avons collaboré avec pas mal de structures avec des initiatives événementielles de type concert. Nous avons organisé des événements musicaux, des événements Corporate notamment avec La Société sénégalaise de Médecine légale (SOSEMEDLEG) pour qui nous avons organisé un colloque panafricain à Dakar qui s’est très bien passé. Nous avons également géré des campagnes de Printpour des O.N.G. de la place, et développé, pour les annonceurs privés, des concepts publicitaires et géré la production exécutive de ces projets qui aboutissent à des campagnes de renom dans le paysage audiovisuel sénégalais.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de réalisations ?

Notre objectif en terme de compétence, c’est d’optimiser les talents locaux, donc de travailler avec des informaticiens, des créateurs, des journalistes, des experts de la communication digitale et des spécialistes de l’audiovisuel, tous réunis autour d’un objectif unique qui est de satisfaire le cahier de charge des clients qui portent leurs intérêts sur nous.

Êtes-vous aujourd’hui satisfait de votre carrière ? Cette question porte en fait sur votre estime de soi, votre assurance et vos aspirations de carrière.

Je suis très satisfait de ma carrière puisque j’ai procédé à quelques virages assez abrupts commençant par de l’entreprenariat agricole pour me retrouver dans un monde de communication. Je n’ai aucun regret par rapport à ma carrière puisque j’ai embrassé pas mal d’expériences diverses et si c’était à refaire, je ferais certainement de la même manière au vu des réussites et des échecs. Les échecs ayant à mon sens, une valeur pédagogique beaucoup plus importante que les réussites puisque ça vous permet de vous remettre en question et de faire les bons constats, des écueils que vous avez eu à rencontrer. J’ai une carrière pleine à des niveaux hiérarchiques très divers, une progression positive et dans la diversité des activités et dans la position hiérarchique avec de très grandes réussites, notamment avec Trace où nous avons organisé deux années de suite la plus grande compétition de détection de talents qui se faisait en ligne. Le projet s’appelait Trace Music star ; nous avons travaillé en collaboration avec un opérateur panafricain Airtel sur une quinzaine de pays africains, et ensuite des spectacles live qui ont désigné chaque année la star musicale de l’année avec des shows très impressionnants et très riches en émotions.

Quelle est la situation la plus difficile à laquelle vous avez dû faire face dans votre carrière et comment l’avez-vous gérée ?

Le but de cette question est de connaître votre définition de la difficulté et de recevoir de vous un exemple d’approche logique de la résolution de problème afin que les jeunes qui nous lisent en tirent profit.

En matière d’expérience difficile, je pense que principalement j’ai eu à organiser un concert au Sénégal pour lequel j’ai beaucoup de mal en fait à relater les faits puisque l’artiste que j’avais convié est aujourd’hui décédé. Paix à son âme. DJ Arafat avec qui j’avais eu l’occasion de travailler plusieurs fois lorsque j’étais à Trace. J’ai organisé pour le compte de Defko Africa son concert en 2017 au Sénégal qui s’est mal passé. Nous avions réuni toutes les conditions pour que ce soit un succès étant donné le rayonnement africain de DJ Arafat et l’aspect un peu cosmopolite de la population. Autant le talent de DJ Arafat était exceptionnel, autant c’était un personnage imprévisible et donc nous avions eu quelques soucis sur sa disponibilité : quelques engagements n’avaient pas été respectés, il y avait en tout cas eu pas mal de problèmes qui ont abouti à l’annulation du concert. Toutes les premières parties s’étaient bien déroulées et au moment où il devait monter sur scène DJ Arafat avait eu des exigences qui n’étaient pas recevables étant donné qu’il y avait un grand nombre d’engagements qui n’avaient pas été respectés de sa part. J’ai eu à prendre une décision assez marquante dans ma vie, celle de monter sur scène et d’affronter un public pour lui annoncer que malheureusement l’artiste ne pourra plus monter sur scène et de prendre l’engagement de rembourser individuellement tous les gens qui étaient présents. Aujourd’hui en fait, je tiens à rendre hommage à DiJ Arafat qui est quelqu’un que je respecte beaucoup et dont la disparition tragique m’a profondément touché. C’était vraiment je pense l’événement le plus marquant en termes d’expérience, la situation la plus difficile à laquelle j’ai été confronté dans toute ma carrière. Sur une initiative comme ça, on a beau prévoir maximum de choses mais il y a toujours un imprévu plus ou moins important qui peut faire basculer les choses en un rien de temps.

Talent
Parlez-nous de votre expérience cinématographique : parcours et métiers réalisés ?

En matière d’expérience cinématographique, comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai commencé par la petite porte en tant que chauffeur département régie et j’ai donc accédé à des fonctions de régisseur sur le plateau régisseur-adjoint. J’étais régisseur général ; la régie c’est vraiment mon dada dans le cinéma. Est-ce que j’ai fait de la production ? Certes mais j’ai continué à faire de la régie générale pour les projets qui se tournent au Sénégal. J’adore les défis quotidiens en préparation au tournage, j’adore l’adrénaline, le poids de la responsabilité, la recherche de solution et cette sensation satisfaisante que l’on ressent à la fin de chaque journée et ce stress qui s’ensuit lorsqu’on pense à la journée suivante. C’est un métier vraiment passionnant. En terme d’analyse, je pense que le cinéma a parcouru pas mal de jalon.

Nous vivons vraiment au bon moment de l’audiovisuel où chacun peut créer du contenu à tout moment, et le diffuser sur les plateformes dédiées aux réseaux sociaux : Facebook, TikTok, YouTube etc.. On voit toute la richesse des concepts avec les montants faramineux qui sont générés, on voit comment les gens gagnent très confortablement leur vie en créant du contenu et en créant de la dépendance à ces contenus-là au sein du public global. En effet, le cinéma en particulier continue à écrire ses lettres de noblesse dans plusieurs formes : court-métrage, long-métrage, série, des choses vraiment très diversifiées pour le bonheur du public sénégalais qui est très friand de ces contenus.

Oumar Kandé, entrepreneur évoluant dans le cinéma. Vous êtes fréquemment en collaboration avec des jeunes. Quelle relation partagez-vous avec eux, sachant que, audacieux et arrogants, ils peuvent être ?

En fait, ce qui retient le plus mon attention aujourd’hui c’était vraiment la noblesse de l’époque. Le respect qui servait de contexte à ce métier, la patience, la volonté d’apprendre. Aujourd’hui, l’activité est devenue tellement accessible que beaucoup de jeunes brûlent les étapes et font abstraction des fondamentaux du métier. Donc il y a une dimension artistique professionnelle. Le cinéma c’est un métier noble qui a ses codes et ses procédures. J’étais de la génération intermédiaire ; je sais qu’il y a beaucoup de jeunes pétris de talent qui maîtrisent la technique mais il faut qu’ils se mettent au service d’une approche artistique pour qu’ils racontent des histoires pas seulement divertissantes. Il faut vraiment qu’ils aillent toucher les émotions du grand public, qu’ils lui apprennent des choses purement humaines et respecter la profession, éviter de brûler les étapes. Il y a beaucoup de métiers qu’il faut embrasser avec passion.

Divers

Quels sont vos styles de musique ?

Ma préférence musicale s’oriente vers la musique nigérienne. Parce que ce pays est un pays de talents et il fournit le catalogue africain. Mais j’écoute toutes les musiques surtout le Highlife et le Naîja qui inspirent la musique d’aujourd’hui (rires …) c’est notre époque.

Êtes-vous polygame ou monogame ?

Je suis monogame mais potentiellement polygame hahahah… il ne faut jamais dire jamais. Je suis un musulman pratiquant. Et même si je n’ai pas de projet de prendre une épouse, je le considère comme une opportunité qui pourrait se présenter à tout moment malgré mon âge avancé.

Citez-nous deux de vos livres préférés ?

Alors je pense qu’ il y a deux livres que j’ai lus avec beaucoup d’intérêt ; le premier auquel je vais donner la priorité est « La mémoire d’un diplomate sénégalais » écrit par Saloum Kandé qui est mon père. C’est un livre qui relate sa carrière diplomatique de 36 ans sur quasiment un peu moins d’une dizaine de pays : très intéressant divertissant et très technique. Le deuxième livre c’est « Un long chemin vers la liberté» de Nelson Mandela que j’ai lu avec beaucoup de patience et beaucoup de curiosité et qui nous donne vraiment de gros enseignements sur l’authenticité du personnage, son courage et abnégation ; c’est un livre qui m’a marqué autant que le personnage lui-même qui est une référence.

Êtes- vous printemps ou été ?

Bah j’aime bien le froid. Je suis plutôt hiver parce que j’ai une théorie un peu terre à terre : c’est que je préfère les situations qu’on peut contrôler. Le froid par exemple est contrôlable lorsque nous mettons des vêtements lourds alors que la chaleur nous impose une mode vestimentaire : pas le choix. Et donc, quand il fait froid et selon le degré de fraîcheur, nous avons la capacité de faire bouger le curseur en mettant des vêtements plus ou moins lourds.
Le froid est en tout cas plus agréable puisqu’il offre plus d’opportunités en matière de vie humaine.

Qu’est-ce que vous aimez dans la culture sénégalaise ?

Ce que j’aime dans la culture sénégalaise c’est sa diversité. Le nombre de codes culturels des fois contestable entre guillemets parfois un peu compliqué ou un peu inhibant mais tout de même riche. Tout ce qui est code culturel, interdit, permis. Tous les rituels, tous les protocoles vestimentaires musicaux. La culture sénégalaise dans sa diversité renferme aussi une dimension de pudeur et de respect de l’autre qui sont des éléments non négligeable. La culture sénégalaise est tellement riche que je ne parviendrai pas à isoler certains de ses aspects particuliers. C’est un enchevêtrement de faits et d’usages avec un équilibre assez impressionnant. J’aime tout de la culture sénégalaise, même les choses qui sont plus ou moins contestables et je vais faire référence à un adage sénégalais “ fii lagn koo féek fii lagn kooy bayi

Un film que vous pouvez regarder 10 fois ?

Un film que je peux regarder et ben ce serait sans conteste Seven.
(Synopsis : Peu avant sa retraite, l’inspecteur William Somerset, un flic désabusé, est chargé de faire équipe avec un jeune idéaliste, David Mills. Ils enquêtent tout d’abord sur le meurtre d’un homme obèse que son assassin a obligé à manger jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’enquête vient à peine de commencer qu’un deuxième crime, tout aussi macabre, est commis, puis un troisième. Petit à petit, les deux policiers font le lien entre tous ces assassinats)

Quel est votre plus grand dada ?

Mon plus grand dada c’est ma famille, ma famille ma famille ma famille ma famille. J’adore la vie de famille, j’adore mener des combats pour ma famille. Tout ce que je fais tourne autour d’elle. C’est mon plus grand investissement.