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Motion de censure : La cohabitation impossible

Motion de censure, l’arme des députés de Benno

La cohabitation conflictuelle entre le nouveau régime          et l’actuelle opposition

Installé depuis le mois de mars, le nouveau gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre font l’objet de menaces : les députés de Benno Bokk Yakaar ne cachent pas leur envie de dissoudre le nouveau gouvernement si la déclaration de politique générale du Premier ministre Ousmane Sonko n’est pas à la hauteur de leurs attentes. Pour certains citoyens sénégalais, parler de motion de censure est trop tôt pour ce régime qui n’a même pas six mois.

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

L’article 82 de la Constitution sénégalaise donne le pouvoir à l’Assemblée nationale de destituer le gouvernement. Sur cette base, une motion de censure a été introduite par l’opposition à l’époque constituée des députés de Pastef. Cette motion de censure visait à provoquer la démission du gouvernement d’Amadou Bâ, l’ancien Premier ministre du régime de Macky Sall en décembre 2023. Malheureusement, la motion de censure n’avait pas abouti, car la majorité avait voté contre.

Récemment, lors de son passage à la Rfm, la députée de Benno Bokk Yakaar Adji Mergane Kanouté a rappelé au nouveau régime que l’Assemblée nationale dispose d’un privilège permettant aux députés de dissoudre le gouvernement. « Nous allons d’abord l’écouter sur sa déclaration de politique générale pour savoir si c’est nécessaire de déposer une motion de censure ou pas. Cela peut se faire dans un délai de trois mois. Mais la Constitution nous permet de déposer une motion de censure comme ils l’avaient fait au mois de décembre contre Amadou Bâ ; on n’en est pas encore arrivé là », a déclaré Adji Mergane Kanouté sur les ondes de la Rfm.

En effet, le ministre porte-parole du gouvernement, Mustapha Sarré, a commis l’erreur de sous-entendre la motion de censure dans son discours à l’émission du Grand jury de la Rfm. Selon lui, « les députés de l’opposition sont dans l’obligation de prendre compte des résultats du scrutin présidentiel du 24 mars 2024 pour ne pas être désavoué par le peuple ».

A cet effet, le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar a apporté la réplique. Pour Abdou Mbow, il est important de rappeler ceci à Moustapha Sarré le porte-parole du gouvernement : « La motion de censure fait partie de la panoplie d’instruments de contrôle de l’action gouvernementale dont dispose l’Assemblée nationale. A ce titre, sa mise en œuvre relève exclusivement de la compétence des députés quant à l’appréciation qu’ils feront du contenu de la Déclaration de politique générale du Premier ministre, comme ce fut le cas de la motion de censure déposée par le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi à la suite de la Déclaration de politique générale du Premier ministre Amadou Bâ ».

Ces interactions entre le nouveau régime et les députés de l’opposition actuelle montrent que la cohabitation à l’Assemblée nationale sera conflictuelle.

Interpellé sur l’évocation de la motion de censure, Lahat Ndiaye, un menuisier-ébéniste, pense que c’est l’esprit de vengeance de la majorité qui parle. « La motion de censure est un débat précoce. Le gouvernement n’a même pas fait trois mois et on nous parle de destitution du gouvernement. C’est une méthode de se venger, je pense », avance Lahat qui suspecte une stratégie pour ralentir sur la traque des biens mal acquis.

« Moins d’un mois d’exercice du pouvoir, et l’opposition parle de bloquer le pouvoir, c’est vouloir bloquer le pays ».

Sur internet , un intervenant signe : « Si l’opposition (ceux qui étaient au pouvoir il y a juste quelques semaines) entre tout de suite dans une opposition radicale en empêchant par tous les moyens ceux que les Sénégalais ont clairement choisis de conduire le pays, sans même les laisser entrer en action, dérouler leur programme, l’opposition risque de susciter encore plus le dégoût, après sa défaite électorale. Laissez travailler le nouveau pouvoir, six mois à un an, c’est ce qui se fait. Et le peuple sera le meilleur juge. Ils ne pourront pas dire d’ici là qu’ils n’ont pas réuni de l’argent pour au moins commencer à concrétiser certaines promesses. Moins d’un mois d’exercice du pouvoir, et l’opposition parle de bloquer le pouvoir, c’est vouloir bloquer le pays ».

Certains avancent que les députés de l’Assemblée sont aussi menacés que le Premier ministre et son gouvernement ; le président de la République a lui aussi le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser les élections législatives dans un délai défini.

Sous couvert de l’anonymat, ce citoyen sénégalais déplore cette situation de risque d’abus de pouvoir de part et d’autre. Il signe : « Si, à chaque fois qu’un président de la République n’est pas d’accord avec l’Assemblée nationale, il doit dissoudre le législatif, alors je ne vois pas l’importance de ce dernier, surtout qu’on nous chante depuis l’école primaire de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ».

Que ce soit la motion de censure ou la dissolution de l’Assemblée nationale, la position du peuple l’emporte largement sur les deux. La décision qui émane des deux côtés doit être favorable au pays.

Khadidiatou GUEYE Fall