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Médias/Santé-Grand corps malade porte presse

Médias/Santé

Les journalistes se vantent

de l’audace de leurs titres

Le personnel médical dénonce

l’exagération de la presse

La solidarité de la tutelle, du corps et du syndicat de la Santé affaiblit les relations de la presse du drame de Kédougou ; avons-nous achevé le triptyque de la collecte, du traitement et de la diffusion où avons-nous succombé au diktat de la dépêche qui nous brûle les doigts et dont il faut se débarrasser au plus vite ?

Le monde est dans le besoin permanent d’être informé. Pour ce rôle, les journalistes ne manquent pas de pragmatisme pour veiller à l’exécution de leur devoir. Mais l’opinion publique commence à douter du professionnalisme de certains journalistes. Les expressions utilisées portent un poids inexplicable. Accrocher le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur vaut une plume fallacieuse. Les Sénégalais font une rétrospection de la presse sénégalaise. L’impact que les contenus des médias ont sur la population est énorme, mais ces derniers mettent l’audience en avant en banalisant le ressenti des récepteurs de l’information. Ils sont pointés du doigt.

Par Khadidiatou GUÈYE Fall,
Cheffe du Desk Société

Récemment, une affaire de mortalité maternelle a été signalée dans la région de Kédougou. Une femme du nom de Mamy Doura Diallo a perdu la vie avec son bébé qu’elle était en train de mettre au monde au centre de santé de Kédougou. La tournure de l’accouchement a été fatale. Dans la précipitation, la presse sénégalaise s’est montrée utile en publiant l’information. Connaissant la course à l’information qui prévaut dans le milieu. Beaucoup de journalistes sont à la publication de l’information sans une vérification préalable. Les titres des journaux ont choqué la sensibilité des lecteurs.
Pour les agents de santé, les titres sur l’affaire de Mamy Doura Diallo et son bébé n’ont pas laissé les agents du secteur indifférents. Ces derniers regroupés dans le syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (SAMES), ont vivement contesté l’acharnement que les journalistes ont pour les agents de santé. Dans ce communiqué, le Sames s’est attaqué à la presse en ces termes : « Le sarcasme d’une presse à sensation, ignorant l’existence d’un geste médical douloureux de dernier recours qui a sauvé tant de femmes appelé embryotomie, le présente comme un acte barbare pour surfer sur la douleur de la famille en trompant beaucoup de Sénégalais au passage ».
Le syndicat n’est pas seul dans la dénonciation. Des Sénégalais haussent le ton face au jeu de mots de la presse.
Sokhna Dièye Ndiaye est une ménagère très accro de la radio. Elle est informée par la radio à longueur de journée. Sans prendre parti, elle dénonce le sensationnel que les journalistes mettent en avant pour attirer l’audience. « Je ne suis pas journaliste encore moins un agent de santé mais il faudrait que les organes de régulation de l’audiovisuel viennent mettre terme à ça. Les journalistes font leur travail mais ils franchissent parfois certaines limites : quand ils prononcent certains termes, je m’installe automatiquement dans mon monde imaginaire. Alors qu’en réalité, il n’en est pas le cas, ils utilisent des termes qui touchent la sensibilité de l’auditeur pour le faire scotcher à la chaîne. Ils ne font pas attention à la réaction de l’auditeur. Pourtant, ce n’est pas de l’exagération que nous attendons d’eux, ils doivent aborder l’approche de la simplicité dans la diffusion de l’information », dénonce la citoyenne.

Cet agent de santé embouche la même trompette que le syndicat. Dans sa salle de soin, elle applique une bande adhésive sur le genou d’un garçon âgé à peu près de 11 ans. Partante pour l’interrogation, elle se joint à la conversation dès la sortie du blessé et son accompagnant.

Elle indexe la presse si le métier de santé était déserté à l’avenir : «  Les journalistes ne pèsent pas les mots quand ils doivent diffuser une information. Que ça soit en politique, en santé ou dans un autre domaine, ils n’informent pas à juste titre. Le poids des mots doit être au même niveau que le poids de l’acte. Mais non : ils essaient d’atteindre la corde sensible des gens pour que, après, la population s’acharne sur nous. Comment peut-on écrire «  La tête du bébé a été arrachée » ?, comme si l’acte était volontaire. Le cas de Mamy Douma Diallo n’est pas le premier. On a vu les titres et les articles écrits sur le décès de Sokhna Astou à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga. L’acharnement que certains journalistes avaient sur le personnel médical. Ce n’est pas de nous donner ou de faire perdre la vie. Nous essayons par la grâce de Dieu et par le biais de nos connaissances de sauver des vies. Peut-être que c’est une coïncidence, mais le corps médical a été très visé cette année par la presse ».

Ndèye Khady Ndiaye, une infirmière au centre de santé de Cambérène, dénonce le traitement médiatique de certains journalistes : « C’est vrai qu’en tant qu’être imparfait, nous commettons des erreurs. Même les mécaniciens font des erreurs dans leur travail. Un agent de santé peut faire son travail convenablement. Mais, il suffit que ce dernier fasse une erreur médicale pour que tout tombe sur lui. C’est le cas des personnes impliquées dans l’affaire de Sokhna Astou à l’hôpital. Ils ont fait des sacrifices pour leurs patients mais cette erreur ne leur est pas tolérée. Et les journalistes aussi ont cette tendance de mettre de l’huile sur le feu à de pareilles situations ».
La blouse blanche confie qu’elle craint la désertion du métier puisque l’erreur ne peut être tolérée dans l’exercice de fonction.