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La Ligne du Devoir

Hommage à Amath, le Grand

Hommage à  Amath Seck,

mon Grand…

De El Hadj Ibrahima NDAW

Je te salue, les paumes sur la poitrine. Le salut des gens humbles face à la grandeur des actes posés, à la générosité du cœur. Idole des jeunes que nous étions, tu avais réussi, à ta façon, à nous impliquer dans les activités sportives.

C’est par le sport que j’ai le grand honneur de te rencontrer un jour. J’étais avec un camarade d’enfance, ton regretté frère –Babou Seck, que Dieu lui réserve le Paradis–, au rond-point de l’Escale, quand ce dernier m’a présenté à toi.

  • C’est toi Ndaw Tu sais jouer au football ?
  • Oui je joue un peu.

Commença alors une longue et joyeuse, quoique insolite pour moi, discussion entre nous. Tu me pris ensuite la main et me conduisis chez le photographe libanais Kechen pour des séances de photos. Le résultat de tout cela était de m’intégrer au Foyer Casamance. J’étais alors dans une allégresse incommensurable, le club fanion de la ville était une référence dans le monde du football sénégalais. Un Club qui deviendra plus tard le Casa Sport, aimé et adulé par toute la population et toutes les générations. Mais mes parents n’étaient pas du même avis que toi et moi. Alors j’ai dû, sur l’insistance d’un ami, Daour Gaye, partir à Kolda et continuer avec les navétanes.  Je n’ai alors plus jamais cherché à intégrer une équipe, en dehors de celle de la Faculté des Sciences de l’Université de Dakar où j’ai participé à plusieurs rencontres et gagné quelques trophées.

Et je t’ai perdu de vue mais je continuais à entendre parler de toi, car animant des cellules politiques du parti de Senghor. D’ailleurs c’est en tant que jeune socialiste et rassembleur que tu avais été pressenti pour seconder Etienne Carvalho dans la bataille pour la Mairie, contre ton beau-père Jules Charles Bernard le maire sortant de Ziguinchor. Mais tu as décliné l’offre et proposé à la place Mamadou Abdoulaye Sy ton ami. Quelle grandeur d’âme, quelle générosité dans ce monde politique réputé sans éthique ni valeurs.

Ce n’est que tout récemment, alors que je venais de publier un article sur la Casamance, que la fibre qui sommeillait en toi a été titillée. Tu m’as appelé et j’ai accouru de suite et on a discuté et je t’ai compris et j’ai adhéré à tout ce que tu voulais, car j’avais senti, et je le sens toujours, ton amour infini pour la Casamance que nous chérissons dans nos cœurs. Grand bien m’en fut, car ce compagnonnage si court soit-il est inoubliable et m’a beaucoup apporté en opportunité et en vision. Et j’ai constaté l’intérêt que tu accordes à chacun d’entre nous, par tes conseils éclairés, tes prises en main désintéressées de leurs préoccupations du moment quand il s’agit de cas sérieux qui implique de ta part un déplacement ou un coup de téléphone à la personne apte à y apporter des solutions. Ta demeure est restée le lieu de rencontre privilégiée de toute la jeunesse et de beaucoup de cadres de la ville de Ziguinchor. Tu as le don de lever les obstacles sur tout ce qui nous semblait obscur ou inextricable. Pour tout dire, tu as une vision globale des choses qui te place un cran au-dessus de nous.

Ton salon refusait souvent du monde. Je me rappelle encore le jour où des cadres de Ziguinchor se sont réunis autour de toi ; les discussions ont  porté alors sur comment ces cadres pouvaient apporter, à la ville et à toute la Casamance, leur contribution, pour soulager et faire renaître la ville et la région de la léthargie qui semble les gagner. C’est ce jour-là que la décision de créer une association est née. Sous le sigle de CRAC-Z –Cercle de Réflexion et d’Action citoyenne de Ziguinchor– l’entité venait d’être adoptée, qui a apporté beaucoup de satisfaction à la population de la ville et, au-delà, aux populations de la sous-région. Et pour la faire vivre et se déployer dans les conditions optimales de réussite, tu avais mis dans l’association toute ton énergie, personnellement et, au besoin, en usant de ton vaste et riche carnet d’adresses, sur tous les projets en cours et à venir.

Amath, mon Grand, la vie est courte certes, mais tu as su remplir honorablement la tienne, au service exclusivement des jeunes et de ta région.

Honneur à toi pour les efforts déployés en direction de notre chère Casamance, tout au long de ta vie, que nous souhaitons encore plus longue, puisque bibliothèque vivante.

Amath, tu as traversé la rude arène politique et compris certainement, la vanité des combats fratricides entre partisans ou adversaires, et tu as choisi de sauver les franges les plus vulnérables de la population, les jeunes et les femmes. Ta popularité dans ce milieu d’innocence et de vertus est si immense que les politiques se bousculaient autour de toi pour en capter une partie.

Amath cher Grand frère, je te souhaite une longue et paisible vie et permets-moi, en hommage pour ton anniversaire, de te dédier ce rêve extrait du texte ” Casamance ’’, que j’ai écrit suite à toutes les meurtrissures subies par la région :

Nous rêvons que la fraternité se retrouve à tous les coins de rues ; que le sourire réintègre nos visages ; que l’honnêteté, la confiance soient nos parures de tous les jours.

Nous rêvons écouter le doux murmure de la rivière qui s’étire le long des palétuviers et paresseusement serpente, en l’épousant, le délicat tracé des berges. Nous rêvons entendre le léger suintement de la pagaie dans l’eau calme, quand les pêcheurs reviennent de la mer, fatigués mais heureux.

Nous rêvons sentir cette ardeur au labeur qui bande les muscles ou secoue les méninges, cette ardeur que nos parents nous ont inculquée avec tant de sévérité mais aussi avec tant d’amour et de patience’ ’.

Cher grand frère, de la naissance de l’aube au coucher flamboyant du soleil, la Casamance passe par plusieurs strates de vie : le réveil de la nature avec ses espoirs, les rues qui grouillent de monde à mi-journée, le repos réparateur après une bonne nuit festive ou quand le ciel s’assombrit et l’univers n’est qu’étoiles et lucioles. Voilà ainsi résumé l’immuable cycle de vie qui a toujours rythmé notre existence nous baignant dans la bonne humeur, la solidarité et l’entraide.

Dans ce monde chaotique et perturbé, sachons perpétuer cette aspiration à la vie et ressassons ensemble notre passé afin de toujours y puiser les forces nécessaires à une prise de conscience collective.

Grand frère, Déweneti, bon et joyeux anniversaire.

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Ndlr : Amath le Grand a vécu longtemps dans l’ombre du Géant Assane Seck, ce qui explique l’illustration. Les lecteurs auront compris d’eux-mêmes.