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Éditorial : L’Extinction Du Soleil

L’Éditorial de Pathé MBODJE

La culture de la violence

Des gens sans culture ont osé l’impensable : s’attaquer à l’Université et détruire la mémoire de l’Humanité.

Les formes de la violence observée ont fait dire à certains que ce sont des infiltrés, comme les Black blocs en Europe : un sursaut d’honneur aurait fait frissonner l’échine de tout individu sensé devant les murs d’un Temple dont il se serait fait le gardien.
Les réserves de Paris et de Washington quant à une éventuelle candidature ont fait dire par ailleurs au président Macky Sall qu’une conspiration internationale s’est dressée contre le Sénégal. Explication commode et simpliste d’une malédiction du pétrole qui ne s’abat que sur ceux qui veulent relever le front devant ceux qui n’ont pas de pétrole mais qui ont des idées pour déstructurer l’Afrique combattante, de la Libye de Moammar Khadaffi au Nigeria de Ken Saro Wiwa. Explication commode qui ne fait pas l’analyse nécessaire pour rendre hommage à des populations sous l’étau depuis trente ans du à une absence de visibilité et de tâtonnements entre Politique d’Ajustement structurel, famines, pandémies. Explication commode aussi lorsque la dynastie familiale crée de nouvelles bourgeoisies compradors face à une paupérisation grandissante et accélérée des populations où la pauvreté se féminise de plus en plus devant la démission du chef de famille qui a perdu sa puissance qui faisait son autorité : l’argent.

L’étude des niveaux observés dans les troubles post-Premier juin laisse en tout cas apparaître un spectre qui va de l’idéologie anarchique (destruction des infrastructures consolidantes du Ter, du Brt) au pillage simple au nom de la faim, en passant par des étapes de terreur et de harcèlement des populations avec les bouteilles incendiaires et, malheureusement, ce besoin morbide et professionnel de témoigner qui a aussi ses victimes, souvent collatérales, auprès des jeunes et des journalistes.

Le soubassement terroriste apparaît aussi lorsque la méthodologie à la base cherche à susciter la colère et des émeutes en coupant les moyens de survie honorable de certaines catégories socio-professionnelles pour ls amener à se dresser contre l’autorité.

Certains s’étouffent d’indignation devant la furie de ce début de juin et la théorie du président de la République pourrait tenir : une migration intérieure ne saurait atteindre un degré d’organisation qui dépasse les capacités d’un groupuscule d’individus en lutte pour le pouvoir ; en se penchant sur l’éventail large des actes, de la lutte contre la vie chère au combat annoncé pour la chute de Macky Sall, on est aussi frappé par la publicité faite urbi et orbi autour des trois glorieuses de Juin : la ronde autour des médias étrangers ressemble à celle de vautours autour d’un mourant dont il faut apprécier les restes à se partager. Le pouvoir aurait du se montrer plus regardant sur leur multiplication depuis ces cinq dernières années, comme il devrait songer à rendre le Sénégal aux Sénégalais de plus en plus poussés hors des grands centres urbains et même de leur sol. 

À la vérité pourtant et pour douloureuses que soient ces premières journées de juin, elles sont conformes aux cycles de violences politiques observées au Sénégal depuis l’Indépendance, en partant en particulier d’un Premier décembre 1963 avec ses quarante décès aux régulières agitations de mai 68, des années de braises de 1988 avec l’apparition du caillassage, de la dynamite et du feu, des grandes terreurs nées de campagnes électorales virulentes de 2000, 2007 et 2024 anticipée avec le phénomène Ousmane Sonko.

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Voir aussi

Thierry Vincent : « Dans la tête des black blocs », (Ed. L’Observatoire, septembre 2022)