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Coin d’Histoire – Simon Bolivar, combattant anti-impérialiste et libérateur de l’Amérique Latine Par Mouhamed Bachir DIOP, Rédaction centrale, Le Devoir

La Bolivie porte son nom

Son nom entier est long comme le fleuve Amazone et il est évocateur de ses origines aristocratiques. Il s’appelle en effet Simón José Antonio de la Santisima Trinidad Bolivar y Palacios et, grâce à son action politique et sa carrière militaire bien remplies, il a été surnommé El Libertador (Le Libérateur) car il a été au centre des luttes de libération et des indépendances des pays d’Amérique latine.

Simon Bolivar est né le 24 juillet 1783 à Caracas au Vénézuela. C’est une figure emblématique de l’émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud dès 1813. Il a participé de manière décisive à l’indépendance de plusieurs pays sud-américains comme la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Panama, le Pérou et le Venezuela.

Bien évidemment ce ne fut guère facile pour lui car il a rencontré tellement d’obstacles et en a franchi tellement qu’il s’est surnommé lui-même « L’homme des difficultés ».

Le titre honorifique de « Libertador » lui fut d’abord accordé par le Cabildo (Conseil municipal) de Mérida au Vénézuela puis ratifié à Caracas en 1813 et, aujourd’hui encore ce titre est associé à son nom dans toute l’Amérique latine.

Comme l’aristocrate qu’il est, Simon Bolivar a fait de grandes études. D’abord avec un précepteur, Simón Rodriguez, qui était un admirateur des philosophes des Lumières. C’est ce dernier qui lui fera lire les ouvrages d’un homme comme Jean-Jacques Rousseau, surtout « L’Emile ». Puis il étudiera une autre œuvre majeure de Rousseau, « Du contrat social » qui deviendra quasiment son livre de chevet alors pourtant que ce livre était interdit dans les colonies espagnoles d’Amérique du sud.

Puis il poursuivra ses études en Espagne et en France et il visitera longuement l’Angleterre. Aussi était-il polyglotte car il parlait couramment le français et l’anglais en sus de sa langue maternelle, l’espagnol. Il était donc bien préparé pour devenir l’homme politique qu’il fut et le général d’armée car, c’est dès l’âge de 14 ans qu’il a commencé à avoir une formation militaire avant d’obtenir le grade de sous-lieutenant deux ans plus tard, dans une unité créée en 1759 par l’un de ses aïeux, Don Juan de Bolivar.

Comme général, il a remporté plusieurs batailles contre l’armée coloniale espagnole en Amérique du sud et, dès lors il a été désigné comme président de la Nouvelle Colombie. Il est aussi désigné comme président « Dictateur » du Pérou après avoir suscité des révolutions à Haïti, en Jamaïque et à Cuba.

Dans sa jeunesse, son service militaire a été interrompu par la décision de ses oncles Esteban et Carlos de l’envoyer en Espagne afin de mieux connaître le monde et de compléter sa formation.

L’Espagne était en proie às une crise internationale complexe provoquée par la Révolution française et les ambitions de Napoléon Ier, à laquelle il faut ajouter un affrontement interne entre absolutistes et libéraux, et un déficit fiscal aggravé par un blocus maritime imposé par les Britanniques. Ce blocus perturbe le trafic habituel vers les Amériques, attaquant toute embarcation qui tenterait de le franchir.

Le voyage était donc délicat et risqué, mais Bolivar peut néanmoins l’accomplir, notamment grâce à des convois envoyés par les Espagnols pour briser le blocus. C’est grâce à un convoi commandé par l’amiral Alcala Galiano, qui peut quitter le port de Cadix en décembre 1798, franchir le blocus et arriver au Venezuela, que Bolívar peut partir. Il embarque le 19 janvier 1799 à bord de l’un des navires arrivés entiers, le navire de ligne San Ildefonso, dans le port de La Guaira. Le navire fait voile vers Veracruz pour réunir la flotte et attendre le moment opportun pour retourner en Espagne.

Peu après son arrivée à Madrid, il s’installe chez le marquis d’Ustariz, un haut fonctionnaire du roi ayant reçu une éducation raffinée ; il devient l’un des tuteurs les plus influents sur l’éducation et la pensée de Bolivar. C’est une personne compétente et expérimentée, notamment dans les tâches de gouvernement, domaine dans lequel il complète l’éducation de Bolívar.

C’est aussi à cette période, en l’an 1800, que Bolivar rencontre celle qui deviendra sa femme, Maria Teresa del Toro y Alayza, fille du Marquis del Toro. Elle accepte sa demande de fiançailles au mois d’août 1800, mais étant donné leur jeunesse, lui n’ayant que dix-sept ans et elle dix-huit, ils attendent deux ans avant de se marier. Simon Bolivar en profite pour se rendre tout d’abord à Bilbao, où il commence à étudier les langues, puis à Paris où il est le témoin de nombreux événements de la France révolutionnaire et en contact direct avec la France des Lumières.

En 1802, il retourne en Espagne pour reprendre les procédures légales de son mariage, et devient l’époux de Maria Teresa le 26 mai dans l’église paroissiale de San José de Madrid. Il se consacre ensuite à préparer son retour en Amérique.

À la suite de divers événements qui modifient leurs plans, Bolivar et son épouse embarquent à La Corogne le 15 juin 1802 pour un trajet direct jusqu’au Venezuela, et arrivent au port de La Guaira le 12 juillet de la même année. Rapidement après leur arrivée, ils s’établissent au Casa del Vínculo y del Retorno, situé près de la Plaza Mayor de Caracas, à l’angle de Las Gradillas. Bolívar assume pleinement l’administration de ses biens.

Les deux époux suscitent la curiosité de l’aristocratie de Caracas, qui espère recueillir des informations sur la Cour et sur le personnage du moment, Bonaparte. Durant les différentes fêtes et réunions qu’ils fréquentent, Maria Teresa découvre une société cultivée et raffinée où l’on discute librement de politique et des livres révolutionnaires prohibés en Espagne.

Le couple se rend fréquemment dans les propriétés de la famille de Bolivar, qui profite d’une année heureuse. Mais Maria Teresa contracte la fièvre jaune, maladie endémique des pays tropicaux, et son état se dégrade rapidement. Elle en meurt le 22 janvier 1803.

Sa mort affecte profondément Simon. Il fait alors le serment de ne jamais plus se marier. Il respectera cet engagement, mais mènera néanmoins une vie sentimentale très animée, scandaleuse aux yeux de la société sud-américaine.

Après la mort de son épouse, Bolivar se consacre à ses plantations, mais le temps passé au Venezuela lui devient insupportable et il décide de revenir en Europe.

En décembre 1803, il arrive en Espagne et s’installe dans le port de Cadix où il reste jusqu’en février 1804, puis se rend à Madrid. On sait que Bolívar maintient durant cette période des contacts avec ses représentants commerciaux, mais on spécule aussi sur son adhésion à ce moment à la Grande loge américaine des francs-maçons.

Il revoit à Madrid son beau-père le Marquis del Toro avec qui il partage la peine de la mort de Maria Teresa. Peu de temps après, il décide de retourner en France, où il arrive à Paris en avril 1804.

Selon différents points de vue critiques, la reconstruction de la vie de Bolívar entre 1804 et 1807 est difficile et les récits sur cette période semblent parsemés de mythes. On sait cependant qu’il voyage entre Paris et Rome durant cette période, qu’il retrouve son ancien maître Simon Rodriguez.

À Paris, Bolivar assiste probablement au sacre de Napoléon Ier, et se retrouve en contact avec la pensée des Lumières dans une atmosphère chargée de romantisme. Les idées de changements et de révolution ont notablement imprégné ses idéaux politiques, et Bolívar en vient à conclure que l’Espagne ne pourra pas s’opposer à la France de Napoléon et que son affaiblissement sera mis à profit par ses ennemis tels que l’Angleterre. Il prend conscience que tout cela mènera les colonies espagnoles d’Amérique à devoir choisir entre une domination française ou anglaise, à moins de prendre en main leur avenir indépendamment de l’Espagne.

Ce raisonnement le conforte dans sa conviction que l’indépendance est l’option la plus bénéfique pour les Amériques après la destruction de la flotte espagnole par les Britanniques (bataille de Trafalgar en 1805) et en considérant la position très délicate de la couronne d’Espagne face à Napoléon.

C’est à cette époque que sa conscience politique prend le dessus sur ses convictions intellectuelles et qu’il décide de prendre en main les intérêts de son peuple. Il réussira dans son entreprise avec l’aide de militaires nationalistes en provenance de tous les pays latino-américains qui souhaitaient se libérer du joug colonial de l’Espagne.

En tant que figure majeure de l’histoire universelle, Simon Bolivar est aujourd’hui une icône politique et militaire dans de nombreux pays d’Amérique latine et du monde, qui ont donné son nom à un très grand nombre de places, de rues ou de parcs. Son nom est aussi celui d’un État du Venezuela, de la monnaie du même pays, d’un département de la Colombie et surtout d’un pays, la Bolivie. On retrouve des statues à son effigie dans la plupart des grandes villes d’Amérique hispanophone, mais aussi à New York, Paris, Londres, Lisbonne, Bruxelles, Le Caire, Tokyo, Québec, Ottawa, Alger, Madrid, Téhéran, Barcelone, Moscou, Prague, Bucarest et Sofia.

Il est mort le 17 décembre 1830 à Santa Marta en Colombie.