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Cinéma : Neddo ko Banel

Cinéma-Banel et Adama

Une tragédie grecque entre Phèdre,

Médée et Roméo et Juliette

 

Intégralement tourné en pulaar, dans un village reculé du nord du Sénégal, plus précisément au Fouta. ” Banel et Adama”  raconte l’histoire de deux jeunes fous amoureux, qui ne veulent vivre que leur amour, loin du cocon familial et des valeurs traditionnelles. Le film nous plonge dans un certain conte dramatique inspiré de légendes et mythologies grecque comme Médée, Phèdre dans un contexte bien africain. ” Banel & Adma ”  est enfin de compte un « Roméo et Juliette » à l’africaine, sénégalaise et peulh.
Que ferait-on pour vivre son amour dans une société où la liberté, la responsabilité de la femme ou encore son mode de vie sont dictés ?
Ramata- Toulaye Sy après nous avoir proposé « Astel » 2021 un court-métrage qui est dernièrement l’un des plus multiprimés en Afrique, nous revient encore dans « Banel & Adama », son premier long-métrage en sélection officielle au Festival de Cannes 2023, avec son envie d’émancipation féminine.
Entre féminité et patriarcat comme dans « Astel » jeune fille frêle et innocente. Cette Banel est bien différente, avec une forte personnalité, belliqueuse qui rêve d’indépendance et est prête à tout pour être avec son Adama.
La femme s’affirme et n’accepte plus d’être asservie, lobotomisée, cette perception qu’on a de la femme sénégalaise, noire et africaine en général change. Banel entraînera Adama dans sa folie ce qui entraînera le chaos dans toute la communauté.
Banel est victime de son amour grandissime envers Adama ; animée par son optimisme, elle est la seule à y croire et à s’y jeter jusqu’au bout, car ce dernier a finalement décidé de sauver la communauté et non son amour.

L’Afrique a ses réalités :  un margouillat qui tombe sur une femme signifierait qu’elle va bientôt tomber enceinte, et Banel n’est encore prête. Son rapport avec le lance-pierre et la façon dont elle les tue en disent long sur le personnage mythique de Banel et qui ne serait pas non plus ordinaire.
Le jeu d’acteurs est d’une justesse assez phénoménale avec une grande pudeur pour leur première fois en tant qu’acteurs : Banel interprétée par Khady Mané et Mamadou Diallo dans le rôle de Adama. Le tout trempé dans un environnement assez poétique et avec beaucoup de symbolisme où les us et coutumes sont respectés.
Rien n’est jamais anodin dans un film, surtout la place que la réalisatrice donne à la religion.
Bien que mystérieuse, Banel retrouvera-t-elle la paix intérieure pour ne plus se préoccuper des regards incessants et accusateurs du jeune Malick ? Car, son cœur est vide et ses actes du passé ont entraîné tous les maux dont souffrent le village comme la sécheresse, les animaux qui meurent ou encore les villageois…
Ces dernières scènes du film le confirment avec Al-Waqia ( l’évènement), 56e sourate du Coran.
Cette sourate parle des trois différents groupes qui seront présents au jugement dernier : deux qui seront honorés et un qui sera châtié. Elle est généralement utilisée de par ses bienfaits.
Une réalisation à couper le souffle, certaines scènes ou autres éléments du film dans sa globalité peuvent en revanche entraîner des commentaires et avis différents quant à son appréciation. Mais, il n’en demeure pas moins un film avec beaucoup d’esthétisme, de magnifiques couleurs, les costumes, les sons hors- champ, enfin, toute une panoplie qui nous montre et
nous donne une idée de l’environnement.
La photographie du Marocain Amine Berrada a été murmurée tout au long du Festival de Cannes 2023. Il a été Directeur de la Photographie aussi du film “ Les meutes» du réalisateur marocain Kamal Larzaq prix du jury en sélection “Un Certain Regard ” au Festival de Cannes 2023 ; dans le film “ Mossane” d’ailleurs, sélection “ Un certain regard” au Festival de Cannes en 1996, année de la sortie du film, avec la ressemblance de beaucoup de scènes notamment : le début du film, quand ils étaient à meme le sol, au moment de creuser et le petit Malick de l’école coranique.
Banel & Adama reste un film magnifiquement beau avec des images qui font rêver, où l’on ne voit ni d’exotisme encore moins de clichés, car racontant une véritable histoire d’amour, ce qui est universel,  mais  dans notre contexte bien local, africain, sénégalais et peulh.
On aurait envie de demander à Ramata-Toulaye, par rapport aux références, si elle n’aurait pas fait un clin d’œil à Safi Faye réalisatrice sénégalaise (22 novembre 1923-22 février 2023)…
sunu.cinecritik
Mbaye LAYE