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Cinéma : l’enfance de la violence

Salif Cima Cissé, l’un des cinéastes pionniers de la cinéBanlieue de Dakar

 

Humble et réaliste !

Auteur réalisateur, Salif Cima Cissé

est un Sénégalais natif de Pikine.

Son premier court-métrage « Le

journal de junior » le lance dans le

milieu du cinéma.

Entretien dirigé par

Chérifa Sadany Ibou Daba SOW,

Cheffe du Desk Culture

Pouvez-vous nous parler de votre biographie et filmographie ?

A l’université, j’ai rencontré Monsieur Boye. C’est un Sénégalais de Saint-Louis qui est allé en France durant son enfance et qui a fait le Conservatoire de Paris et qui est revenu au Sénégal pour partager son savoir de cinéma avec les jeunes. Avec lui et d’autres amis, on a constitué ce qu’on appelle aujourd’hui la Cinébanlieue en 2008 2009 et c’est là où on a commencé à découvrir l’histoire et les métiers du cinéma.

Je travaille aussi comme assistant-réalisateur dans les plateaux. J’ai la chance d’assister Demba Dièye. J’ai la chance d’être le premier assistant réalisateur dans les plateaux de court-métrage. J’ai travaillé à Kewu comme assistant réalisateur dans ”  ” ;  j’ai aussi co-écrit la série “C’est la vie plus” en 2016 2017. J’adore écrire, lire, regarder et faire des films.

Je suis un peu spécial parce qu’en général les gens font des plateaux pour après faire leurs films. Moi, j’ai eu la chance de faire mon film avant de fréquenter les plateaux. Ma filmographie a commencé à partir du journal de Junior avec une équipe une vraie équipe de productions c’est là où j’ai connu tonton Arona Camara.

C’est quoi l’importance de faire des plateaux de cinéma ?

C’est parce qu’aujourd’hui le cercle de cinéma est fermé. Il est donc important de faire des plateaux pour se faire des amis. Au Sénégal, nous avons les meilleurs techniciens de plateau cinéma de l’Afrique de l’Ouest. Faire des plateaux permet de coller nos marques.

C’est quoi l’histoire du “Journal de Junior “, votre premier court-métrage ?

C’est l’histoire d’un enfant assez particulier qui vit avec ses parents dans un quartier de la banlieue dakaroise. Un jour, comme d’habitude il se réveille après une nuit de cauchemar, se préparant à aller à l’école, et ce fut ce matin-là qu’il découvre sa mère blessée au niveau du visage et tentant de le lui cacher. A l’école, le jeune garçon est distrait et va se faire punir. Il va en profiter pour se consacrer à sa passion. En effet, c’est un bon dessinateur et il passe le plus clair de son temps à faire des dessins extraordinairement beaux mais incroyablement bizarres. Les filles le redoutent, ses professeurs ne le comprennent pas, sauf un qui initie sa classe à l’éducation et l’expression artistique. Comme à son habitude, il tabasse une fille de sa classe mais cette fois-ci c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et il est renvoyé de l’école. Cependant M. Diop, son prof d’éducation et expression artistique, va être le seul à penser qu’un renvoi ne résoudrait rien sinon à empirer les choses et il décide d’aider le petit junior et va essayer de découvrir ce qui se cache derrière l’attitude de ce dernier.

C’est quoi l’intention de ce film qui traite des conséquences de la violence conjugale, un thème qui revient fréquemment ?

Quand on a commencé les cours de cinéma, on avait un contrat moral avec Monsieur Boye (Fondateur de cinebanlieue). On devait écrire un film. Alors, je faisais partie des gens qui ont tardé à écrire parce que je ne savais pas quoi écrire je voulais pas non plus écrire n’importe quoi ;  donc j’ai pris mon temps pendant une année. La violence conjugale est un sujet qui revenait dans les débats. J’ai décidé de m’en inspirer et de le traiter du point de vue de l’enfant.
Le thème général du ” Journal de Junior ” est donc la violence conjugale mais le sujet c’est l’impact que ça sur un enfant.

Y’a-t-il une métaphore dans “Le journal de Junior ” ?

Je ne dirai pas oui. En effet, je me suis basé sur les souvenirs de mon enfance pour raconter ce film. Mon professeur nous avait raconté une histoire. Un enfant traumatisé par la maltraitance de sa belle mère, qui dessinait un arbre. Au-dessus de l’arbre, une femme, et un enfant en dessous qui plairait.
Une autre histoire qui m’a marqué aussi : un enfant qui se battait tout le temps avec les filles de son école. Quand l’administration est partie voir la famille, elle s’est rendu compte que l’enfant répétait les mêmes gestes que son père qui battait sa mère. Ces histoires m’ont beaucoup marqué et inspiré.

L’évolution du cinéma? Comment vous la voyez ?

L’évolution du cinéma au Sénégal, je la trouve claudicante à cause de la confusion. On dit souvent que le cinéma est sur les rails mais en fait c’est l’audiovisuel qui est sur les rails au Sénégal. L’univers audiovisuel du Sénégal a connu un bouleversement à cause des productions filmiques télévisées qui ne sont malheureusement pas toutes du cinéma bien qu’il y ait Marodi et EventPro qui font des efforts. Mais je pense qu’on doit produire plus de qualité que de quantité car le cinéma sénégalais n’est sérieusement pas en bon état, même s’il y a de grands réalisateurs qui sont en train de se battre depuis quelques années pour porter des films. Alain Gomis par exemple et aujourd’hui, Lopy qui a fini son film et c’est l’un des rares sénégalais qui a fini son long métrage avec beaucoup de difficulté. Chapeau !

Une solution face à votre inquiétude sur l’avenir du cinéma ?

L’Etat, je me dis, doit contribuer à subventionner les projets pour participer à l’évolution du cinéma au Sénégal. La seule chose qui peut nous aider à davantage produire, c’est d’être indépendant financièrement. Car, l’Europe ne va pas financer des projets qui les dénigrent. Il est donc nécessaire que l’État subventionne les films africains, sénégalais pour que le cinéma prenne son envol.

C’est quoi la plus difficile étape dans la fabrication d’un film ?

Déjà, il faut savoir qu’il y a trois étapes dans la fabrication d’un film et, à l’écriture, il faut d’abord avoir une idée ;  il faut l’écrire, ce qui n’est pas facile, d’autant plus que, avec tous les problèmes que tu peux avoir dans l’écrit.  C’est difficile mais c’est cool après ;  y a l’écriture lors des tournages, la réalisation, ce qui est très difficile parce qu’il faut faire en sorte que l’équipe entière comprenne ton intention ta destination et qu’il te soutienne dans ce que tu fais et après ça,  y’ a la post-production qui est le montage, le mixage, la musique et ça coûte énormément d’argent. Donc chaque étape est importante et difficile. En tout cas, fabriquer un film c’est fastidieux, ça demande des épaules.

Pour moi, la plus difficile étape c’est d’avoir un bon sujet et tout le reste c’est de la cuisson.