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Chronique : L’infamant

L’infamant

La chronique de notre correspondant en France

Le voilà « lourd physiquement d’esprit et stupide », s’apparentant à une hyène emmitouflée d’une peau d’agneau, ce bonimenteur, infidèle, grand agitateur, toujours à l’affut et prêt à vous porter le coup de grâce au moment où vous vous y attendiez le moins.
« Tu quoque, mi fili » lança justement de Jules César en « guise de dernier souffle » pour s’écrier : « Hé toi aussi, mon fils ! »
Méprenez-vous, car le vilain qui vous trahira demain vous suit au quotidien, et vous colle à la peau en attendant l’occasion propice pour vous poignarder sur le dos.
On ne peut le reconnaitre dans l’absolu, tant l’homme est cachotier et imperceptible. Comme étant dans des eaux troubles, il nage au fond des endroits peu clairs et ne se manifeste que pour mieux illusionner son monde. Ses accoutrements sont de véritables apparats qui masquent ses véritables intentions. Il est éventuellement un maire élu par méprise ou un député porté à l’assemblée nationale par inadvertance. Il est pour d’autres fois un ministre nommé de façon circonstancielle, un opportuniste, vulgaire politicien doué du flaire de renard, juste chanceux et pénard.
Le renégat ne réussit très souvent son forfait que quand il est très proche de celui qu’il trahit. Son infidélité vis-à-vis de ses anciens compagnons se manifeste par un comportement d’abord hésitant, un langage biaisé, une disparition subite ou au finish, un abandon total. Généralement, le félon n’a même pas trop confiance en lui. Hésitant, il cherche toujours un subterfuge le plus clair de son temps, pour s’éclipser. Dehors, il est un véritable pleutre qui évite le danger et vit aux dépens des circonstances qui lui sont favorables. Peu lui faut si son entourage périt ; il n’en a cure.
Ce qui compte pour lui, c’est sa seule réussite et la sauvegarde de ses propres intérêts. Son seul but, c’est de pouvoir sortir indemne d’une situation laborieuse en laissant derrière lui ceux avec qui il a eu à ficeler un programme auquel ils croyaient tous, sauf lui.
Pour le traitre, son couronnement importe plus que celui de qui que ce soit d’autre. Il ne se gêne pas de larguer ses compagnons de fortune au milieu du gué, pour sauver sa panse ou ses intérêts.
Le traitre reste indifférent aux qu’en dira-t-on, et aux critiques. Il vit sans vergogne, se cache tout le temps et ne veut point se rappeler de ses actes de pusillanimité et autres méfaits. Pis, il s’en défend quand il est mis contre le mur.
Son agenouillement devant ses propres intérêts le laisse accepter toutes les compromissions qui pourraient le rendre riche ou sain et sauf de tous les soucis. Le déloyal résilie le contrat moral qui vous lie à lui au dernier moment, quand vous vous y attendez le moins.
Devenu riche, il est capable de changer de portable, d’amis, d’adresse et même de parents. Pour lui, toute nouvelle visite de parents ou d’amis est devenue suspecte et synonyme de sollicitation d’argent. Dans le passé, combien d’entre vous avez été trahi par un proche, un collaborateur ou un ami ? Combien ?
Riche accidentellement, le félon cherche une nouvelle épouse plus en vue et se délaisse de la première. Mieux, il se cache dorénavant comme un rat dans ses nouvelles fréquentations de façon éhontée, aussi dissimule-t-il sa présence partout où il pourrait être montré du doigt. Dès lors, il vit comme un nomade dans une prison à ciel ouvert.
Le fourbe peut revêtir toutes les casquettes pour dribbler ceux qui lui faisaient confiance. Il peut être un journaliste qui quitte son journal sans préavis, sa radio ou sa télévision quand on a le plus besoin de lui, surtout durant des moments de crises profondes.
Le traitre est éventuellement un transhumant, une girouette qui tourne au gré du vent ou qui quitte par surprise son parti d’origine confronté à des difficultés de toutes parts. Il rame non pas pour aller dans un autre parti de l’opposition, mais pour abjectement se vautrer dans le camp du pouvoir.
Le traitre peut-être cet autre marabout de façade, qui n’a aucun idéal de vie et qui se cache toujours derrière la religion pour mendigoter les opulents en les défendant pour espèces sonnantes et trébuchantes, et en jetant le camp adverse aux orties.
Enfin, le traitre c’est celui-là qui quitte son milieu naturel sans avertissement tout en faisant fi du préjudice qu’il cause à ses concitoyens laissés derrière.
Qui d’entre vous n’a pas un jour subi la trahison d’un proche, déloyauté qu’il n’aurait jamais crue de sa vie ?

Tidiane SÈNE,
Toulouse