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Chinguetti, la rose du désert

France2

 

A la suite de Jean Michel, mes souvenirs

Chinguetti

 

Ville rose,

ville religieuse

Nous atteignons Chinguetti aux environs de minuit le dimanche 9 janvier 2005. Il se dégage de cette ville un calme impressionnant.
Le calme des villes symboles, troublé ici par le ronflement des moteurs de nos véhicules, le choc des bagages qu’on décharge et le claquement des portes qu’on ouvre ou ferme.
Un voile de ténèbres enveloppe la ville qui sommeille sur son mystère.
A l’aube, nous découvrons avec respect Chinguetti, étalée le long d’une mer de sable rose comme les murs des maisons que nous apercevons au loin.
Des ruelles très étroites serpentent à travers les concessions et donnent l’impression d’être des pièges tracés contre d’éventuels assaillants.
La ville souffre de solitude dans ce décor ocre des murs fatigués et des demeures aux portes coincées par le sable.

Quatre noms ont été attribués à ce pays selon les périodes et en fonction de l’interprétation que l’on a faite des textes anciens : ces derniers étaient dénués de signes représentant les voyelles et ponctuations en arabe.


1- Pays de montagne : localité située dans un site montagneux
2- Pays des chevaux ​: voie de passage des caravanes
3- Pays de pierres ​: géographie du site et style des constructions
4- Pays des piquets de chevaux

Il est dit que la ville de Chinguitti a été fondée en 1264 de l’ère chrétienne par Habib Ibn Ali Hobeyda. Sa construction a connu (5 ou 7) étapes …
Au début, il n’y avait pas de désert et des dunes de sables. A mesure que le désert avançait, les hommes se sont déplacés vers de nouvelles terres, croyant qu’ils ne seraient pas rattrapés par le sable. Les villes finissaient toujours par être ensablées poussant ainsi les hommes à toujours se déplacer. (…)
Lorsque les hommes se sont rendu compte qu’ils ne peuvent pas éternellement fuir le désert, ils s’en sont adaptés. La pratique a voulu-et c’est encore aujourd’hui le cas-que lorsqu’une maison est ensablée, on ne l’abandonne pas, mais on construit une nouvelle sur le toit de celle qui est ensevelie.
C’est une grande ville commerçante et religieuse qui fut victime des sables mouvants qui l’ont entièrement ensevelie.

Ville rose, ville religieuse, ville des potiers, ville du puits du cheval, autant d’appellations qui ont marqué la Mauritanie et les principautés arabes du Maghreb.
Pendant des siècles, le monde actuel n’a connu la Mauritanie que sous le nom de Pays de Chinguetti.
Chinguetti était en plus un relais caravanier jouant un rôle commercial essentiel dans l’économie saharo-soudanaise.

Chinguetti, la 7ème ville sainte de l’Islam, fut également un centre de rayonnement religieux et culturel. Elle a largement contribué à la diffusion de l’Islam dans tout l’Ouest africain. Les enfants de Chinguitti sont réputés être dotés d’une très forte capacité de mémorisation. Jusqu’à présent, la ville accueille des enfants venus de nombreuses contrées pour y apprendre et mémoriser le Coran.
La célébrité des savants de Chinguetti à travers le monde entier tire son essence de la profondeur et de la maîtrise qu’ils ont acquises dans toutes les branches du savoir religieux et des lettres arabes.

Bibliothèque de Chinguitti : Elle a été fondée en 1797 et appartenait à Ahmed Mahmoud. Son conservateur, qui porte le nom de Saïf Lislam est un homme âgé d’environ 70 ans. Il était instituteur de formation et de métier mais son goût pour l’histoire et la culture a poussé sa famille et les notables de la ville à lui demander de devenir le conservateur de la Bibliothèque. Il se dit sénégalais à 99 % de par les origines de sa mère. La bibliothèque est construite de pierres de gré quartzique encastrées les unes aux autres ; le sol argileux trouvé sur place sert de liant aux blocs de pierres.
Proverbe maure : « Monter et descendre une dune équivaut à manger un chameau »
Ce proverbe fait référence à la hauteur des marches qui mènent sur le toit de la bibliothèque de Chinguitti ; de marches de 35 à 40 cm qui nécessitent beaucoup de courage et d’efforts.
La clef de la bibliothèque est une pièce unique, comme toutes les clefs des portes de la ville ’’, tient à préciser le gardien des lieux. Elle est faite d’une manche de bois qui présente sur une extrémité six (6) grosses pointes de 3,5 cm environ. Elle demande agilité et dextérité pour sa manipulation et ne répond pas à la main pressée. Tout le sens de sa manœuvre se retrouve dans cette injonction de Saïf lorsqu’il a offre à l’un d’entre nous–une dame en l’occurrence–, l’honneur d’ouvrir la porte de la pièce où sont conservées les objets et livres de la bibliothèque : « Vas-y doucement, je suis pressé. » lui intime-t-il.
La bibliothèque renferme des manuscrits datant du 10ème siècle (comme ce livre écrit sur une peau de gazelle). Le conservateur nous a montré un beau livre de grammaire arabe du 16ème siècle écrit avec des encres de couleurs différentes, ainsi qu’un livre de poésie arabe qui date du 14ème siècle.
De nombreux autres objets aussi intéressants qu’insolites nous ont été présentés par le Conservateur de la bibliothèque de Chinguetti, un homme cultivé et agréable à écouter.

Jadis enfouie dans les sables mouvants, Chinguetti émerge et garde encore les traces de sa majesté d’antan. Mais elle s’éteint tout doucement en nourrissant Atar qui connaît un regain de développement remarquable.
A Chinguetti ne restent plus que les vestiges de son passé glorieux et fervent que les habitants s’efforcent de préserver.
Ils réhabilitent ce qui peut encore l’être. Ils construisent souvent sur les maisons enfouies dans les sables. Mais ils demeurent toujours des maîtres écoutés et consultés du savoir religieux.
C’est cette ville de mythe qui a jadis donné son nom à l’actuelle Mauritanie que trente cinq agents (35) de la Société africaine de Raffinage dont le Directeur général ont choisi de visiter les 07, 08 et 09 janvier 2005.

El Hadj Ibrahima NDAW