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Asecna : La mauvaise graine de la grève

Les préavis de grève répétitifs des contrôleurs de l’ASECNA

Une mauvaise affaire pour

l’Agence et ses travailleurs

 

La technologie actuelle permet de développer

des systèmes du contrôle aérien qui s’affranchiraient

de la localisation géographique 

 

Les contrôleurs de la circulation aérienne de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) avaient déposé un préavis de grève qui aurait pu avoir de graves conséquences économiques tout en discréditant le modèle de gestion de nos espaces aériens.
Heureusement, une médiation du Sénégal a conduit à la levée du mot d’ordre de grève.
Le mot d’ordre avait été annoncé le 25 juillet 2022, pour être effectif à partir du 25 août, avec des risques de perturbation du transport commercial dans les 17 pays couverts par l’agence. Ces préavis sont préjudiciables à l’ère de la haute technologie.

La question est à poser : a-t-on pris conscience que le contrôle aérien peut être réalisé autrement que par les services actuels ?
L’aviation est sujette, depuis son avènement, à une évolution (révolution?) continue.
Pensons un peu qu‘historiquement les équipages des avions étaient composés:
du commandant de bord
du copilote
du mécanicien
du radio et
du navigateur.
Aujourd’hui, ces mêmes équipages de conduite des avions, mêms de gros porteurs, sont limités à deux membres : le commandant de bord et le copilote !
Les aides à la navigation aérienne n’avaient pas une grande précision et étaient basées à terre et demandaient surveillance et entretien, domaines dans lesquels l’Agence dispose d’une expertise avérée.
La navigation en haute mer était basées sur le Loran* dans ses différentes versions et une autre était la navigation astronomique, basée, elle, sur les éphémérides, le sextant et une horloge de précision.
Faisant pendant longtemps l’objet d’une exception quant aux règles économiques qui lui étaient applicables, le transport aérien a connu une révolution avec sa déréglementation initiée aux États-Unis et qui s’est généralisée par la suite.
Cette déréglementation a eu des incidences sur les constructeurs d’avion, les gestionnaires d’aéroports et les compagnies aériennes dont certaines ont fini par disparaître, incapables qu’elles étaient de s’adapter à l’univers de la concurrence.
Les gestionnaires des espaces aériens comme l’ASECNA ont été moins affectés.
Toutefois, le changement des règles économiques du transport aérien et les évolutions technologiques finiront par leur imposer des changements dans leurs organisation et activités.
Si les contrôleurs aériens continuent leurs pressions, il est possible que le contrôle en route finisse par échapper à l’ASECNA.
En effet, la technologie actuelle permet de développer des systèmes du contrôle aérien qui s’affranchiraient de la localisation géographique. Il ne resterait alors à l’ASECNA que le contrôle d’aérodromes et peut-être celui régional. Mais le risque essentiel serait la réduction des activités de l’Agence conduisant à des pertes d’emplois.

Certaines activités météorologiques et de génie civil pourraient être conservées. Toutefois, tenant compte des origines des ressources de l’ASECNA, il est clair qu’elle serait obligée de revoir totalement son schéma de fonctionnement en cas de perte du contrôle en route (principale source de ses recettes) et éventuellement d’approche.
Une autre conséquence, peu probable mais à ne pas écarter, est la remise en question de la règle partage des redevances d’atterrissage compte tenu des différences considérables des niveaux de trafic entre les aéroports. Alors ce serait la fin du principe de solidarité qui a été et qui est toujours le socle sur lequel est bâtie l’ASECNA.

Il est essentiel que les différents protagonistes se retrouvent pour partager des idées sur les possibles évolutions du secteur de la navigation aérienne pour éviter de se voir déposséder de leurs activités en partie ou en totalité.
Les États membres de l’ASECNA devraient éviter toute surprise en ce domaine.
Les initiatives prises récemment par le comité des ministres de l’Agence et l’intervention de M.r Maky Sall président de la République du Sénégal qui ont abouti à un apaisement sont des signes encourageants. Cela met en évidence l’attention portée par les États membres de l’ASECNA sur leur agence laquelle, en reconnaissance de ses performances, avait reçu en 1972 le prix Edward Warner, la plus haute distinction délivrée par l’organisation de l’Aviation civile internationale.

Ababacar Sadikhe DIAGNE

ingénieur de l’aéronautique civile de classe exceptionnelle,

diplômé de l’ENAC et du MIT.
Auteur de la thèse :
The US Airlines Industry seven years after Dérégulation au Departement Aeronautics and Astronautics du MIT.

*LORAN. Système de radionavigation qui permet de déterminer la position d’un mobile par rapport à trois stations émettrices fixes, à partir de la mesure du délai séparant la réception, par le mobile, d’impulsions synchronisées émises par ces stations.
(De Wikipedia)