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Amadou BÂ, Omar YOUM, Aaly Ngouille NDIAYE, Boune DIONE: Oubliés ou en réserve ? Mame Gor NGOM, Rédaction centrale, Le Devoir

Ils étaient  au premier plan dans le gouvernement d’avant-Premier novembre 2020. Ils jouaient un rôle actif dans l’animation de la vie politique de leur parti. De fortes personnalités qui ont longtemps nourri bien des fantasmes et des conjectures. Aujourd’hui, elles se  caractérisent par leur « discrétion » après avoir été limogées. Sont-elles neutralisées ? Sont-elles oubliées par Macky Sall, « maître du jeu » ?

«Le président du parti a salué la présence des responsables du parti qui n’ont pas été reconduits dans le gouvernement en rappelant que la réorganisation et l’ouverture constituent un tournant important, qui a entraîné des changements inhérents au fonctionnement de l’État qui, pour douloureux qu’ils puissent être, ne devraient nullement constituer des causes de rupture dans le compagnonnage politique».

Cette déclaration extraite  du communiqué du Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République (Apr), sonnait comme un geste de  réconfort pour       les membres du parti  « chassés du gouvernement ». C’était le 20 novembre 2020, soit 20 jours après la formation du nouveau gouvernement marquée par l’entrée de deux ministres de Rewmi, de Oumar Sarr, Parti des libéraux et démocrates (Pld/And suqali), d’Aïssata Tall Sall de « Oser l’Avenir ». Mais aussi de la nomination-surprise d’Idrissa Seck au Conseil économique social et environnemental (Cese).

Depuis lors, on a vu que très peu ces «fils bannis » de l’Apr que sont : Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Bâ, Oumar Youm et Muhammad Boun Abdallah Dionne. Sont-ils oubliés ?

Aly Ngouye Ndiaye prend la clé des champs

Aly Ngouille Ndiaye limogé  après plus de trois ans à la tête au ministère de l’Intérieur a assisté à la première réunion de SEN de l’Apr après la formation du nouveau gouvernement, avant de réagir devant à son fief de Linguère.

« Seul le président de la République Macky Sall a le pouvoir constitutionnel de choisir ceux qui doivent l’accompagner dans le travail au sein du gouvernement. Nous avons cheminé avec lui depuis la formation de son premier gouvernement le 04 avril 2012 jusqu’au 01 novembre 2020. J’estime que je ne suis plus dans le gouvernement, mais je suis dans le parti (APR). Notre motivation dans le parti c’est de travailler ensemble avec le président, Macky Sall pour l’intérêt général et nous y sommes toujours »,  a affirmé devant ses militants l’ancien ministre de l’Energie.

« On peut bien comprendre les émotions des uns et des autres, mais le plus important c’est qu’en plus du gouvernement, j’ai été élu maire de la commune de Linguère. Donc si je ne fais plus partie du gouvernement, c’est une occasion pour mieux me concentrer sur ma mission auprès de la municipalité. Je ne vois aucunement l’intérêt de créer des histoires, car après tout, notre engagement pour le Djolof et généralement pour le Sénégal ne change pas ; au contraire, nous allons le poursuivre. Le plus important est que nous sommes sortis du gouvernement, la tête haute », ajoute-t-il. Des mots bien choisis pour calmer les ardeurs de nombre de ses partisans qui voyaient  dans ce limogeage  une sanction…politique. A-t-il convaincu pour autant ? Difficile d’être péremptoire. Ce qui est clair est que l’ancien premier flic du pays affiche souvent sa sérénité sur les réseaux sociaux. S’il ne se montre pas dans ses vastes champs du Djolof constatant de belles récoltes, il est dans son salon cossu, masque bien porté pour sensibiliser contre le Coronavirus.

Amadou Bâ, diplomatiquement

Coordonnateur de l’Alliance pour la République aux Parcelles assainies, Amadou Bâ a été aux avant-postes du combat pour la bataille de Dakar lors des dernières législatives remportées par la coalition au pouvoir. Ministre de l’Economie et des Finances depuis le 2 septembre 2013, en remplacement d’Amadou Kane, il a été choisi pour diriger le ministère des Affaires étrangères en 2019. Une option du président de la République Macky Sall qui était considérée comme une « rétrogradation ». Mais Bâ a multiplié ses gages de fidélité allant jusqu’à donner la paternité de la victoire lors des législatives à la première dame Marième Faye qui était souvent à ses cotés durant cette campagne électorale. Sa « défenestration » le  novembre 2020 est une suite logique de Macky Sall qui, selon certains, considère Bâ comme un « ambitieux masqué ».   Cet ancien Directeur des Impôts et des Domaines semble bien conscient qu’il suscite des interrogations. Et il se fait tout discret. Ses rares réactions sont virtuelles. Sur sa page Facebook, il est désormais  « Amadou Bâ ». Une personnalité politique qui ne se prononce sur l’actualité que de façon « sporadique »,  sur les événements symboliques et la disparition de figures emblématiques comme c’est le cas récemment avec Mourchid Iyane Thiam, plus loin l’international sénégalais Pape Bouba Diop. Bâ qui est contesté par endroits par certains de ses camarades de l’Apr aux Parcelles assainies,  s’efface volontairement, se fait oublier. Il sait que c’est ce que veut Macky non ?

Oumar Youm, retour aux sources…

C’est avec un cachet hautement spirituel que  le désormais ex-ministre des Infrastructures a accueilli son limogeage. « Je rends grâces à Allah le détenteur du pouvoir, qui décide de Tout et qui a pouvoir sur Tout. Gloire à son Prophète Seydina Mouhamed SAW, la Meilleure des créatures », avait-il écrit avant de remercier ses parents et collaborateurs mais surtout d’adresser son « soutien loyal et constant et surtout mes vœux de succès pour la mission que vous accomplissez avec foi, courage et discernement » au président de la République Macky Sall.

Oumar Youm par ailleurs maire de Thiadiaye, dans le département de Mbour, a manifestement pris la résolution d’être plus proche de ses mandants. C’est ainsi qu’après sa passation de service « dans la sobriété et la sérénité » avec son remplaçant Mansour Faye, le voilà qui préside le Conseil municipal de sa ville pour procéder au débat d’orientations budgétaires (Dob) le 19 novembre 2020.  Et il multiplie ainsi ses visites de proximité dans la localité. Une manière sans doute de montrer que le plus important en politique est d’avoir une base solide et qu’il s’attèle à « consolider cet acquis ». Pour ne pas être oublié ?

Muhammad Boun Abdallah Dionne « wanted »

Muhammad Boun Abdallah Dionne out. A la suite de la suppression de la Primature, il avait hérité du poste  de secrétaire général de la présidence. Le Premier novembre 2020, il n’a pas été reconduit à ce poste. Pire, il quitte définitivement le gouvernement. L’intéressé qui ne s’émeut outre mesure de cet acte a tenu à « remercier le chef de l’Etat pour la confiance qu’il lui a accordée pendant plus de 6 ans et demi ». Tout en réaffirmant  son « engagement et sa loyauté au président Macky Sall et se dit prêt à toujours l’accompagner au service de la Nation». Ce qui ne ressemble pas à une simple déclaration de convenance si l’on sait que Dionne s’est toujours singularisé en jouant non sans engagement son rôle de « guerrier » du président qu’il défendait à tout bout de champ. L’origine de sa non-reconduction serait ses problèmes de santé, qui sont d’ailleurs un secret de Polichinelle.

Lui aussi est « introuvable » dans l’espace public. Aucune déclaration de sa part, aucune prise de position sur l’actualité. Il reste à l’écart.

Quels rôles, quelles postures  pour Youm, Bâ, Dionne, Ndiaye  dans un futur proche ou lointain ? Continueront-ils d’adopter le profil bas ? Vont-ils s’engager pour leurs comptes respectifs ? Macky Sall fera-t-il appel de nouveau  à ces personnalités politiques pour se « renforcer » ? On ne saut répondre de façon catégorique à ces questions si l’on sait que chacune d’entre elles a ses propres intérêts, son propre cheminement. Toutefois, ils ont un dénominateur commun : ils ne montrent pas leur jeu.

Tout le contraire d’Aminata Touré, une autre « victime », qui s’oppose foncièrement à  Macky Sall après avoir été déchue de la tête du Cese et remplacée par son « ennemi » Idrissa Seck.

Parmi les bannis, il y a un certain Makhtar Cissé, ex-tout puissant ministre du Pétrole. En reprenant sa place à la prestigieuse Inspection générale d’Etat, il met manifestement une croix à sa carrière politique. Momentanément ou définitivement ?