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Al Moukhtari : Jant Bou Leer !

Al Moukhtari : polymathe, ce rappeur !

What’s up, Jantler ?

Mouhamadou Makhtar Diao dit Al Moukhtari Jantler est un rappeur originaire de Saint-Louis qui se distingue par un univers hors du commun. En outre, en tant que metteur en scène, Al Moukhtari est à nouveau un artiste qui offre à ses auditeurs un style spécifique qui lui est propre. Ce qui l’inspire, c’est en même temps ce qu’on lui inculque.

Entretien dirigé par

Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW

Parlez-nous de votre carrière musicale.

J’ai commencé le rap en 2013 avec la sortie de mon premier titre intitulé « Noir et blanc » ; ensuite, « Mon rêve » a marqué le début de ma carrière artistique. En 2015, j’ai sorti un mixtape de 10 titres intitulé « Beneine Jant ». J’ai également participé à plusieurs concours, dont le plus marquant était celui du Flow-up en 2017, qui rassemble les jeunes rappeurs du Sénégal. Depuis 2018, je travaille au sein du label Hit Box Studio que j’ai fondé avec trois amis, et j’ai sorti mes derniers projets : « Fisha », un EP de 6 titres en 2018, et « Volume », un pré-Album en 2021. J’organise également un concert annuel qui rassemble tous mes fans, les « Jantler ». J’ai eu l’occasion de participer à des plateaux télé, des festivals et des concerts au Sénégal. Cependant, pour des raisons personnelles, je suis absent de la scène musicale depuis 2021.

Jantler ? What does it mean ?

C’est mon Aka ( pseudo) : Jant (soleil)-Ler (lumière). Mes fans aussi je les appelle Jantlers.

Quels sont les groupes qui vous ont influencé à vos débuts ?

Pour être honnête, à mes débuts, c’était plutôt des artistes solos qui m’ont influencé. Gaston m’a beaucoup inspiré, j’apprenais ses textes par cœur et j’essayais d’écrire comme lui. J’écoutais également beaucoup Maxi Crazy car sa façon d’écrire me fascinait.

Est-ce que vous faites vos textes et la musique ?

Oui, depuis le début, j’ai toujours aimé écrire mes textes, et la profondeur de ces textes m’a rapidement valu le respect dans le public hip-hop de Saint Louis. J’ai également composé ma musique depuis le début.

Qu’est-ce que le rap indépendant signifie pour vous ?

Pour moi, le rap, en soi, est une musique indépendante. Donc, quel que soit le style de rap que l’on fait, il est toujours indépendant.

Êtes-vous en connexion avec d’autres artistes nationaux et internationaux ?

J’ai beaucoup de relations avec des artistes nationaux et j’ai collaboré avec certains, qu’ils soient connus ou moins connus. J’ai également réalisé des collaborations avec des artistes internationaux à travers des festivals auxquels j’ai participé. Je suis très ouvert musicalement et je touche à beaucoup de styles.

Justement, quel est votre style de rap et comment l’avez-vous adopté ?

Mon style est assez polyvalent. Je fais du rap conscient, du rap commercial, et je chante aussi sur de l’afrobeat et de l’amapiano. Je suis constamment à l’affût de ce qui se passe dans le monde musical et des nouveautés, ainsi que ce qui fonctionne bien.

Sur quel remix beaucoup de gens vous ont-ils découvert ?

Beaucoup de personnes m’ont découvert grâce à ma reprise du son « Tatami » de Ronisia, que j’ai partagé sur ma page TikTok. J’ai eu beaucoup de retours positifs sur cette reprise.

Comment se passe la vie d’un rappeur âgé entre 20 et 30 ans ?

Pour moi, la vie en tant que rappeur dans cette tranche d’âge se passe bien, même si parfois la musique n’est pas très lucrative.

De quelle génération de rap pensez-vous appartenir et pourquoi ?

Je me considère plutôt comme faisant partie de la « New School » du rap, car je m’efforce de rester à jour avec les tendances et les évolutions du genre.

Vous avez atteint 37,7 mille vues après le challenge de London Fever de Tayc, ce célèbre chanteur français d’origine camerounaise. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire par rapport à ce succès ?

C’est une satisfaction pour moi de voir que les gens aiment ce que je fais. Cependant, je ne me focalise pas uniquement sur le nombre de vues. Mon objectif est de créer de la bonne musique et de continuer à repousser mes limites à chaque fois.

Parlez-nous de votre nouveau son « Focus Ci Sa Bop », qui a été repris par de nombreux grands musiciens sénégalais. Quel est le but de sa sortie ?

« Focus Ci Sa Bop » est mon prochain single qui n’est pas encore sorti, mais je constate que les gens l’apprécient déjà. Cette chanson marque mon retour sur la scène musicale après une période d’absence.

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 Carte d’identité

Mouhamadou Makhtar Diao, également connu sous les pseudonymes de « Al Moukhtari », « Jantler » ou « Gorou Ndar », est né à Saint-Louis, au Sénégal, et a grandi dans le quartier de Darou. Sa passion pour la musique et l’art du rap a commencé à se manifester dès son adolescence et, en 2013, il a pris le micro pour la première fois pour exprimer son talent.

En 2015, Al Moukhtari a sorti sa première mixtape intitulée « Beneen Jant » qui comprenait 10 titres originaux. Ce projet a marqué le début de sa carrière musicale et a attiré l’attention des auditeurs locaux.

En 2017, il a intégré le label « Hit Box Studio », une initiative fondée par lui-même et ses amis. Ce label indépendant a été créé dans le but de créer un environnement propice à l’expression artistique, de soutenir les talents émergents et de promouvoir la musique saint-louisienne.

Cette même année, Al Moukhtari a également participé à des concours de rap tels que Citizen Mic et Flow Up, où il a représenté fièrement Saint-Louis. Ces compétitions ont été des opportunités pour lui de faire briller ses talents sur scène et de montrer sa présence sur la scène hip-hop sénégalaise.

En 2018, Al Moukhtari a fait un grand pas en avant avec la sortie de son EP « Fisha » qui contenait 6 titres accrocheurs et variés. Cette sortie a consolidé sa position dans le paysage musical sénégalais et a élargi son audience.

Certains fans lui ont donné les surnoms affectueux de « Jantler », faisant référence à sa mixtape « Beneen Jant » et « Gorou Ndar », en l’honneur de son attachement à Saint-Louis, sa ville natale.

Au fil des années, Al Moukhtari a multiplié les clips, les festivals et les concerts, renforçant ainsi sa présence sur la scène musicale sénégalaise et gagnant le respect de ses pairs et de son public. Ses textes riches et engagés ont également contribué à le démarquer en tant qu’artiste à part entière.

Avec son talent indéniable, sa détermination et son dévouement à son art, Al Moukhtari continue d’évoluer et de laisser une empreinte significative dans le hip-hop sénégalais.

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Vous êtes aussi réalisateur de films. Nous aimerions en savoir plus.

En tant que réalisateur, j’ai réalisé de nombreux clips pour des artistes sénégalais et internationaux. J’ai également co-réalisé mon premier court-métrage intitulé « Yadikoon » qui a été primé lors du dernier festival de cinéma, « Les Teranga ».

Comment avez-vous créé ce lien entre le cinéma et le rap ?

Mon intérêt pour l’audiovisuel a été motivé par le désir de réaliser mes propres clips, car je n’avais pas les moyens de payer des professionnels au début de ma carrière. Cela m’a poussé à apprendre le montage et l’infographie en ligne, puis à intégrer un studio d’animation où j’ai acquis plus d’expérience en participant à des tournages de documentaires et de fictions.

Comment gérez-vous les tournages de films et votre carrière de rappeur ?

Je suis quelqu’un d’organisé, je planifie chaque chose que je dois faire, et cela m’aide à bien gérer les tournages de films en parallèle avec ma carrière de rappeur.

Avez-vous une petite amie ak Moukhtari ?

(Rires)… En tout cas je ne suis pas marié. Je veux plutôt une femme simple et intelligente.

Quel est votre style de femme?

Je veux plutôt une femme simple et intelligente

Style vestimentaire ? Comment vous vous habillez et vous inspirez ?

J’aime beaucoup la mode, et la plupart du temps, je porte des habits que j’ai pensés, mais je m’habille souvent en streetwear. J’ai déjà créé une marque depuis 2017, « JantALment », que j’ai transformée en « Volume ». Je m’inspire de la mode africaine et des styles vintage, les tissus, les couleurs et les motifs.

Quel est ton addictif ? Café, film, sport ???

Je dirais plutôt le café.

Al Mokhtar: Jaloux, timide, playboy, ?

Ça peut-être les trois à la fois, cela dépend des circonstances (rires)…

Vous suivez naturellement les actualités au Sénégal. En tant que rappeur, quelle analyse en faites-vous?

Au Sénégal, le visage de l’injustice se dessine malheureusement avec trop de clarté. De nombreux jeunes sont confrontés à des défis insurmontables qui les poussent à prendre des décisions désespérées. L’inégalité sociale et économique crée un fossé béant entre les privilégiés et les laissés-pour-compte, entraînant des conséquences dévastatrices pour les plus vulnérables. Des jeunes qui aspirent à une vie meilleure sont contraints de prendre des risques incalculables, dont l’embarquement à bord de fragiles pirogues pour tenter de rejoindre l’Europe. Ces traversées périlleuses sont une manifestation tragique de l’injustice et de l’absence d’opportunités pour de nombreux jeunes Sénégalais.

Pendant que certains jouissent d’un accès aisé à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi, d’autres sont laissés pour compte, confrontés à la misère, au chômage et à un avenir incertain. La pauvreté et l’injustice ne devraient pas obliger des jeunes pleins de rêves à risquer leur vie en quête d’un avenir meilleur. Il est temps de dénoncer fermement cette situation, de créer des opportunités égales pour tous les jeunes et de mettre fin à l’exploitation de la misère. Investir dans l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi est essentiel pour briser ce cycle d’injustice et de désespoir.

Quel est votre message pour ces jeunes ?

Nous devons unir nos forces pour bâtir un avenir où chaque jeune Sénégalais a la possibilité de réaliser ses aspirations sans risquer sa vie dans des voyages périlleux. La jeunesse est le moteur de tout progrès, et nous devons lui accorder l’attention qu’elle mérite.

Ensemble, nous pouvons construire un Sénégal plus juste, où l’égalité des chances et le respect des droits de l’homme sont les pierres angulaires de notre société. Chaque vie compte, et il est temps de mettre fin à l’injustice qui pousse les jeunes à risquer tout pour un avenir meilleur. L’heure est venue de changer les choses et de créer un avenir où l’espoir et les opportunités prospèrent pour tous.