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Air Sénégal n’a pas la côte

Aviation civile

 

La nécessité d’un aéroport

proche de la ville de Dakar

 

Le Sénégal avait proposé les aéroports de Saint Louis et de Ziguinchor pour compléter à trois le nombre de ses aéroports annexés à la Convention de Dakar en application de l’article 2 de celle-ci. Bien que cette décision date de très longtemps, l’intégration de ces deux aéroports aux activités communautaires ne s’est pas réalisée, et ce par l’abstention de notre pays (ou de ses organismes délégataires en la matière) de poser les conditions préalables requises.

La situation en matière d’infrastructures aéronautiques est en vue d’une évolution fondamentale avec l’option déclarée parles autorités supérieures qui avaient indiqué leur décision de transférer le trafic de l’aéroport Léopold Sédar Senghor vers celui dit Blaise Diagne et d’utiliser l’emprise domaniale du premier pour un projet hors du champ aéronautique.

Quelques remarques :

* L’aéroport de Dakar est un centre d’activités économiques important et influence de manière très significative la région du Cap-Vert. (Aéroport de Paris représentait, il y a quelques années, 10% du « PNB » de la région Ile de France qui est la première en Europe en termes de production de richesses. Ceci donne une idée du poids économique d’un système aéroportuaire dans l’économie d’une région)
* Il n’est pas démontré que le transfert du trafic de l’actuel aéroport vers celui de Diass ne va pas désorganiser toute l’économie liée directement ou indirectement au site actuel. Nous savons qu’au Canada, la tentative de transférer le trafic de Dorval à Mirabel a été un échec coûteux qui a renchéri significativement la « redevance » passager et le trafic a été en définitive rapatrié à Dorval.

L’aéroport actuellement en service est un aéroport mixte (civil et militaire) idéalement situé pour les deux types activités.
* Cet aéroport devrait neutraliser moins de superficie qu’un autre situé ailleurs. En effet, les espaces terrestres survolés par les aéronefs au départ ou à l’arrivée sont très limités, le reste de leurs trajectoires imposant des servitudes aéronautiques sont situées en mer. Djibouti, qui dispose des mêmes avantages en termes de position stratégique, a su en tirer profit et engranger ainsi annuellement des ressources significatives tant en économie qu’en défense. Une analyse conduite par des compétences en Aéronautique, Défense, Diplomatie et Economie devrait dégager une position à adopter en vue de valoriser ce potentiel sans des risques pour notre économie liée à l’aéroport actuel.

 

Air Sénégal n’a pas la côte

Si le politique donne des orientations générales, l’expertise technique est nécessaire pour la gestion : les énormes moyens mis à la disposition de la compagnie Air Sénégal devraient aider à éviter certaines difficultés comme les retards dans les horaires qui renvoient aux « Air In cha Allah » préjudiciables à la défunte compagnie continentale Air Afrique.
Si le client perd plus de temps à se rendre à l’aéroport qu’à voyager vers la sous-région, en Mauritanie, en Gambie ou vers les Guinées, les responsables d’Air Sénégal doivent convaincre les décideurs que la perte de temps en amont et en aval devrait amener à valoriser Léopold Sédar Senghor comme aéroport pour les vols domestiques.

Comment préserver au mieux nos intérêts dans nos relations avec l’Asecna ?

Il est probable que l’aéroport actuel soit nécessaire même avec l’ouverture de celui de Diass, ne serait-ce que pour des vols intérieurs ou de voisinage (courts courriers). L’aéroport de Diass pourrait accueillir des vols touristiques à destination de la zone de Saly et être en même temps une importante base aérienne pour des activités militaires dont la nature et l’envergure seront cernées par une analyse exhaustive de nos intérêts. Les charges pour le fonctionnement et les investissements pour la sécurité de la navigation aérienne de cet aéroport, en cas de son maintien après ouverture de celui de Diass, seront certainement lourdes. Des États membres de l’ASECNA comme le Cameroun ont deux aéroports de premier plan (Douala et Yaoundé) dont la sécurité de la navigation aérienne est prise en charge par l’ASECNA.
Le Sénégal a la même possibilité. Il faudrait demander un délai de réflexion quant au choix définitif du troisième aéroport à proposer et retenir, pour le moment, Ziguinchor comme deuxième aéroport à intégrer aux activités communautaires de l’ASECNA. Des considérations politiques pourraient suggérer ce choix de Ziguinchor.

Après l’analyse qui a été suggérée ci-haut, le Sénégal pourra proposer l’aéroport de Diass comme troisième aéroport du Sénégal dont la sécurité de la navigation aérienne serait confiée à l’Asecna par application de l’article 2 de la Convention de Dakar et de la Résolution pertinente en annexe (cf : Résolution 2O12-CM 54 ASECNA).

Lors de la réunion du Comité des ministres et de celui des experts qui la précède, le Sénégal devrait faire connaître cette position et ainsi surseoir à l’identification du troisième aéroport à intégrer à la liste annexée à la Convention de Dakar. Ultérieurement il fera, après analyse, le choix qui serait le plus indiqué (maintenir l’aéroport LSS après ouverture de l’aéroport de Diass qui serait spécialisé civil et militaire) compte tenu de ses options économiques, diplomatiques et de défense.

NDLR : La présente note est une version actualisée de celle qui a été envoyée au Directeur général de l’Anacim1, par ailleurs administrateur de l’ASECNA pour le compte du Sénégal, à la veille des réunions des instances statutaires de cette agence, au début du mois de Juillet 2012, à Dakar.

 

Par Ababacar Sadikhe DIAGNE
Ingénieur diplômé de l’ENAC et du MIT

Nota :

1 J’avais envoyé cette note au DG de l’ANACIM comme contribution à l’analyse de nos intérêts.
Je n’étais plus agent de l’État !