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Vérités crues : Les Législatives prennent eau

La vérité toutes crues : Les Législatives prennent eau

Reporter les élections
Ramener l’Assemblée

Mars serait une bonne date, un bon cru

Samba Ndiaye, la goutte de trop

La réaction inattendue du président de la République à la poussée sectaire de Pastef ajoute une couche à la crise latente et  devrait inquiéter quant à l’avenir immédiat, post-17 novembre : la dyarchie décriée dès le départ à la tête de l’Etat avec un Ousmane Sonko homme pressé et un Bassirou Diomaye Faye qui freine des quatre fers est apparue nettement ce vendredi avec la réponse sèche du président de la République à une administration qui conteste son autorité et à la montée des particularismes. Une nomination, le 23 octobre en conseil des ministres, a conduit à un comportement sectaire et à un lynchage sur les réseaux sociaux qui font craindre une campagne difficile et une cohabitation heurtée en cas de non majorité claire le 17 novembre au soir, comme les études le laissent penser : le même équilibre observé en France après les Législatives de juillet pourrait se vérifier au Sénégal dans un mois et cette précarité pourrait être source de déstabilisation. La situation sociale n’était déjà pas brillante avec les conditions d’un environnement rompu par l’eau qui pèsent sur les populations. L’entretien du président ce vendredi serait-il la goutte d’eau qui fait déborder le vase, plus que les crues elles-mêmes ? Faut-il reporter les élections et établir les conditions d’un véritable dialogue politique ?

“Couplage, découplage, il (Wade) sera battu”.
Ces mots du regretté Ousmane Tanor Dieng étaient plus politiques de la part d’une opposition qui voulait inviter à la chute du président de la République en 2007. Me Wade avait proposé de décaler les locales et de les coupler avec la Présidentielle ; le budget ainsi dégagé aiderait à venir en aide aux populations des villes durement frappées par les inondations.

Cette année, avec plus de pénibilités pour les populations de la vallée littéralement noyées par les crues du fleuve, le thème est timidement revenu dans l’actualité et suscite diverses réactions.
L’onde de crue vers Saint-Louis, vers le 24 octobre, doit inquiéter les populations de la basse vallée du Ferlo et du lac de Guiers avec l’accélération du transit entre la Taouey et Keur Momar Sarr. Les mêmes raisons écologiques qui ont poussé à effectuer des lâchers d’eau devraient aussi se vérifier au niveau de la digue de Keur Momar Sarr de moindre résistance que les barrages de Manantali et de Diama.
“Sauf décision extraordinaire et de dernière minute, le calendrier électoral devrait être maintenu”, estime  notre contributeur Vovo Bombyx. Qui argumente : ” Certains acteurs politiques ont évoqué le report ; je reste sceptique. À mon avis, dans les « zones inondées », l’Armée sera mise à contribution pour installer des bureaux de vote et permettre aux inscrits de voter le 17 novembre. Le processus est bien engagé et les dépenses sont en train de se faire. Le nouveau pouvoir cherche à obtenir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, pour créer des conditions de stabilité”.

L’idée du report pourrait-elle alors prospérer et comment l’articuler ? Les acteurs ont-ils la maturité et la sérénité nécessaires pour discuter entre eux face aux périls et calamités de la vallée avec les problèmes de santé qui se poseront invariablement ? Par sérénité et lucidité s’entend cette humilité à ne reconnaître aucune victoire ni aucune défaite qui ne soit celle du peuple sénégalais : les éternels Matamores vont crier à la débandade devant une défaite certaine qui ne serait en définitive que celle des populations sénégalaises subissant toutes les conséquences de inondations et des crues. Surtout quand l’intolérance politique s’y mêle avec cet affront impensable fait au président dont les décisions peuvent désormais faire l’objet de frondes par les réseaux sociaux ; le pouvoir avait déjà prêté le flanc avec l’affaire de cet intendant limogé avant de prendre service parce que Pastef l’avait contesté.

Dans ce pays où tout est en lambeau, du Waalo au Djery, où d’un côté la crue du fleuve traverse et écrase tout sur son passage, nous cotisons pour remplir les poches d’une future campagne alors que le peuple nage dans les eaux, ce peuple fatigué de porter sa misère hautaine part, ivre d’un lendemain héroïque vers des rives lointaines, alors que ceux qui sont restés sur les rives prient pour des lendemains incertains. Pendant ce temps, ils sont prêts à surgir à la recherche de leurs voix alors qu’ils sont sans voie. Baba Gallé SAME

Une enquête discrète amène à la conclusion que seuls les acteurs politiques pourraient en disposer, pour s’inciter eux-mêmes à faire face aux périls actuels en parlant aux populations et être sûrs d’être écoutés. A titre d’exemple, Ansoumane Dione pense que le président Bassirou Diomaye Faye aurait signé en grand acte en invitant les leaders de l’opposition à visiter avec lui les zones sinistrées ; l’image porterait en tout cas mieux que celle insoutenable des brutalités faites à Bougane Guèye Dany et qui n’honorent pas le Sénégal de Diomaye Faye. La Covid-19 est là, à titre illustratif. Macky Sall n’avait pas hésité à appeler à la sainte alliance autour de la pandémie en recevant les principaux acteurs politiques. Les inondations et les crues de la vallée font pire en concentrant tous les efforts sur des points précis au détriment des autres et non plus sur la surveillance endémique ; elles annihilent tous les efforts de lutte contre la pauvreté avec l’inondation des zones de culture au moment où l’on envisageait la récolte, avec la fin de l’hivernage. Matam perd ainsi 700 hectares de riz inondés et mille producteurs impactés devront compter sur la solidarité des autres qu’ils aideront à affaiblir, le Gouloumbou se remettra difficilement de la perte de ses centaines  d’hectares de bananeraies.

Les inondations avaient déjà permis de vérifier la baisse de la productivité des agents économiques, la détérioration du cadre de vie et de la santé des populations, la vulnérabilité des ménages qui aboutit à l’augmentation de la pauvreté. Les personnes qui parviennent bon an mal an à se recaser de manière provisoire ou définitive grâce à la solidarité des populations du Sénégal  aggravent le mouvement incontrôlé de populations et souvent la délinquance du fait d’une paupérisation accentuée par la promiscuité.

Le report des Législatives en solidarité devrait s’accompagner de mesures économiques qui vont au-delà des 8 milliards supposés dégagés par le pouvoir pour faire face ; déjà, les 750 milliards du Programme décennal de gestion des inondations mis sur pied pour la période 2012-2022 ont aggravé les zones submergées en les étendant à Touba. Le report devrait s’accompagner du vote d’une Loi de Finance rectificative–Lfr– que le président pourrait initier en revenant sur le décret de dissolution de l’Assemblée nationale pour trois mois au maximum. Pouvoir et opposition pourraient mettre à profit ce délai pour entamer un dialogue national qui aiderait à apaiser la tension née depuis le 24 mars et qui donnera naissance à coup sûr à des scènes rappelant la grande crise entre 2021 et 2023. 

Pathé MBODJE