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TER : DER OU RETS ? Le pari Par Habib KÂ, Chef du bureau régional de Matam, Thilogne

Le Ter sur les rails a pulvérisé tout sur son passage, à très grande vitesse, battu tout record d’audience. Plus que la Covid-19 et son variant Omicron, plus que les élections locales qui se tiennent exactement dans 20 jours, élément de test majeur de la préfiguration des rapports de force entre le pouvoir et l’opposition en prélude des Législatives et de la Présidentielle de 2024, plus que la charte de la non-violence, l’amnistie probable de Karim Wade et de Khalifa Sall, plus que les scandales financiers à coups de milliards de francs cfa à la SAR, à la Poste, plus que le très controversé 3ème mandat, la criminalisation de l’homosexualité, la nomination d’un doyen des juges devant dépoussiérer certains dossiers d’importance capitale pour l’avenir de la République.

Des exclamations et louanges saluant la clairvoyance de la pensée du guide étouffent les critiques sur le coût exorbitant du projet, dicté ou imposé de l’extérieur, la désolation des familles des banlieues traversées, des ménages impactés, des riverains dont le pouvoir d’achat n’est pas à la hauteur des coûts de transport proposés, sans compter ceux habitant dans des coins plus reculés encore des rails qui débourseront 100 francs voire 150 francs ou même 200 francs pour joindre la gare ou en partir.

Toujours est-il que chacun y met son grain de savoir, de critiques, de remarques, de commentaires, devant ce joyau en train de se dandiner dans un va-vient incessant entre la gare de Dakar et Diamniadio.

C’est dire que le Ter et son concepteur occupent toute la place de l’actualité, au point que tout Dakar et l’intérieur du pays ne vibrent qu’à leur rythme.

Ter et Der ?

Macky Sall peut se réjouir, depuis ce lundi 27 décembre, momentanément, d’avoir baissé la clameur contre sa personne de chef d’État. Prendra-t-il pour autant la der ?

il lui faut encore conjurer les mauvais démons, soulever résolument le coude à 180 degrés afin de ne protéger personne, empêcher le mouton de brouter là où il est attaché. Les ennemis du Ter sont de l’intérieur. Il lui faut sévir pour assainir. La réussite de ce projet phare du Plan Sénégal Émergent (PSE) est à ce prix : le Ter décrété fruit interdit.

Le TER, ses exigences

780 milliards ou 1.200 milliards, quoi qu’on en dise, le coût du Ter est trop exorbitant, une dépense de prestige. Un joyau certes de dernière génération technologique où l’informatique, l’électricité et le solaire, composantes essentielles de la machine, prouvent sa finesse, ses caprices, sa vulnérabilité face aux aléas. Il doit être maintenu, entretenu, géré au quotidien par une équipe professionnelle, disciplinée et qualifiée.

Du moment que la balle est partie, il faut composer avec, couvrir le prématuré d’un kangourou, lui fournir tous les soins, toutes les attentions necessaires pour qu’il vive, grandisse, s’epanouisse au-delà de 2035 et qu’il incite le Sénégal à rentrer dans la bataille du rail, gage impératif pour l’industrialisation, l’intégration sous-régionale.

Le TER sur les rails, au delà de son coût, de la propagande officielle, de la mobilisation folklorique, des critiques constructives de l’opposition, est un défi lancé à tous, à la citoyenneté, au patriotisme, et interpelle au premier chef le président de la République.

Rentabiliser ce luxe qui augure « l’aube d’une ère nouvelle” (l’expression est une reprise d’un journaliste du gouvernement) est le pari lancé au président Macky Sall.

La modernité a un prix, des sacrifices à consentir, un comportement citoyen patriotique à adopter, une rééducation des mentalités des dirigeants et chefs d’entreprise à refaire, un seul but, une seule foi : la rigueur de la gestion dans la transparence pour un meilleur devenir du seul Sénégal, le Sénégal d’abord, le Sénégal avant tout.

L’Etat donnera le premier l’exemple.

Il ne servirait à rien d’édicter des leçons de morale aux citoyens, aux usagers si par derrière on fait piètre figure de probité dans la gestion des ressources humaines et financières, si on fait du personnel de gestion une réserve de militants, de recommandés, une oasis pour recycler des transhumants.

La finition du maillon de la chaîne manquant, Diamniadio Aéroport International Blaise Diagne (AIBD), est la condition sine qua non d’un projet durable.. Le développement commence à Diamniadio pour traverser AIBD, Thiès, Mbour.

AIBD est l’unité qui active la fluidité et donne un sens au projet pour ne pas dire toute sa raison d’être.

Élément de propagande, fierté d’un peuple qui veut bien savourer après des doutes cette entrée dans la modernité, le TER que le président Macky Sall a voulu et matérialisé, malgré les remarques de certains, ne doit pas être une arme qui se retournerait contre lui, contre ses ambitions tues.

TER comme la der des cartes qu’il a en main, une vision futuriste entonnée par-dessus tous les toits, Ter comme rets, un piège, une nasse qui se referme sur toutes les velléités de rebondir dans les cœurs et l’électorat sénégalais.

Le pari est là.