Sénégal-La pyramide de la République
La pyramide de la République
Quel(s) symbole(s) ?
Deux symboles sont au cœur de la république sénégalaise depuis son accession à la souveraineté internationale, le 20 août 1960 : le lion et le baobab…
Le lion incarne la force physique et le baobab la force spirituelle ; la résultante des deux forces est une force supérieure que les hommes n’ont pas appris encore à nommer mais elle existe au plus profond de notre être, au plus profond de ” l’homo senegalensis ’’…
Une idée nouvelle a germé et cette idée est belle : un troisième symbole–la pyramide–nous est généreusement proposé mais son adoption pose problème pour des raisons multiples dont certaines sont purement conjecturelles mais, “ tant va la ruche à l’eau qu’à la fin elle se brise’’…
Il faut oser s’opposer à une idée belle et généreuse car la ” beauté sénégalaise ’’ doit rester ” magique circonstancielle ’’ pour paraphraser encore et toujours l’écrivain André Breton : le lion et le baobab cohabitent dans notre être tout entier…
Les grandes et anciennes civilisations de l’Egypte (Antiquité) qui doivent tant aux peuples venus d’Afrique noire, ont construit, avec tout le génie qui les caractérisait, des pyramides uniques au monde ; ces pyramides aux noms évocateurs, la grande pyramide de Gizeh, classée parmi les sept merveilles au monde, appartiennent aujourd’hui au patrimoine mondial.
La France du président François Mitterrand a donné aussi au monde mais avant tout à elle-même la belle et lumineuse pyramide du Louvre, faite de verre et de métal, de losanges et de triangles et dessinée par l’architecte Ming Pei.
D’autres pyramides existent certainement sur d’autres continents mais chaque pyramide a une histoire qui souvent devient universelle ; les circonstances font parfois l’histoire à la place des hommes et des femmes…
La pyramide est une figure géométrique parfois secrète et les hommes ont appris à la construire, à la projeter hors d’eux-mêmes car toute œuvre de beauté pure est d’abord ” modèle intérieur ’’ : la ” pyramide de la République ’’ que l’on projette de construire sur le site de Diam Niadio, pourrait-elle nous surplomber ?
A la réflexion, réflexion à laquelle je voudrais associer tous les artistes du Sénégal, tous les architectes et urbanistes, toutes les populations éprises de beauté, la pyramide ne saurait devenir facilement un symbole de notre République, tant s’en faut…
La pyramide a déjà ” donné ’’ et toutes les œuvres ” pyramidales ’’ et phénoménales qui ont pris corps depuis des millénaires sur des continents qui ont évolué–géologiquement parlant-mériteraient aujourd’hui d’exister seules, sans réplique aucune, sans reproduction et sans imitation d’aucune sorte…
La Tour Eiffel à Paris, d’inspiration milanaise a été construite sur le Champ de Mars à proximité de la Seine avec du fer et inaugurée le 31 mars 1889 ; la statue de la Liberté à New York, érigée sur Liberty Island, a été construite en cuivre et inaugurée le 28 octobre 1886 ; la statue du Christ Rédempteur à Rio (Mont de Corcovado) conçue par l’ingénieur brésilien Hector da Silva Costa et le sculpteur français Paul Landowski a été construite de 1926 à 1931 ; le Monument de la Renaissance Africaine sis à Ouakam a été inauguré le 03 avril 2010 ; la pyramide d’Austerlitz est une pyramide de sable et de terre, construite par des soldats de l’armée napoléonienne en 1804, située à Woudenberg, près d’Utrecht, aux Pays-Bas. Tous ces symboles entretiennent – à distance – des rapports invisibles qui seront révélés aux hommes un jour ou l’autre ; l’eau, celle qui coule, restera durablement leur ” élément commun ’’…
Nous devons déjà apprendre ou réapprendre à ‘’égrener’’ nos symboles du littoral : la Grotte de la lumière, le Phare de l’Espérance, le Phare des Mamelles, le Monument de la Renaissance Africaine, la Mosquée de la Divinité, la Porte du Millénaire, la Mosquée Omar Foutiyou Tall, le Phare du Cap Manuel…
Le lion, symbole du Sénégal, a été souvent représenté et sculpté et le baobab également mais sur une échelle réduite, selon la volonté propre des artistes.
J’ai écrit, l’autre matin, à l’artiste sénégalais, talentueux, Diadji Diop qui vit et travaille à Paris, au sujet des deux lions sculptés qui ornent depuis quelques mois l’entrée du Building du président Mamadou Dia, sis sur l’avenue Léopold Sédar Senghor (les deux grands hommes se rencontrent à nouveau pour dialoguer…)
Une ” œuvre de couleur rouge ’’–le nageur-de l’artiste sénégalais Diadji Diop était exposée dans les jardins du Palais de l’Elysée en 2010, ouvert au public, à l’occasion des journées du patrimoine : cette œuvre – le nageur – se trouve aujourd’hui exposée au Palais de la Porte Dorée à Paris.
Les deux lions du Building du président Mamadou Dia devraient ” rugir haut ’’ et mériteraient d’avoir une allure plus en relation avec la hauteur calculée de l’édifice reconstruit ; ils mériteraient surtout de porter notre “couleur rouge ’’ car le ” lion rouge a rugi ’’ depuis 1960…
Je propose donc au Sénégal–excusez mon audace-et demain au monde (l’histoire nous édifiera) de remplacer la ” pyramide de la République ’’ par le ” baobab de la République ’’ et je proposerais quelques noms d’artistes parmi les plus grands–ils sont mes amis depuis toujours -qui travailleront avec les ingénieurs sur ce projet du Sénégal qui nous concerne tous…
Je veux citer dans l’ordre de ma mémoire, sans boussole : Issa Diop, André Guibril Diop, Lamine Barro, El Hadj Sy, Viyé Diba, Louis Bassène, Tacko Diongue, Kalidou Kassé, Mamadou Wade, Séa Diallo, Diadji Diop et tant d’autres artistes aussi talentueux mais que je n’ai pas eu la chance de connaître encore…
Le jour n’est peut-être plus loin où l’hymne du baobab pourra retentir au pied du “baobab de la République’’–sculpture monumentale-à Diam Niadio, nouveau carrefour des civilisations, comme il a retenti, la première fois, le 26 novembre 2014, au pied du Monument de la Renaissance Africaine, tout un symbole…
Ainsi va le baobab, ainsi va la République, ainsi va le Sénégal…
Jean Michel SECK