Sénégal-Économie : Et si on la fermait ?
Sénégal-Économie
Le mouvement brownien
La chasse au trésor nécessite le silence absolu
Les chiffres publiés dans le rapport de la Cour des Comptes n’éclairent pas l’avenir et assombrissent le présent. Les autorités ont apeuré les populations. Envisager une politique d’austérité dénote une incompréhension des enjeux : la Cour des Comptes invite l’État à une partie de chasse aux trésors dont les indices se trouvent dans son rapport. Le gouvernement ne doit nullement politiser ce rapport pour divertir le peuple en l’incitant aux bavardages infructueux. Silence : on emprunte !
De notre correspondant en France
Le régime sortant de Macky Sall a induit un courant tourbillonnaire qui entraîne progressivement le Sénégal vers un chaos économique. Notre économie est confrontée à des pressions sans précédent et le pays est au bord du gouffre, tendant vers un effondrement économique en raison d’inflation, de crises sociales et de problèmes structurels. L’administration « mackyste » a fragilisé cette économie avec des tendances très alarmantes. Le récent rapport de la Cour des Comptes témoigne de son bilan très contesté avec des répercussions sévères sur les conditions de vie des populations. Macky Sall a gouverné dans une gabegie d’État qui a mis en péril la santé financière du pays. Les publications récurrentes de la Cour des Comptes sur sa gestion ressemblent à une poupée russe. De fait, si le peuple a porté son choix sur le Pastef lors de l’élection présidentielle, c’est d’une part une sanction infligée à Macky Sall et une renaissance de l’espoir après qu’Ousmane Sonko ait vanté les bienfaits du projet patriotique d’autre part. Le peuple, majoritairement la jeunesse, assimile ce projet à une baguette magique qui va résoudre ses problèmes et ainsi offrir un cadre de vie meilleur.
Depuis son accession à la tête de l’État, l’actuel régime semble décrire une trajectoire brownienne : presque 12 mois de gouvernance et l’État ne retrouve pas son chemin, et la rupture tant convoitée est quasi-inexistante ; d’où un problème de référentiel cartésien.
En effet, le balai du président Diomaye Faye n’a fait que soulever la poussière : Benno Bokk Yakar occupe jusqu’à présent les administrations. Or un nettoyage administratif exhaustif devait se faire dès les premiers jours de l’exécutif au palais de la République. Le modèle américain à suivre : il s’écoula près de 75 jours entre l’élection de Donald Trump le 5 novembre dernier et son entrée officielle à la Maison-Blanche le 20 janvier ; ce délai a permis de couper le haut de la pyramide de la fonction publique et l’exécutif désigné doit le remplacer en effectuant des milliers d’embauches dans tous les secteurs du gouvernement fédéral.
Donald Trump est arrivé avec l’équipe qui l’entourera à la Maison-Blanche, a choisi les membres de son cabinet et les hauts placés des départements et des agences fédérales. Cela représente environ 4.000 postes administratifs de haut niveau. Cette lourde tâche de nominations se prépare en amont par anticipation de l’accession au pouvoir. Est-ce un oubli du Pastef ? Comme dans une étude de fonction, il faut commencer par déterminer le domaine de définition. En outre, l’opinion publique s’adonne inlassablement aux polémiques suite à la diffusion du rapport définitif de la Cour des Comptes. Les chiffres publiés n’éclairent pas l’avenir et assombrissent le présent. Les autorités ont apeuré les populations. Envisager une politique d’austérité dénote une incompréhension des enjeux. Le peuple n’a aucune raison de s’inquiéter ou se serrer la ceinture. En fait, la Cour des Comptes invite l’Etat à une partie de chasse aux trésors dont les indices se trouvent dans son rapport : le règlement de compte doit être dédié à un appareil judiciaire efficient et rigoureux afin de récupérer en un temps record les milliers de milliards de francs Cfa volés et thésaurisés. Ainsi les caisses du Trésor public seront remplies et le déficit budgétaire considérablement réduit. Donc une poursuite vigoureuse des épinglés du rapport impactera positivement le solde budgétaire.
Quant à la dette publique, la Cour stipule que « l’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18. 558,91 milliards de francs CFA au 31 décembre 2023, et représente 99,67 % du PIB». Il faut bien comprendre que la dette publique est l’accumulation, année après année, des déficits budgétaires et des intérêts de la dette. Ce niveau d’endettement n’est pas une fatalité. Raisonner en termes de dette d’un ménage est une erreur gravissime. Un ménage, en tant qu’emprunteur « normal », est contraint de rembourser sa dette à échéance bien définie. Cependant, un État se caractérise par son « immortalité » et fait rouler sa dette, c’est-à-dire il s’endette chaque année pour payer la dette de l’année précédente. Un État rembourse seulement les intérêts de la dette, appelés charge de la dette qui rentre dans son budget. Donc un citoyen ne rembourse rien à titre personnel et ne remboursera jamais. Pas de panique ! Dans une économie moderne, s’endetter est un phénomène normal voire une chance. La chance des personnes riches, c’est justement de pouvoir faire des crédits, s’endetter pour pouvoir acheter plus de logements, d’entreprises et fructifier leurs richesses. Heureux les emprunteurs ! Le drame des pauvres est de ne pas pouvoir emprunter. Comme dit le fameux adage : « On ne prête qu’aux riches ». Cela est aussi valable pour un État.
L’argent de l’État ne se perd pas dans la nature ou dans les égouts. Il finit toujours dans des poches : soit des poches de personnes, soit des poches d’entreprises. Afin de soulager le quotidien des populations, une mesure drastique est de s’endetter davantage pour générer plus de PIB. Une politique d’austérité plonge dans le chaos. Le gouvernement ne doit nullement politiser ce rapport pour divertir le peuple en l’incitant aux bavardages infructueux.
Presque 12 mois aux commandes et aucun acte fort n’a été posé pour la jeunesse. Les entrées/sorties au palais et les nominations snobent cette jeunesse qui porte dans son cœur ce projet. Un acte fort en guise de reconnaissance commencerait par rendre justice aux victimes des manifestations. C’est la décision de justice qui définit les dommages-intérêts. Parler d’indemnités sans procédures judiciaires au préalable voudrait simplement dire qu’il n’y aura pas de justice pour ces victimes ; ce qui serait une haute trahison. Aussi nous invitons l’État à s’activer pour l’emploi des jeunes.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a un rôle crucial à jouer. Dans un contexte économique tendu, ses sorties médiatiques doivent désormais être motivées par des discours rassurants et apaisants. Une communication centrée sur la dette publique et les contentieux judiciaires fait fuir les investisseurs potentiels et apeurer le secteur privé créateur d’emplois. Les conventions « Qatar et Espagne », soutenues récemment par le ministre Abass Fall démontrent une incapacité de l’État à créer des opportunités pour les jeunes et donc d’un avortement précoce du projet. La solution de l’emploi est à portée de main et repose principalement sur le secteur privé. Ousmane Sonko devra rassurer les investisseurs privés sérieux et les inciter à un recrutement de masse avec une participation financière de l’État par une baisse significative des charges patronales et des cotisations sociales.
Par ailleurs, ces investisseurs locaux seront les premiers bailleurs de fonds avant de solliciter la FMI ou la Banque mondiale. C’est typiquement la stratégie adoptée par le Japon qui s’endette à hauteur de 8.000 milliards de dollars, soit 255% de son PIB. Si le Japon arrive à maîtriser sa dette, c’est grâce à ses investisseurs locaux qui sont ses prêteurs. L’heure n’est plus aux discours va-t-en-guerre qui repoussent les investisseurs.
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Le mouvement brownien, ou processus de Wiener, est une description mathématique du mouvement aléatoire d’une « grosse » particule immergée dans un liquide et qui n’est soumise à aucune autre interaction que des chocs avec les « petites » molécules du fluide environnant. Il en résulte un mouvement très irrégulier de la grosse particule, qui a été décrit pour la première fois en 1827 par le botaniste Robert Brown en observant les mouvements spontanés de grains de pollen de Clarkia pulchella en suspension, puis de diverses autres plantes. Wikipedia
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Puis un taux de pauvreté avoisinant 38% ne permet pas une augmentation des impôts sur la classe moyenne. Afin de compresser davantage le déficit budgétaire, l’État doit prélever des impôts sur le patrimoine des riches et des taxes d’habitation sur leurs biens immobiliers. Aussi, la réduction du train de vie de l’État accroît le budget de l’État. Beaucoup d’agences sont redondantes et sans effets significatifs sur le quotidien des Sénégalais. Macky Sall les avait créées en grande partie pour ses militants à prendre leur part du gâteau. Nous avons besoin d’une restructuration forte de l’ensemble de ces agences. Par exemple, SNHLM pourrait être affiliée à la CDC. L’Assemblée nationale n’a pas besoin de 165 députés. Seulement 100 auraient suffi avec une répartition départementale et la Diaspora. Les salaires mirobolants des autorités publiques doivent être revus à la baisse… Comme a dit le Président Diomaye Faye, la marge de manœuvre est quasi nulle ; ce qui veut donc dire qu’il faudra être alerte et vif pour dénicher les financements.
Le pays stagne et les conditions de vie des populations deviennent de plus en plus difficiles : « deukk bi dafa dëgër ». Subvenir aux besoins primaires des populations est une urgence. Certaines autorités se permettent de nous vendre du rêve avec l’exploitation du pétrole par exemple. Cet or noir ne profitera pas au pays si nous ne faisons pas attention. Nous ne contrôlons pas les prix et le marché est très volatile. Bien que le Nigéria soit l’un des principaux producteurs de pétrole au monde, la chute des prix internationaux et la corruption ont considérablement affaibli son économie. Quant à l’Equateur, sa dépendance au pétrole, une ressource très volatile, expose le pays aux fluctuations du marché international. Les récentes baisses du prix du brut ont affecté les revenus du gouvernement, limitant sa capacité à financer les programmes sociaux et réduire la pauvreté. Pour une meilleure vente du pétrole, une modélisation mathématique de la volatilité du marché aiderait beaucoup.
La cacophonie et les diversions doivent cesser au sein de l’État. Nous attendons des autorités publiques des solutions pérennes aux problèmes sociétaux. L’actuel régime a été désigné pour réparer les dégâts de ses prédécesseurs et non pas faire d’eux des boucs émissaires pour dissimuler ses limites et lacunes.
Séga Fall MBODJI,
MOA Pôle ALM DFINF/Trésorerie chez Groupe Caisse des Dépôts
Ingénieur Statisticien – Mathématicien du risque & Actuariat, aide à la décision
06 50 54 72 75 Segafall.mbodji@gmail.
Paris