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Sankara : La dette, c’est toute la domination coloniale

Capitaine Thomas Sankara, 4 août 1987, à l’occasion du 4ème anniversaire de la Révolution burkinabè

« L’histoire de la dette,

c’est l’histoire de toute la domination coloniale »

In Le Devoir no 34, octobre 1987, pages 6 et 7

« Est-ce que nous allons continuer de défier nos peuples par des crises sociales que parfois nous arrivons à juguler, à contourner, en sacrifiant sur l’autel de la paix sociale certaines personnes ? Ou bien est-ce que nous n’allons pas la résoudre, en demandant aux masses populaires de se prononcer sur la dette et ses conséquences ? Autrement payer ou ne pas payer et comment nous allons assumer les conséquences ?

Propos recueillis par notre envoyé spécial Demba NDIAYE

(…) Enfin sur la dette. Le problème de la dette doit cesser d’être un problème de choix moral ; parce que d’abord il n’y a pas la même morale entre ceux qui prêtent et ceux qui reçoivent les prêts. Ensuite la question de la dette n’est pas liée à une opération boursière financière prise simplement à un moment donné. C’est une question qui a une histoire, qui a un commencement et un devenir.

Son histoire, c’est l’histoire de toute la domination coloniale, la poursuite de l’exploitation néo-coloniale et aujourd’hui la domination impérialiste. Sans la résolution de ces questions-là, on ne peut pas résoudre la question de la dette. Par conséquent, il faut que les Etats qui veulent se débarrasser de la dette se mettent d’accord sur cette base-là pour se défaire de cette dette, après avoir apporté les critiques nécessaires.

Je dois dire que la question de la dette continue de préoccuper les Africains, et il en sera ainsi de plus en plus, tant qu’il y aura des riches et des pauvres, tant qu’il y aura une minorité que de possédants et une majorité de ceux qui doivent regarder les autres posséder, il y aura des luttes forcément, il y aura donc des bouleversements dans des rapports financiers-capitalistes. Et ce sont ces bouleversements, ce sont ces déchirements qui, représentés sur le plan international, se nomment crise (s) économique (s) internationale (s), crises du capitalisme. Mais la crise du capitalisme est née du refus par une majorité d’accepter la domination d’une minorité. Et toutes les tentatives que nous avons eues jusque-là en Afrique, et même ailleurs, n’ont donné que le même résultat : des échecs.

Partout où les Etats africains ont demandé des rééchelonnements, qu’est-ce qui s’est passé ? Les masses sont descendues dans la rue. Cela est une constante. Chaque fois que nous avons entamé des programmes d’ajustement, institué des mesures critiques, qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a eu des crises sociales. Et beaucoup de gouvernements sont même revenus des mesures conçues avec ces milieux financiers. C’est donc dire qu’il y a manifestement des difficultés, il y a manifestement un échec. La question que nous devons nous poser c’est : « Est-ce que nous allons continuer de défier nos peuples par des crises sociales que parfois nous arrivons à juguler, à contourner, en sacrifiant sur l’autel de la paix sociale certaines personnes ? Ou bien est-ce que nous n’allons pas la résoudre, en demandant aux masses populaires de se prononcer sur la dette et ses conséquences ? Autrement payer ou ne pas payer et comment nous allons assumer les conséquences ?