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Ramadan: Soukarou Koor, des bonnes actions deviennent obligation Khadidiatou GUEYE Fall

Le Ramadan est un mois que les musulmans attendent impatiemment du fait de son caractère particulier : la solidarité, le partage sont accentués durant cette période. Mais l’annonce de l’apparition du croissant lunaire n’accorde pas le sourire à tous les musulmans. Car, pour les femmes sénégalaises, cette période de jeûne constitue un fardeau : elles sont appelées à donner le soukarou Koor, quoi qu’il vaille à la belle famille.

Le soukarou Koor traduisant littéralement le sucre du Ramadan consistait auparavant à donner du sucre à son beau-père et à sa belle mère. Cet acte concilié à faire de bonnes actions allait dans le sens d’aider la belle famille sur les denrées alimentaires les plus sollicitées pendant ce mois comme le sucre, le lait, la datte, le café… Au Sénégal, la forte consommation du sucre a valu que cet acte de bienfaisance s’articule autour du sucre, d’où le soukarou Koor.

Pour les Sénégalaises, il faut remuer terre et ciel afin de se trouver un bon panier de ndogou, des tissus, de l’or accompagné d’une grosse somme d’argent. Même si certaines ne sont pas d’accord, elles le font quand même contre leur volonté.

Ndèye Aissatou le fait malgré elle. Mariée depuis 5 ans, elle s’est organisée pour accomplir son “devoir” de belle-fille d’une famille vaste. ” Au début de mon mariage, le soukarou et les moussorou ndieunké ont failli briser mon ménage. J’étais encore étudiante et mon mari ne pouvait satisfaire tous les caprices de sa famille. Donc j’ai dû m’inscrire dans une tontine annuelle avec l’aide de ma mère pour parvenir à satisfaire ma belle famille. Et pourtant, je n’ai jamais donné du sucre Ramadan à mes parents parce qu’à chaque fois qu’ils me voient me débrouiller pour ces genres de choses, ils me rassurent et m’épargnent une charge. Parfois, ils me sont d’une grande aide en m’envoyant de l’argent. Mon mari n’est pas dans ces délires il m’a dissuadée plusieurs fois en disant que l’argent épargné pourrait débuter un projet rentable, mais ce n’est pas facile d’entendre des moqueries et de propos insolents quand on manque le soukarou Koor”.

Altesse Niasse trouve que c’est l’un des moyens de consolider son mariage vu l’importance que cela a aux yeux de personnes âgées. La chance de Altesse Niasse, c’est d’avoir une belle famille qui n’est pas ancrée dans les affaires de cadeaux venant de leur belle-fille. ” Heureusement, ma belle-mère est très compréhensive sur ce côté là. Je ne suis pas contre le soukarou koor, au contraire c’est une tradition et une bonne chose pour renouveler son amour à sa belle famille. Mais si je n’ai pas les moyens d’acheter des cadeaux ; je ne me plains pas et je ne fatiguerai pas mon mari pour des actes facultatifs”, dixit Altesse.

Mariée depuis 10 ans, Kiné Lam vit en Italie avec sa petite famille. Pour elle, le soukarou Koor ne devrait pas bouleverser la stabilité du couple dans la mesure où c’est la volonté qui émane de la personne. En aucun cas cela ne doit être perçu comme une obligation.” Personnellement, je ne le fais pas par obligation. Je le fais quand j’en ai envie”, soutient-t-elle. Malgré cela, Kiné refuse d’être la vache laitière de quiconque. Elle accepte le fait que le soukarou est un moyen de maintenir l’affinité entre sa belle-famille : ” C’est une tradition de chez nous que nos grands-parents faisaient et nos parents continuent à perpétuer. Pour moi, c’est juste de la “téranga”. Je ne suis pas dans les cadeaux exagérés que certaines femmes font pour être la favorisée des belles-filles”, renchérit Kiné.

Parfois l’envie exclusive d’offrir un simple soukarou Koor est trahie par l’acte de vouloir se faire nom au sein au sein de la famille.  Autrefois, donner du soukarou Koor était exclusivement constitué de sucre. Mais le voyez-moi et l’obligation que la belle famille en a fait dépourvoit l’intérêt d’antan du soukarou Koor qui secoue la stabilité de la vie de couple.