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Quatrième pouvoir, une étiquette au dos du journalisme: Voix du peuple et/ou promoteur despotique ? Par Sadany SOW

‘’Informer juste et vrai’’ est la devise du journalisme. Ce métier quelque peu ingrat représente dans la société le quatrième pouvoir. Cette expression qui désigne la presse et les médias  regroupe tous les moyens de communication qui peuvent servir de contre-pouvoir face aux trois pouvoirs incarnant l’Etat, en recourant au principe de protection des sources d’information des journalistes.

Dans cet entretien exclusivement consacré à Ibou Fall, journaliste, auteur de « Banc Diaxlé », et khalifa Ababacar Ndiaye, rédacteur en chef du portail d’information « Actu221 », des questions essentielles sur l’attitude, le rôle, la fonction, la limite des médias seront éclaircies.

D’où vient l’expression quatrième pouvoir et qui est un vrai journaliste ?

Ibou Fall : L’expression ? C’est depuis l’affaire du Watergate lorsque l’enquête de deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, a conduit à la démission du président américain Richard Nixon.

Le vrai journaliste c’est quelqu’un qui gagne sa vie en pratiquant le journalisme, c’est-à-dire la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. S’il exerce librement son métier, il peut souvent déranger ceux que les informations pénalisent. Le journaliste n’a qu’un rôle : celui d’informer, quelles que soient les circonstances. Aussi ne peut-on  interdire à un journaliste de diffuser des informations, surtout lorsqu‘elles sont avérées. Donc, les médias doivent informer le mieux possible le public. Ils n’ont pas d’autres fonctions.

Que pensez-vous de la multiplication des sites d’informations au Sénégal ?

Khalifa Ababacar Ndiaye : Eh bien cela relève de la vitalité démocratique du pays : dès l’instant qu’on dit qu’il y a un nombre pléthorique de sites internet au Sénégal, cela témoigne qu’au moins il y a une liberté de ton et d’expression. Je pense que c’est la première signification qu’on peut donner à cette multiplicité de sites internet. Ce qu’on peut dire aussi sur ce nombre important de sites internet qui existe au Sénégal, c’est qu’il y a un nombre conséquent de journalistes qui sont là, les écoles de formation en journalisme sont chaque année pleine. Malheureusement les médias existants ne peuvent pas tous les recruter, c’est donc normal que ces journalistes sur la liste d’attente prennent des initiatives et créent leur propre medium pour exercer ce métier.

Quelle analyse faites-vous à cette remarque : « Maintenant chacun (quartier, charlatan, marabout, célébrité, etc.) détient son propre site d’information et y diffuse librement » ?

Khalifa Ababacar Ndiaye : Au Sénégal, la règlementation n’est pas trop dure dans la création de site internet : un journaliste peut aller acheter un nom de domaine et commencer à exercer comme toutes les rédactions. Maintenant, d’autres qui n’ont pas suivi une formation en journalisme peuvent acheter leur nom de domaine et diffuser des informations comme tout le monde. Là, les conséquences seront ces fake news que l’on voit tous les jours. Malheureusement, les vrais journalistes seront accusés.

J’avoue que les conséquences sont énormes, surtout les fausses informations qui sont diffusées sur ces portails. Et il est très rare d’habitude de voir un lecteur comprendre la procédure de vérification que seul souvent le journaliste peut faire.

Y a-t-il un danger si tout le monde devient journaliste ?

Khalifa Ababacar Ndiaye : Il y a effectivement un réel danger. Le travail à faire en amont avant la diffusion doit être le rôle du journaliste diplômé. Prenons l’exemple sur les immigrations clandestines. S’il était une fausse information, la conséquence qui en découlerait pourrait être néfaste pour la société. C’est pourquoi, lorsqu’on dit que le journalisme est le quatrième pouvoir, c’est en fait une manière de dire qu’il a une forte influence dans la société. Une fausse information peut brûler un pays, tout comme une vraie. Dès lors, il est nécessaire pour le journaliste d’épouser l’équitabilité.

Quand on dit quatrième pouvoir, on suppose que le journalisme dispose les mêmes possibilités que les trois autres pouvoirs (législatif, judiciaire, exécutif). Est-ce la raison de cette étiquette ?

Ibou Fall : Bien sûr que non. Le journalisme tient sa légitimé de son public. Son seul pouvoir en fait, c’est celui d’informer. Il le tient de sa crédibilité. En effet, le journalisme que l’on considère comme quatrième pouvoir trouve sa vraie dimension de pilier de la démocratie dans les moments actuels où il contribue à la clarté de l’expression du suffrage des citoyens.

Et s’il est en mode despote, pourra-t-il jouer le même rôle ?

Ibou Fall : C’est justement dans des périodes difficiles que son rôle est encore plus vital. Surtout lorsque des menaces pèsent sur les libertés démocratiques.

Etes-vous d’accord avec le traitement de l’information dont certains sites font preuve ?

Khalifa Ababacar Ndiaye : Je ne peux pas être d’accord avec le traitement de l’information, en fait je pense que y en a même pas au Sénégal. Avoir juste un support et dire des énormités, ce n’est pas une façon de traiter une information, et c’est malheureusement ce qui se passe dans pratiquement tous les médias. Par contre limiter les journalistes, je trouve que ce n’est pas la bonne méthode à faire. Cependant, créer un cadre de réglementation peut régler le problème et je pense que nous sommes sur la bonne voie avec les nouvelles cartes de presse qui seront confectionnées avec le nouveau code de la presse. Sur ce coup nous attendons le décret d’application du chef de l’Etat, même si cela tarde à être appliqué. Mais avec ces dispositions, certains dérapages seront évités.

Est-il normal qu’un journaliste soit juge et partie ?

Ibou Fall : Mais il n’est ni juge ni partie. Il occupe une fonction particulière : celle de l’observateur et narrateur. Aussi simple !

Quelles sont les mesures à prendre pour dérapages, manques de professionnalisme, bêtises, fautes d’orthographe et blâmages des médias en ligne ?

Ibou Fall : La vraie sanction est le désintérêt des lecteurs. Il arrive que l’éditeur sanctionne son employé. Et si la faute professionnelle est grave, le licenciement peut être la sanction radicale.