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Pse-Sénégal2050 : Des similitudes, certes, mais encore ?

Sénégal 2035-2050

 

Superposables parallèles

Le référentiel des 25 prochaines années est-il cartésien ? Quel pouvoir d’achat en 2050 avec un Pib de Us $ 4.500 ?

C’est à l’aune de ces considérations qu’il faut analyser le souhait de réduire les inégalités sociales et les iniquités territoriales en 2050.
Pour le reste, la similarité des axes stratégiques de l’agenda national PSE engendre des trajectoires superposables de l’émergence vers les horizons 2035 et 2050.

De notre correspondant en France

Ségal Fall MBODJI,

Consultant Business Analyst,

Ingénieur statisticien,

Mathématicien du Risque,

segafall.mbodji@gmail.com

Paris

Le lundi 14 octobre au centre international Abdou Diouf de Diamniadio, le gouvernement a présenté son projet intitulé « Sénégal 2050 : Agenda national de transformation ». Cet agenda définit la stratégie à adopter pour transformer le Sénégal en un pays souverain, juste et prospère. Cette transformation s’articule autour de 4 grands axes : une économie compétitive, le capital humain et l’équité sociale, l’aménagement et le développement durable, la bonne gouvernance et l’engagement africain.

Après un exposé de la vision du gouvernement à l’horizon 2050, des polémiques jaillissent dans les places publiques et les médias dont certains qualifient ce projet de plagiat : un copier-coller du PSE. On rappelle que le Plan Sénégal émergent (PSE), initié par le président sortant Macky Sall, est une stratégie décennale sur la période 2014-2023, adossée à une vision, celle d’un Sénégal émergent à l’horizon 2035 à travers 3 axes stratégiques qui sont

(i) la transformation structurelle de l’économique et de la croissance,

(ii) le capital humain, protection sociale et développement durable et

(iii) la gouvernance, institutions, paix et sécurité.

La similarité des axes stratégiques de l’agenda national et du PSE engendre des trajectoires superposables de l’émergence vers les horizons 2035 (PSE) et 2050 (Agenda). On en déduirait que l’agenda est un PSE modifié. Dans les commentaires même d’opposants sur les réseaux sociaux, retenons la phrase suivante : «Projet ambitieux, même si… ». Donc par implication, le PSE aussi est un projet ambitieux. Mais est-ce que Macky Sall se l’est bien approprié ? Là est la question : qualifier l’agenda de plagiat n’est que vaines paroles. En effet, ce document quantitatif s’appuie, pour la modélisation, sur les mêmes historiques de données (Agence nationale de la Statistique et de la Démographie-Ansd- et Banque mondiale) que le PSE. On va forcément observer des similitudes sur les tendances, sauf dans les prévisions au-delà de 2024 où la stratégie du gouvernement va impacter en fonction de ses ambitions. Par conséquent, le citoyen devrait plutôt s’interroger sur la faisabilité du projet ainsi que son impact à court, moyen et long terme sur le quotidien sénégalais. Ces interrogations permettront non seulement d’apporter une pierre à l’édifice dans la volonté collective de bâtir le Sénégal, mais aussi d’ajuster les axes stratégiques en temps réel pour des performances optimisées. « Ce document est notre boussole, il est le fruit d’une réflexion collective… Ensemble, nous allons construire un Sénégal plus fort, plus juste, et plus prospère. ». En ces termes, le président de la République Bassirou Diomaye Faye montre que la feuille de route n’est pas figée et invite donc tous les Sénégalais à être acteurs du projet pour un Sénégal meilleur. Les images insérées dans l’agenda 2050 sont très attractives :
Un petit garçon et une fillette avec le sourire, la réconciliation d’une jeunesse avec son avenir. Cela rappelle les lyrics du reggaeman sénégalais Dread Maxime Amar : « Un sourire innocent, de la bouche d’un enfant, un regard absent, la joie d’une maman… ». La visibilité d’un avenir radieux dessine le sourire sur leurs lèvres ;
La verdure symbolisant l’écologie et la prospérité : agriculture, élevage, énergies, etc. ;
Le vieillard et le baobab représentant la conjugaison de nos efforts et le fruit des graines semées. Une génération qui a bien œuvré pour une récolte fructueuse destinée à une génération future ;
Le soleil brillant entre les branches du baobab : un autre jour, un autre combat, un nouvel espoir. Un soleil se lève, un autre jour se lève avec son cortège de pièges. D’où la prudence dans l’exécution de l’agenda.
Le référentiel des 25 prochaines années est-il cartésien ?
La réalisation du projet nécessite des efforts considérables de la part du Sénégalais doté d’une grande ambition. Au vu des chiffres de l’ANSD, la population du Sénégal s’élève actuellement à près de 19 millions d’habitants, dont 4,3 millions d’inactifs. Presque un Sénégalais sur quatre en âge de travailler vit aux dépens d’autres. Les travailleurs ne représentent que 30,5% de la population, dont 9,5% issus du secteur informel. Ces indicateurs, hormis le taux de chômage et de pauvreté, mettent en évidence la suffocation de notre économie. L’agenda prévoit une évolution du PIB par habitant de 1.660 à 4.500 USD. Même si cet objectif est atteint, cela ne permet pas de rendre compte des inégalités de revenu et de richesse au sein d’une population. Cet indice reflète principalement le niveau d’activité économique et est partiellement corrélé à l’état de bien-être matériel des ménages, en particulier la consommation effective des ménages. Pour donner un sens à la qualité de vie à l’horizon 2050, il faudrait rapporter les 4.500 USD au pouvoir d’achat en 2050 qui est à estimer aussi.


En reprenant le graphique de l’agenda, on s’aperçoit qu’un PIB par habitant de 2.769 USD en 2050, correspondant au scénario tendanciel 2, semble plus réaliste par une régression linéaire. Le scénario de rupture est une dynamique très ambitieuse nécessitant un choc économique positif dans l’exploitation de nos ressources ou un endettement plus extraverti. Ce serait judicieux de déterminer pour le PIB un intervalle de confiance à 95% qui donnerait une estimation plus élargie.
Pour ce qui est d’un Sénégal juste, l’agenda souhaite réduire fortement les inégalités sociales et les iniquités territoriales en 2050 : correction des inégalités de revenus dans la population, réduction du taux de pauvreté, services publics de qualité, développement des pôles économiques sous-jacent à une décentralisation. Sans modélisation mathématique, cette justice sera vouée à l’échec. Prenons l’exemple des impôts : le Premier ministre Ousmane Sonko, au début de son mandat de député, avait tenu un discours dans l’hémicycle où il indexa l’injustice entre un député et un enseignant tous deux imposables à hauteur de 2.500 et 75.000 FCFA respectivement, sachant que le salaire du député est 8 fois supérieur à celui d’un enseignant de hiérarchie A. Même si les salaires étaient égaux, celui ne justifierait pas l’égalité des impôts car les profils sont différents : locataire ou propriétaire, avec ou sans enfants, etc. d’où la nécessité d’une modélisation statistique des impôts prenant en compte la situation de tout un chacun. Rappelons que la Statistique aide l’Etat dans ses politiques publiques ; étymologiquement, sa racine « Stat » vient de « State » qui signifie « Etat ». Non seulement il faudra mettre en place des modèles, mais encore digitaliser les services publics. L’Informatique doit être au cœur du développement. Par exemple, on ne peut plus admettre de nos jours qu’un Sénégalais né à Saint-Louis vienne jusqu’à Dakar pour un extrait de naissance ; aussi, chaque année les bacheliers sont confrontés aux problèmes d’orientation. La solution provisoire d’orienter certains bacheliers dans les universités privées est très coûteuse pour l’Etat. Grâce aux Mathématiques et à l’Informatique, ce problème sera résolu définitivement avec une orientation à temps et plus juste des bacheliers dans l’ensemble des formations supérieures. Au mois de juillet dernier, nous avions proposé à ce sujet un algorithme implémenté puis testé avec succès. Ces disciplines sont le socle de la qualité des services publics.
Quant à la souveraineté, elle s’adosse aux différents secteurs de développement qui forment un ensemble connexe. Le redressement spectaculaire de chaque secteur converge vers une souveraineté.
« Le chemin que nous empruntons est exigeant… », dit le président de la République. Cet agenda cible les différents secteurs porteurs de développement et toutes les couches sociales. L’ordonnancement et la parallélisation des objectifs sont à prendre très au sérieux afin de quantifier rigoureusement les ressources à mobiliser pour la réalisabilité du projet. Ensemble et main dans la main, nous verrons le bout du tunnel.