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Présidentielle 2024 : Quinze ou treize la douzaine

Parrainage Présidentielle 2024

De l’unimodal au trimodal

Si le parrainage parlementaire est constitué de 13 députés et si chaque parlementaire parraine un seul et unique candidat, le nombre de candidats à la présidentielle n’excèdera donc pas 12.

Ce nombre semble en adéquation avec le dixième des membres du Parlement, mais aussi avec les ” 120 élus pour le parrainage des chefs des exécutifs territoriaux (présidents de conseil départemental et des maires sur l’ensemble du territoire national)”, tel que le stipule l’arrêté fixant le nombre d’électeurs et d’élus requis pour le parrainage d’un candidat à l’élection présidentielle du 25 septembre.
Par contre, les 3 types de parrainage étant indépendants et à choix unique, le seuil de 12 candidats est finalement plus élargi. Cependant, pour un scrutin optimisé, une étape primordiale est de limiter le nombre de candidats : alors, treize ou quinze la douzaine ?

De notre correspondant en France

Le compte à rebours du parrainage est lancé et les candidats qui concourent à déloger le locataire du palais de la République sont astreints à valider cette étape préliminaire de l’élection présidentielle du 25 février 2024. La publication récente de l’arrêté du ministre de l’Intérieur qui fixe les modalités du processus de tamisage suscite déjà des
polémiques dans l’opinion publique.

Pour un scrutin optimisé, une étape primordiale est de limiter le nombre de candidats ; d’où le parrainage, un concept à saluer. Cela ne doit constituer ni une violation du droit libre de participation aux élections, ni une stratégie astucieuse du régime afin d’éliminer les potentiels candidats bien ciblés à posteriori. Instauré par l’Etat lors de l’élection présidentielle de 2019, le parrainage devient de plus en plus complexe en passant d’unimodal à l’origine à trimodal en 2024 : parrainage citoyen, parrainage parlementaire et parrainage exécutif territorial.

• Parrainage parlementaire

Ce type de parrainage exige la signature de 8% des parlementaires, soit une liste de 13 députés. Or, la  répartition des députés à l’Assemblée nationale est un indicateur du poids des partis ou coalitions politiques ; ce qui fait de la partisannerie un biais important dans le rôle du député. Donc, ce mode de parrainage ne convient nullement aux candidats sans aucune représentativité significative dans l’hémicycle. Par un heureux hasard, ce parrainage des parlementaires n’est pas obligatoire car sinon il limiterait à 12 le nombre de candidats à l’élection présidentielle.

• Parrainage exécutif territorial

Il est constitué d’une liste de 120 élus parmi les présidents de conseil départemental ou maires sur l’ensemble du territoire national. On constate sa similarité, avec un niveau de difficulté supérieur, au parrainage parlementaire par l’équivalence de 13 députés à 120 élus.

• Parrainage citoyen

Ce mode controversé impose aux candidats de recueillir entre 0,6 et 0,8% du fichier électoral, soit un minimum de 44.231 parrains et un maximum de 58.975 parrains, conditionnellement au découpage régional : au moins 2.000 parrains par région dans au moins 7 régions différentes. Ce parrainage est plus accessible aux candidats même s’il obstrue le passage au 1er tour de l’élection. Afin de réussir cette épreuve, les candidats devront franchir plusieurs obstacles :
o Une fiche de collecte contient des parrains inscrits dans la même commune
L’article 3 de l’arrêté souligne implicitement un découpage communal du parrainage. Un électeur qui habite la commune A et est inscrit dans la commune B impose au collecteur de disposer de plusieurs fiches par commune. Pour chaque parrain interpelé, on a 50% de chance qu’il provienne de la même commune ou d’une commune différente. Il ne faut pas perdre de vue qu’un déménagement n’est pas répertorié dans les mairies. Une alternative serait de collecter les parrains abstraction faite à la commune, puis d’effectuer un tri communal avant le dépôt des fiches. Cette opération devient très vite complexe pour un nombre élevé de parrains.

o Exposition aux doublons
En 2019, le traitement s’était effectué en FIFO (First In, First Out), c’est-à-dire « Premier arrivé, premier
servi ». Cette méthode est discriminatoire car elle ne tient pas compte de l’impact des doublons. Le nombre de chances d’échapper aux doublons est une fonction décroissante de l’ordre de passage pour le dépôt des fiches.
De plus, lors des élections législatives de juillet 2022, un tirage au sort a été opéré pour déduire l’ordre des dépôts. Bien qu’accepté par les acteurs politiques, le tirage ne permet quand même pas de pallier cet effet doublon.
Les doublons sont de 2 types : interne et externe. En effet, si l’électeur E est présent dans plusieurs listes d’un candidat C, alors il est qualifié de doublon interne. Ce parrain E est donc comptabilisé une seule fois. Si l’électeur E octroie son parrainage aux candidats C1 et C2, alors il devient doublon externe pour C1 et C2. La règle de gestion est soit d’octroyer ce parrain E au premier candidat traité entre C1 et C2, soit l’élaguer pour les 2 candidats. Cette règle est discutable.
Une technique plus judicieuse d’uniformisation des doublons serait d’effectuer un tirage au sort pour définir un ordre de traitement suivi d’un traitement rotatif qui consiste à traiter suivant une loi uniforme un échantillon de parrains pour chaque candidat et répéter le traitement jusqu’à couvrir la totalité des parrains.

o Date d’expiration de la carte d’identité biométrique CEDEAO (article 4)
Il est dit dans l’arrêté : « La date d’expiration de la carte d’identité biométrique CEDEAO est choisie pour compléter les éléments d’identification énumérés à l’article 2… ». C’est plutôt le point 2) de l’article 3. La date d’expiration comme élément d’identification est absurde : plusieurs cartes d’identité peuvent expirer simultanément. L’usage de cette information reste abstrait. La concaténation du numéro d’identité nationale et du numéro électeur suffit largement pour identifier un parrain de façon unique et sure.

o Version électronique des fiches de collecte (article 5)
« Autant de fichiers Excel que de régions ou représentations diplomatiques concernées… Un fichier contient au maximum 10 000 enregistrements… Autant de fichiers nécessaires pour une région pour couvrir les parrains obtenus dans celle-ci. »
Cette méthodologie n’est pas pratique et remet en cause la robustesse du logiciel de traitement. Un seul fichier Excel aurait suffi : selon les dernières versions d’Excel, un fichier peut contenir plusieurs feuilles et chaque feuille est limitée à 1.048.576 lignes, soit plus de 17 fois le nombre maximum de parrains exigés.
Par exemple, un candidat ayant 22.000 parrains dans la région de Dakar, 11.500 à Thiès et 5.000 à Kaolack fournirait 6 fichiers Excel :
2 fichiers ‘Dakar’ de 10.000 parrains chacun ;
1 fichier ‘Dakar’ de 2.000 parrains ;
1 fichier ‘Thiès’ de 10.000 parrains ;
1 fichier ‘Thiès’ de 1500 parrains ;
1 fichier ‘Kaolack’ de 5.000 parrains.

o Démonstration logicielle
Le Conseil Constitutionnel devrait procéder à une présentation du logiciel. Les candidats à la candidature pourraient ainsi s’assurer de la fiabilité de l’outil et la transparence du processus. Leurs points d’interrogation engendrent des cas de tests démontrant le respect du cahier de charges inhérent aux articles dudit arrêté. La nébulosité rampante du parrainage serait source de très hautes tensions.

Séga Fall MBODJI,

Paris, Académie de Versailles,

Passionné des Mathématiques, notamment la statistique et ses interactions, et leur applicabilité dans les secteurs de développement.