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Politique : Les demi-vérités

 Politique au Sénégal
Les maîtres des demi-vérités
face au peuple souverain

La verve de l’effronterie !

L’un des écueils politiques au Sénégal est l’absence de discours politique conforme à la vérité. S’y ajoutent, en plus, des épisodes de violence à outrance dont font preuve certains leaders politiques, aspirants à la magistrature suprême. Un délire pouvant susciter le ras-le-bol populaire. Conséquence : un Sénégal pris entre deux feux !
Le point avec Amadou Diop, analyste politique, professeur en Communication politique.

Entretien dirigé par Chérifa Sadany Ibou Daba SOW,
Cheffe du Desk Culture

Nous allons vers une élection présidentielle en février 2024. Votre avis sur le jeu de séduction des leaders politiques envers la population …

Disons que, comme de coutume, il n’y a presque rien de nouveau sous le soleil mis à part le fait qu’aujourd’hui les populations se sentent bien plus concernées et que le pouvoir de l’argent d’antan n’a plus l’impact qu’il avait : aujourd’hui, les populations sont bien plus engagées à soutenir leur candidat mais il est vrai également que ce landerneau politique cristallise encore beaucoup plus l’intérêt des populations, d’où le fait qu’on puisse assister à une politisation de tous les domaines de la vie sociétale. Ce qu’il y a à déplorer cependant est le manque criard de programme et de propositions. Le jeu est simple : l’opposition mène sa campagne à une stratégie hypercritique du pouvoir en place et ce dernier, lui, veut mettre l’accent sur ses réalisations et veut mettre sous le tapis tous ses manquements.

Le débat a changé entre les leaders politiques. Il ne s’agit plus de critiques constructives, de débats d’idées, mais d’animosités, d’injures…exagérées ! Quelle analyse faites-vous de cette situation ?

Le contexte a radicalement changé car presque toute l’attention tourne autour du Pastef et donc son qualificatif le plus présent domine toutes les stratégies des autres formations politiques. Cependant, une offre politique ne devrait pas seulement reposer sur une invite aux intifada « guerre avec les pierres » mais se doit d’être synonyme de paix et de concorde. La vision, le programme devraient être davantage mis en avant pour que les Sénégalais puissent enfin savoir ce vers quoi les potentiels candidats les préparent pour améliorer leur vie de tous les jours. Il est difficile en effet jusqu’aujourd’hui de pouvoir observer une seule once de proposition car rien n’est plus audible aujourd’hui que les procès qui vont déterminer le contexte politique auquel on assistera pour les élections présidentielles de 2024. Malencontreusement.

Sinon, le mutisme du président Macky Sall ? Son fort ou son sort ?

Légitimement, il serait injuste de lui faire un reproche à propos de cette stratégie si on étudie les possibles conséquences que cela pourrait engendrer. Et donc l’une des meilleures options possibles tant que la loi électorale le lui permet est de faire de telle sorte que l’on ait un gouvernement qui travaille exclusivement au bien-être des populations plutôt qu’un gouvernement dans lequel on verrait de potentiels candidats qui travailleraient pour leur élection à l’annonce de la décision du président Macky Sall. La responsabilité devrait être de rigueur, dans ce contexte, étant donné que nous sommes dans un pays libre et démocratique ; les potentiels candidats à une élection devraient, pour être respectés par le peuple, se montrer dans l’immédiat ou se taire à jamais, comme le dit l’adage. Mais il y a une différence entre le courage politique et l’opportunisme politique.

Le scepticisme de certains Sénégalais est renforcé par les discours contradictoires que tient le leader de Pastef, Ousmane sonko. En tant que professeur en communication politique, comment pensez-vous qu’il doit procéder ?

La répétition accumulative de la même stratégie pose problème dans le cadre de la communication politique. Il faut en effet arriver à toujours doser son discours afin de pouvoir brasser large et capter le maximum d’électeurs. Aujourd’hui, le seul réel tour de force que le pouvoir en place a réussi, pourtant très mal en point en communication, reste et demeure la diabolisation du parti Pastef au même titre que le Front national d’antan en France. Pastef se devrait de casser cette image sinon il sera toujours le coupable idéal de tout méfait entraînant des conséquences néfastes pour le pays. Aujourd’hui, pour la plupart, la violence est associée au parti Pastef et donc selon moi ce serait un angle de tir à rectifier avant de pouvoir aller à ces escarmouches électorales de 2024.

Coalition “coagulée” pour février 2024. Pensez-vous qu’un clivage se fera sans conséquence sachant que Ousmane Sonko est le principal opposant, imbu de sa popularité ?

Le contexte n’étant plus le même, on devine aussi la stratégie du diviser pour mieux régner du pouvoir qui voudrait effacer les condamnations de Khalifa Sall et de Karim Wade afin de leur permettre de pouvoir être candidats. Existerait-il une négociation « en aparté » préalable ? L’on est en droit de se poser la question ; mais la logique voudrait que, de la même manière dont un État n’a pas d’amis mais que des intérêts, se dire qu’un président sortant n’a également pas d’amis mais des intérêts à préserver et à sécuriser. Et entre deux maux il faut bien en choisir le moindre. Donc nous avons bien là un début de réponse à ce propos.

Quel doit être le rôle de la population devant un Sénégal entre deux feux ?

Son rôle principal se doit d’être apôtre de la paix, d’imposer un débat autour de l’essence de la paix et de la stabilité si on veut éviter de tomber dans le piège qui a embrasé bien des pays de la sous-région. Le reniement et la défiance des valeurs cardinales de notre société ne doivent pas être foulées au pied si nous voulons que notre cher reste et demeure l’exemple à suivre dans notre cher continent. La sagesse devrait être de rigueur car au final c’est notre Sénégal à nous tous et pas d’un bord politique.