Poème : Pluie de maux
Poème
Pluie de maux
De notre correspondant en France
Comme à la guerre
Où tout est en l’air
La barbarie des hommes
Comme les assauts des marées
Une pluie de pierres
Sur une mare de mon sang
Versé sur les champs de bataille
Où pataugent les -Saï-Saï-
En haillons en frocs Sur le sable ocre
Couleur de cirrus
Pour éclabousser les us
Cette furie aveuglante altérité
Quand les haches sont déterrées
Hommes vêtus de désespoir
Qui empruntent l’adret de l’espoir
Les rires jadis étouffés
Sous l’effluve des souffles
Pour laisser la place
Tachetée de traces
De lueurs
Et de pleurs
Dans l’incertitude des ondes
Déferlantes qui moutonnent
A -Soumbédioune-
A -Banuxba-
A -Xembé-
A côté des plages salaces
Où s’étalent les rivages
De silices obliques
Les murmures burlesques
Le vent sur la chaleur de vendredi
Fait écho en appels du midi
Jusque dans la cour des prés
Il pleut des cailloux catapultés
Au milieu des ruelles dégradées
Sous les vents d’alizé
Contre le flanc des murs glauques
Des geôles qui braquent Leurs miradors pantelants
Aux barrières incohérentes
Pleines de jérémiades
Il pleut des gouttes d’eaux cantiques
Sorties du flanc brisé des digues
De jeunes intrépides
D’étudiants dévêtus
D’adultes battus
De femmes brutalisées
Il pleut des rêves brisés
Au fond des voix gutturales
Sorties des terres latérales
Loin des puits taris aux moineaux
Et les chaumières en lambeaux
Il pleut des souffles dissimulés
Entre la vie et les morts énumérées
Sous l’attente funèbre
Pour tous les êtres
Il pleut des lamentations
Au bord des révolutions
La révolte des hommes
Debout sous les ombres
Sous le rire des brigadiers
Sous le regard froid des policiers
Sous la complainte des sapeurs
Sous le rictus des caporaux
Sous la complicité des magistrats
Sous la complicité des avocats
Sous l’abandon des religieux fanatiques
Sous la connivence des politiques
Sous les délires des journalistes
Sous l’artifice des artistes
Sous la clameur des invalides
Aux visages livides
Et il pleut le refrain des Koristes
Qui endorment les attentistes
Les philosophes qui lorgnent
Les penseurs aux esprits borgnes
Les intellectuels sur les pistes
Des artistes pauvres activistes
Les naïfs doucement rêveurs
D’un soleil qui flamboie de lueur
Sous le vaste regard
Hagard mais plein d’art
Il pleut des vœux pieux en larmes
Il pleut la raison d’être des êtres
Il pleut des souvenirs fantastiques
Il pleut des chimères dramatiques
Pour dorloter un peuple
Ambulant
Et mourant
Qui n’a plus peur de son destin.
Tidiane SENE,
Toulouse