Poème inédit: ADIEU TATA AWA DIOP Tidiane Sène
Awa ma Tante
Tu te rappelles au début
Tous les débuts de la fin de 1974
Quand nous scellions ensemble
L’ensemble des cellules amples
Aux couleurs scintillantes
De nos joies folles de militants
Combattants des années de braise
Quand nous nous querellâmes
Pour un drap ou pour une natte
Dans les faubourgs lointains
Du Sénégal profond
Pour brandir vers les ciels
L’étendard bleu du Sopi
Plus haut que la couleur verte
Des feuilles d’arbres chantée vers
Les indépendances
Awa ma Tante
Comme de jeunes louveteaux
Nous marchions main dans la main
Comme de petits enfants
Sans peur
Guidés par le protecteur
Contre le froid
Contre l’autorité irascible
Au fond des Futamp du Sud
A travers ce pays désolé
Ce pays aride et spolié
Et qui attend d’être délivré
Awa ma Tante
Tu disais Non
A mon mentor
Quand juste il le fallait
Alors que tout le monde disait Oui
Et tu nous avertissais
Des complots de demain
Quand tu pleurais
Devant le panafricain inquiet
Devant sa famille trahie
Abandonnée
Par les plus virulents
Par les encagoulés d’ombres
Parce que tu n’étais pas comprise
Et te voilà partie
Awa ma tante
De tes poignets dansaient les bracelets
Aux couleurs du soleil jaune
Et des étoiles bleues
O brave militante
Toi oubliant de renouer le foulard
Bleu et jaune sur ta tête
Ta tête tressée en entortilles droites
A l’image de ta parole droite
La droiture des femmes du refus
Comme Seynabou Guèye Sopi
Comme Yayi Mour Samb
Comme Yacine Fall
Comme Penda Kébé
Pour porter haut
Jusqu’au temple de Thémis
Le refus des verdicts du Timis
Derrière les chemins caillouteux
Du Monument de la Renaissance
Awa ma Tante
Tu disais Oui
Pour aller en Prison
Et séjourner à Rebeus
Que redoutaient les ventripotents
Aux mandibules chicanières
Hier pour toi tout était fierté
Tu déniais
Les hommes qui n’étaient pas hommes
Les politiciens qui n’étaient pas politiques
Comme ces pleutres
Comme ces déserteurs
Qui ne pensaient qu’au bien-être
Des êtres à genoux
Pour le combat final
Awa ma Tante
Militante bien aimée
Repose en paix
Dépose ta calebasse
Pleine de moissons et de fruits
Dans la cour des indomptables
Comme tu fus imperturbable
Toi armée du devoir accompli
Écuyère infatigable
Devant tous ceux qui doutaient
Au crépuscule des incrédules
Devant ta bravoure
Et le poids lourd
De tes responsabilités
Toi résolue
Pour porter l’étendard de l’espoir
Et faire germer la moisson
De l’épi de mil
En mille
Graines dispersées
Jusqu’au firmament
Des espérances
Tidiane SÈNE