Pauvreté: Au féminin depuis 30 ans P. MBODJE
« Le taux de pauvreté monétaire est estimé à 37,8% en 2018/2019, soit une baisse du niveau de pauvreté de cinq points par rapport à 2011 (42,8%) à l’issue des travaux de raccordement . Malgré cette baisse du taux de pauvreté, le nombre de pauvres a augmenté au Sénégal (5.832.008 en 2011 contre 6.032.379 en 2018).
Par rapport au milieu de résidence, la pauvreté est plus accentuée en milieu rural (53,6% contre 19,8% pour le milieu urbain) où il ressort une baisse plus importante du niveau de pauvreté par rapport à 2011 (5,2 points contre 2,1 points pour le milieu urbain) ». Rapport final Ansd : Enquête harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM) au Sénégal.
La colère du gouvernement à la suite du rapport de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) sur la pauvreté doit s’étudier sous l’angle d’un échec révélé par les structures étatiques mêmes quant aux résultats de la lutte contre la pauvreté : leitmotiv du candidat Macky Sall synthétisé par le Yoonu yokkute, la lutte contre la pauvreté constituait l’épine dorsale du plan Sénégal émergent, raccourci entre la stratégie de lutte contre la pauvreté, le plan Sénégal 2035, etc. Douze ans après, la pauvreté est toujours là et se féminise devant la démission du mâle dominant ; Monsieur a en effet perdu ce qui faisait sa force et son autorité : l’argent.
Cela avait commencé avec les plans d’ajustement structurel sous Diouf avec son corollaire de dégraissage de l’Administration et du secteur bancaire.
Le pouvoir de Macky Sall se débat devant un phénomène né depuis le début des années 80 et qui perdure. Les Républicains ont distribué argent et denrées entre bourse familiale et Force Covid pour se rendre compte du décalage entre les moyens déployés et les résultats constatés parmi la moitié des populations.
Au moment de l’intervention de la Force Covid-19, par exemple, 66.000 familles étaient menacées de famine dans la moitié nord et centre du pays, selon les informations émanant du pouvoir même et confirmées par les partenaires au développement.
S’égosiller sur la baisse de la pauvreté alors qu’elle s’étend a été une erreur du ministre Hott contredit par ses propres services et les partenaires communautaires ; de même pour certains pigistes comme Youssou Diallo qui se fend d’un article et se fait inviter au Jp du 15 de la RTS et du 16 de la Rfm.
Au total, malgré la baisse du taux de pauvreté, le nombre de pauvres a augmenté au Sénégal (5.832.008 en 2011 contre 6.032.379 en 2018), selon l’enquête harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM) au Sénégal publié par l’Union monétaire ouest-africaine en pleine polémique.
Il en est ainsi au cours de ces trente dernières années.
Deux enseignements des différentes études au cours de la période depuis 1991 démontrent en effet une croissance concomitante de la pauvreté et de la démographie ; l’étude sur les priorités (Esp) et sur les ménages (Esm I et II) ramène le Sénégal à son niveau économique de 1960 : l’écart entre l’importance des investissements et la faiblesse des performances donnait 30% des ménages en dessous du seuil de pauvreté.
Les considérations restent les mêmes autour de la dépense nécessaire à l’acquisition de calories/jour et un montant par habitant et par mois (République du Sénégal, Ministère des Finances, Direction de la Statistique, 1991-Le Soleil N° 9268 des 21 et 22 avril 2001).
Le programme national de lutte contre la pauvreté, qui s’appuyait sur le Programme Intérimaire du Secteur agricole (PISA), montrait déjà un écart entre l’importance des investissements et la faiblesse des performances du secteur.
Le seuil de pauvreté y est considéré comme la dépense nécessaire à l’acquisition de 2.400 calories/jour et par personne dans le ménage. En se basant sur cet indicateur, l’enquête concluait que 75% des ménages pauvres sont localisés en milieu rural et que 58% des ménages ruraux sont pauvres (R. Sénégal, Ministère des Finances, Direction de la Statistique, 1991). Etudié sous l’angle de dépenses alimentaires, le seuil de pauvreté est évalué en 1992 à 3.324 F. CFA par habitant et par mois, alors que, dans la réalité, cette dépense était située à 2.247 F CFA, soit 32% en deçà du minimum jugé vital pour la satisfaction des besoins en calories.
L’analyse technique de la pauvreté invitait à des pratiques plus globalisantes en dépassant le cadre purement épidémiologique pour investir les aspects socio-anthropologiques, ethnographiques et politiques.
La pauvreté a également eu pour conséquence une responsabilisation plus accrue des femmes qui ont marqué une présence plus prononcée sur la scène économique lorsque le chef de famille perd ce qui faisait la source principale de son autorité : l’argent. Ainsi, sur une population majoritairement féminine (4.123.759 contre 3.760.498 hommes), les 777.931 chefs de ménage comprennent désormais 20% de femmes ( ESAM, 1991).
En cette avant-veille de joutes, confirmer l’exclusion est dangereux mais pas nouveau. La communication autour a encore une fois été mal gérée.