Partis politiques : Les permanences se meurent
Vie politique
La mort des permanences nationales, au niveau des partis
De notre correspondant en France
En politique, on oublie souvent le rôle intrinsèque joué par les différentes permanences des partis. La plupart des plus de 350 partis du Sénégal n’ont pas de lieu de réunion.
Soit les hommes politiques ne savent pas la vraie valeur d’une permanence, ou ils n’en ont jamais entendu parler dans leurs lexiques politiques. Ils végètent dans des bureaux généralement en ville ou dans des salons en campagne. Ils ont fait de la science politique en petits bourgeois gentilshommes sur les bancs des Facultés et dans des chambres exigües remplies de livres et bourdonnant de bavardages politiciens..
Quelquefois, certaines espèces d’apprentis politiciens parlent beaucoup, se réunissent beaucoup, écrivent beaucoup, mais ne font pas dans l’exégèse encore moins dans l’excellence politique, comme savaient le faire Abdoulaye Wade et les siens.
Deux grands partis, jadis, avaient la notoriété et la particularité de nous faire vivre en politique des échanges agrémentés de sauce d’ironie, de piques pleines d’intelligence et de beaucoup de professionnalisme. Ces deux grands partis connus étaient le Parti socialiste affilié à la Fondation Frederich Ébert et le PDS arrimé à la Fondation Frederich Neumann. Ces deux grandes écoles rivalisaient quotidiennement sur le plan géopolitique en stratégies bien huilées avec des militants disciplinés, assidus et respectueux la plupart du temps de la ligne de leurs doctrines. Des partis dotés de redoutables responsables bien formés dans les idéologies marxistes, trotskistes ou autres, jouant un rôle de formateurs aguerris et connus dans le champ politique national.
Ils avaient tous un respect scrupuleux de leurs lieux de rencontre et s’en servaient pour deviser, mais aussi et surtout pour prendre des décisions capitales afin d’aller à l’assaut des pouvoirs et de l’adversaire. L’essentiel, pour eux, c’est démocratiquement en arriver au triomphe de l’idéologique socialiste, communiste…ou libéral.
C’est sur ces entrefaites qu’il faut chercher le vrai rôle que doivent jouer les permanences nationales allouées aux partis..
La permanence nationale du PDS est la maison proprement dite du parti. Le Secrétaire général national y tenait ses bureaux et assistait aux réunions hebdomadaires et mensuelles du Bureau politique ou du Secrétariat national..
En principe, toute permanence devient, de fait, le quartier général de toute association politique… Au PDS, la permanence servait donc, au delà des réunions de toutes les instances du parti, à réunir tous les militants et responsables qui venaient de loin, c’est-à-dire de l’intérieur du pays.
A chaque fois que de besoin, le militant n’avait pour lieu de prédilection, de réconfort et de défoulement que la permanence nationale du parti.
Quand on quitte l’intérieur du pays pour se rendre à Dakar, sans avoir où aller et où passer la nuit, la permanence reste le lieu idéal pour retrouver ses frères de parti et partager leur dortoir, leur souper et même en plus : avoir l’obligation de rencontrer le SGN du parti en la personne de Me Wade, et peut-être même trouver un billet de retour avec beaucoup d’informations à partager avec sa base.
La première permanence nationale du PDS de Colobane n’était pas seulement une maison “familiale” chez les Libéraux, mais elle était aussi un refuge, un lieu de revendication et de manifestation de doléances… Elle était l’endroit le plus sécurisé pour tous les militants afin de donner un sens à la vraie politique et d’obtenir toutes les bonnes et vraies informations émanant du parti.
Aujourd’hui, tout semble aller à l’envers tant chez nous que dans beaucoup d’autres partis. Le grand malheur au parti démocratique sénégalais, c’est que les instances du parti ne se rencontrent pas. Mieux : elles ne se réunissent jamais. Les responsables qui veulent avoir la vraie information émanant du parti sont dans l’attente, la désunion et dans l’expectative.
La permanence Oumar Lamine Badji ressemble à un musée où des rendez-vous ne sont donnés que pour des déplacements funèbres. Le lieu mythique qui devait faire école, n’est devenu qu’un espace de détente, de palabres et non une Université où l’enseignement de la doctrine du parti, la connaissance du devoir de militant et l’acquisition d’informations réelles et utiles pour le parti, sont dispensés..
Tidiane SENE,
Toulouse