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Parrainage électoral au Sénégal: La controverse reprend Fanny ARDANT

La loi sur le parrainage électoral est dans tous ses éclats. Cela fait suite à la décision de la Cour de Justice de la CDEAO qui ordonne à l’Etat du Sénégal de supprimer ladite loi dans un délai de 6 mois. Mais le gouvernement du Sénégal n’en a cure. Et quant à l’opposant Abdoul Mbaye, président du parti de l’Alliance pour la citoyenneté et du travail (ACT), il conteste la légitimité du président Macky Sall.

Seuls cinq candidats avaient pu franchir le seuil du parrainage et se présenter à la présidentielle de 2019. Cette loi était contestée par les partis d’opposition dont l’Union sociale libérale avec à sa tête l’avocat Abdoulaye Tine qui avait saisi la juridiction sous-régionale en décembre 2019. Deux ans après, la Chambre a tranché.

La Cour de la Justice de la Cedeao a soutenu que le Code électoral sénégalais viole le droit de libre participation aux élections. Pour cette raison, dans son arrêt rendu jeudi 28 avril, à la suite de la requête de l’Usl, la Cour ordonne au Sénégal «de lever tous les obstacles à une libre participation aux élections consécutifs à cette modification par la suppression du système du parrainage électoral », avant de lui impartir « un délai de six mois à compter de la notification qui lui en sera faite pour soumettre à la Cour un rapport concernant l’exécution de la présente décision ».

Ce système impose aux candidats aux différentes élections de recueillir les parrainages de 1% du corps électoral pour se présenter.

Le Cour de Justice de la Cedeao motive sa décision. Même si elle estime que «la loi numéro 2018-22 du 4 février 2018 n’a pas un caractère discriminatoire » et qu’elle ne « viole pas le statut des partis politiques », la Cour de Justice de la Cedeao est formelle : « (…) Le Code électoral sénégalais, tel que modifié par la loi numéro 2018-22 du 04 février 2018 viole le droit de libre participation aux élections ».

Le Gouvernement s’en tape…

Réponse du berger à la bergère : le porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye, est monté au créneau pour apporter la réplique. Selon lui, « le parrainage n’a rien d’illégal ». Mieux, il a indiqué, lors de la rencontre du « gouvernement face à la presse » du 29 avril, que « s’il n’y avait pas ce parrainage, on aurait assisté au moins à 139 candidatures en une seule journée pour voter ».

« Le parrainage a été évoqué lors du dialogue politique, au dialogue social et a aussi fait l’objet d’une loi à l’Assemblée nationale. Donc, du point de vue légal, ce parrainage est plus que légal par rapport à notre Constitution et législation. Il a été demandé pour quelqu’un qui veut être candidat d’avoir au moins 0.8 % de l’électorat soit 52. 000 répartis dans les 14 régions ce n’est pas énorme », soutient-il.

Pour apporter du crédit à ses dires, le ministre Oumar Gueye a fait savoir que « tous les grands pays démocratiques du monde ont leur système de filtre pour les élections. Il n’y en a pas un seul qui n’a pas de filtre.  Le parrainage existe partout. Et certains le font dans la plupart avec les grands électeurs, tels que les maires et les députés. Et ici, ce qui a été choisi, c’est le parrainage citoyen pour ne pas exclure les populations qui sont en mesure de voter ».

« Le Sénégal légal se trouve dans une tourmente juridique. Il est désormais établi, comme l’ont toujours soutenu les partis d’opposition, y compris d’ailleurs celui d’Idrissa Seck, que la réélection du président Macky Sall n’a pas respecté les engagements internationaux du Sénégal d’organiser des élections libres. Macky Sall est donc reconnu président illégitime après avoir mis en place une Assemblée nationale non représentative du peuple puisque sa majorité de 77% dans cette chambre a été obtenue avec moins de 50% des suffrages exprimés », a-t-il réagi suite à la décision de la Cour de la CDEAO.

Le principal responsable de cette situation, selon l’ancien Premier ministre, reste le « Conseil Constitutionnel du Sénégal ». A en croire l’opposant, celui-ci s’est montré « incapable de faire savoir au chef que la modification de la Constitution en 2018 dont a ensuite découlé l’ensemble du dispositif organisant le parrainage violait les engagements internationaux pris par le Sénégal. L’insuffisante compétence en matière de droit peut se comprendre. Mais il savait assurément qu’il lui serait impossible de contrôler les signatures d’électeurs comme se définit le parrainage. »

C’est sur ce motif que le Conseil Constitutionnel français avait obtenu le rejet du projet de parrainage citoyen en France. Le Conseil constitutionnel du Sénégal a donc préféré laisser le Sénégal recevoir « ce camouflet en matière de droit plutôt que de conseiller un chef d’Etat qui ne souhaitait courir aucun risque avec sa réélection. « Espérons que la leçon servira pour l’histoire et que de futurs « Sages sauront au moins conseiller à défaut de dire le droit », a souhaité Abdoul Mbaye.