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Parcours – Ousmane Diallo alias Père Ouza : Le panafricain amoureux de la Gambie Entretien dirigé par Ndèye Fatou  DIONGUE

« Tout ce que j’ai eu dans ma vie, c’est grâce à ce grand pays : la Gambie ! »

Ousmane Diallo plus connu sous le nom de Père Ouza est natif et d’origine rufisquoise à Guendel. Voici quelqu’un qu’on devrait surnommer ‘’l’homme des quatre générations’’. Ce, de par sa forte présence depuis Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf en passant par Abdoulaye Wade et l’actuel président de la République du Sénégal  Macky Sall. Père Ouza a toujours été là et a défendu le panafricanisme où qu’il aille. Malgré son âge et comme il le dit si bien : « Nous sommes déjà à la salle d’attente », Père Ouza reste très ambitieux avec un grand projet de complexe culturel à hauteur de neuf cent (900) millions de francs CFA qu’il souhaite de tout cœur réaliser et finir sa vie en beauté dans sa chère Afrique. Son amour pour la Gambie est une longue histoire à découvrir dans ce riche parcours qui lui est dédié…

Etudes et expériences professionnelles

« Mes études… C’est très normal, parce qu’en ce moment, c’était un peu difficile. J’ai eu mon certificat d’études dans les années ‘’1959’’, si j’ai bonne mémoire.

J’ai abandonné puis je suis parti en Côte d’Ivoire avec l’orchestre national et je suis revenu au Sénégal.

Sur le plan musical, j’ai fait sept ans à l’orchestre national d’Abidjan, avec Jean Joseph Bango et Papa Houphouët Boigny.

Je suis revenu en 1972 pour former « Ouza et ses Ouzettes ».

Or, je devais aller à Paris mais depuis lors je suis resté au Sénégal, je ne suis pas retourné en Côte d’Ivoire.

Donc on a formé « Ouza et ses Ouzettes » avec les belles Rufisquoises (ndeyssane !), ces grandes dames, avec Binta Thiam, Marième Ndoye, etc. C’était la belle époque !

Il y a eu « quatre femmes dans le vent »  avec feu Boubacar Guiro (Directeur de l’ensemble lyrique), Fatou Thiam Samb, avec Khady Diouf, Fatou Talla Ndiaye.

J’ai été directeur de l’ensemble lyrique du Théâtre national Daniel Sorano.

J’ai fait « Gouney Ngaye » avec les Baaba Maal, Ndiaga Mbaye, Gora Mbaye.

Après… je suis resté artiste !

Sur le plan musical, j’ai fait le conservatoire d’Abidjan, je connais ce que je fais et ce que je dis. Je connais la théorie et la pratique. Je suis un chanteur mais aussi musicien en même temps.

Parlez-nous de vos débuts

Je me rappelle, j’aimais beaucoup la musique dans les années ‘’1959’’ en étant élève. On avait démarré avec un orchestre panafricain « Las Ondas ». Avec feu Boniface dont mon premier fils avec Yaye Coumba porte le nom ; avec aussi les Tounkara, Sanou, etc.

C’était un orchestre panafricain, il y avait des Maliens, des Togolais, des Béninois. Donc je suis parti en Côte d’Ivoire et je suis revenu en formant « Ouza et ses Ouzettes » avec Boniface, Cheikh Lô, Ibrahima Sarr, mes frères et pas mal d’autres, dans les années ‘’1972’’… C’était pour un petit temps, pour que je retourne en Europe, malheureusement je suis resté.

Echecs et difficultés rencontrées

La révolution ! Elle m’a beaucoup porté préjudice. J’ai beaucoup souffert avec la révolution. Parce que je n’avais pas la chance d’être écouté, à l’époque il n’y avait qu’une seule radio: Rts. Et comme je n’étais pas tellement  d’accord avec Senghor, ni avec Abdou Diouf, ni un peu avec Abdoulaye Wade, donc ça m’a beaucoup porté préjudice.

Mais heureusement, je remercie mon Dieu, vers la fin je l’ai réussi grâce à la Gambie. Et je précise, c’est mon pays adoptif ! Tout ce que j’ai eu dans ma vie, c’est grâce à ce grand pays : la Gambie, avant Yahya Jammeh, dans les années ‘’1972’’. En ce moment, au Sénégal, on ne me comprenait pas, on me taxait de révolutionnaire, d’activiste. Mais j’étais hébergé par ce grand peuple ‘’Banjul’’. Et je profite de l’occasion pour remercier ce grand peuple, j’ai aimé ce peuple.

Dans les années ‘’1972’’, quand j’ai démarré avec « Ouza et ses Ouzettes », c’est là que j’ai eu beaucoup de problèmes avec Léopold Sédar Senghor (premier président de la République du Sénégal).

Avez-vous mené une carrière politique à l’époque ?

Politico-culturelle, oui ! Parce que moi toutes mes chansons, à part les ‘’Nobel’’ (chanson d’amour) que j’ai chantés pour Siga ; sur le plan thème, j’ai beaucoup révolutionné la musique sénégalaise et sur le plan chorégraphique aussi.

En ce moment il n’y avait pas « Ouza et ses ouzettes », on voyait des jeunes filles très belles en belle chorégraphie, (ndeyssane). C’est ça la vie !

Donc c’était une première au Sénégal.

Il y avait Cheikh Ahmed Tidiane Diop qui animait ‘’Jeunesse Sans Frontière’’, qui m’avait surnommé « Ouza et ses ouzettes ». Parce que, quand je suis revenu de la Côte d’Ivoire, j’étais avec mes belles filles et il s’écriait : « Ouza et ses ouzettes !». C’est là qu’on a pris ce nom : « Ouza et ses ouzettes ».

Réussites et plus beaux moments

Ma vie : c’est la Gambie, très sérieusement ! Avec la Gambie je suis en extase !

Je me rappelle, il y avait un monsieur du ministère de la Culture qui m’avait vu jouer en Gambie, il m’a dit : « Mais père, pourquoi vous ne jouez pas comme ça au Sénégal ! ». Je lui réponds : « C’est parce que ces gens croient en moi ». C’est important quand tu joues et que les gens t’écoutent. Là, tu es en extase, tu fais tout ce que tu veux. Mes plus jolis moments de jeunesse, c’est la Gambie. J’ai aussi passé de très beaux moments au Sénégal avec mes amis, etc. C’était nos 20 ans (rires)…

Avez-vous une maison en Gambie ?

C’est dommage, je n’ai pas eu de maison en Gambie. Pourtant, on m’avait proposé une maison là-bas avec mon cher ami Monsieur le président Yahya Jammeh. Parce qu’on est des panafricanistes, mais dommage que je n’ai pas pu réaliser cela et je regrette. Il m’avait proposé vraiment une belle villa.

Avez-vous de la famille en Gambie ?

Non, mais j’ai des amis intimes de 30 ans, de 40 ans là-bas…

Vie familiale et sociale

Nous sommes des Sénégalais, nous sommes des talibés. Le mouridisme, c’est le panafricanisme, c’est important. Donc on vit humble, mature, sage. Avec mes enfants, on a l’habitude de faire un déjeuner-débat.

Chaque matin, on prend le petit-déjeuner ensemble, on discute des maux de l’université comme je peux dire, on discute de tout.

Des fois, nous ne sommes pas d’accord hein. Avec les enfants à Paris aussi, Cheikh Lô, on discute. Chez nous, il n’y a pas ‘’père Ouza’’, il y a ‘’Ouza’’. Avec mes enfants : « Toujours Ouza… Hey Ouza je ne suis pas d’accord ! Ouza prends-moi ce téléphone ». Avec ma famille, la vie est belle.

Avec mes voisins aussi, je n’ai pas de problème très sérieusement. Parce que vous savez, nous sommes des artistes humbles.

Quelles relations entretenez-vous avec les artistes de vo

tre génération ?

Ah c’est dommage, parce que je n’ai plus de génération, il y a Pape Fall qui est devenu ‘’salsero’’ et tout ça… A part ça je m’entends très bien avec tous les artistes.

Par exemple Ismaëla Lô était de passage un jour, c’est mon jeune frère. Il a été très gentil, il est venu me voir, il me dit : « Hey doyen, Khalifa ! ». Il m’appelle Khalifa parce que je suis le premier à lui passer un micro. Donc il vient me voir comme ça, c’est gentil. De très belles relations… Avec mon fils Fallou Dieng aussi… Et je suis en parfaite relation avec tout le mond.

La chance que j’ai, c’est qu’à chaque problème, on m’appelle pour savoir ce que j’en pense. Par exemple le problème des impactés du Coronavirus, avec la somme que le président nous avait octroyée, il y a eu beaucoup de problèmes. On était obligé de m’appeler… Mais moi, en tant que sage, je ne vais pas être là à discuter de problème d’argent, parce que je remercie mon Dieu.

Ce qui prouve que sérieusement, j’ai de bonnes relations avec tous les artistes. De la nouvelle génération, de l’ancienne génération, de la génération charnelle entre nous et les Oumar Pène, etc. On a eu de belles choses. Vraiment, j’ai de belles relations.

Qu’est-ce que cela vous fait de voir votre fille Adiouza chanter et d’avoir une aussi belle carrière ?

Adji a chanté grâce à son frère mais pas moi. J’avais dit à toutes mes filles : «  Il faut le Bac ! ». Moi je n’avais pas eu cette chance mais j’ai une culture générale. Heureusement, il y avait un frère, c’est le patron de la maison sur le plan musical. Il est le pianiste, l’arrangeur, c’est lui qui fait tout. Grâce à son frère, Adji Kane Diallo (qui porte le nom de ma nièce Adji Kane de Rufisque) est devenue « Adiouza ».

Qualités et défauts

C’est un peu divin, parce que  « batine la » (c’est le caché). Avec le « zaïr » (l’apparent), on peut tromper. Mais « batine », c’est ça qui est très difficile. Je ne peux pas me jeter des fleurs, je n’ai pas ce droit. Mais je sais que je n’ai pas tellement de problèmes.

Moi personnellement, je sais que je suis une personne qui aime aider. C’est la raison pour laquelle, chaque vendredi les gens défilent chez moi. Des fois, ils viennent me solliciter et avec les moyens du bord, je suis en train de faire quelque chose. Donc, je ne peux pas me jeter des fleurs, mais je me débrouille en tant qu’homme lambda.

Buts, principes et combats dans la vie

Je pense que je n’ai plus de but… Nous sommes à la salle d’attente (rires).

J’ai toujours l’habitude de dire à mon frère qui est plus âge que moi de deux ans que : « Hey boy, nous sommes à la salle d’attente, toc-toc tu viens et on s’en va, on rentre (rires) »…

Tout ce que je souhaite, c’est finir ma vie en beauté, comme disait Johnny Halliday : « Là où je finirai ma vie »… J’aime finir ma vie en beauté, pas en Europe, mais en Afrique. Parce que, je me plais en tant qu’africain, panafricaniste, je suis à l’aise quand je suis en Afrique.

Donc vraiment mon projet, c’est d’être un vrai musulman, un vrai talibé de Cheikh Ahmadou Bamba (le panafricaniste). Parce que j’ai compris en lui qu’on peut développer l’Afrique. Donc je veux finir en beauté en tant que « talibé sadikh » (fervent disciple) ; jusqu’à présent je ne suis pas encore mouride sadikh. En tant que musulman, je crois en l’Islam, de trop même !

Malgré ‘’la salle d’attente’’ comme vous dites, avez-vous des projets ?

Inchallah, il y a un complexe culturel que nous sommes en train de préparer. Mes partenaires étaient là, la semaine passée… On aimerait instaurer un complexe culturel de neuf cent (900) millions de Francs CFA. Donc, on a commencé les démarches et tout ça c’est pour la postérité. Est-ce qu’on aura le temps de réaliser ce projet ? Je l’avais depuis Abdoulaye Wade en 1988, mais c’est dommage il m’avait faussé (rires)…

Mais je pense bien que ça va se réaliser avec mes amis inchallah, c’est mon souhait ! Complexe de Père Ouza avec tous les métiers des arts : la danse, le théâtre, l’audiovisuel, la musique, les instruments, etc., ça c’est mon rêve ! Ah je demande vraiment au bon Dieu par la grâce du Prophète PSL de m’accorder cette petite chance qui me reste dans la vie. Ça c’est mon rêve, si je termine ça, ah là, je peux rentrer, il faut qu’on rentre, c’est normal (rires).

Si vous aviez la possibilité de changer quelque chose dans l’histoire, qu’est-ce que ce serait ?

Panafricain !

Là, j’interpelle les journalistes, vous avez l’habitude de dire : « La journée noire, la série noire »… Parce que je n’aime pas ce mot, c’est ce que je veux changer. Parce qu’à chaque fois que je parle aux journalistes, je leur dis : « De grâce, cessez de dire la journée noire ou la page noire de ma vie ».

Non, non, non ! Tout ce qui est mauvais c’est rouge. C’est là que je ne suis pas d’accord avec les religieux qui pensent que le noir est négatif.

C’est ça que je veux changer dans ma vie, c’est ça mon combat. Qu’on cesse de dire : « Oh, la tâche noire qui a cassé la chose ». Je vois dans les revues de presse : « Journée noire au Sénégal », ça me fait mal au cœur. Parce que le danger n’est pas noir, c’est rouge, c’est le sang.

C’est pourquoi, il y avait un morceau que j’avais intitulé : « Série blanche ». J’ai dit : les tueries-là ne sont pas noires, elles sont blanches. Tout ce que vous voyez avec le problème du pétrole, c’est blanc. En Iraq, c’est blanc, c’est leur intérêt. Donc c’est une série blanche. Il faut que vous les interlocuteurs, je vous demande de grâce de cesser de dire : « Journée noire, série noire, ma page noire etc. ».

J’ai interpellé un journaliste de radio Sénégal ; il faisait une émission avec Touré Kounda. Il dit : « Alors Touré Kounda, votre série noire au Sénégal, c’était en quelle année ? ». J’appelle, je dis : « Boy, cessez de prendre le noir comme négatif, il ne faut pas qu’on suive les gens pour dire ça, c’est la peau, le Neandertal » (rires)… Je suis catégorique là-dessus.

Message à la jeunesse

Que cette jeunesse soit panafricaniste ! Des fois, les gens ont raison, depuis les indépendances, on n’a rien réussi. Ce n’est pas possible !

Moi, quand je vois Botswana réussir avec une démocratie et il a eu son indépendance dans les ‘’années 1966’, ça c’est autre chose.

Et Rwanda, malgré que ce soit une dictature, il a un peu réussi.

Donc ce que je souhaite à ma jeunesse : c’est de ne pas singer les Blancs, oui, il faut qu’on reste panafricaniste. Ne pas singer ni les Blancs, ni les Arabes. C’est important !

Encore tout ce que je souhaite, qu’on reste panafricaniste ! ».