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Muhammad2024 : La réserve

Muhammad Boun Abdallah candidat à la Présidentielle 2024

Qui pense entendre la voix du maître ?

Muhammad Boun Abdallah Dionne qui a argumenté sa candidature pense pouvoir consoler les frustrés de tout bord en recueillant 60 pour cent du vote Benno et ainsi sauver la face de son ami Macky Sall. Il semble en effet, à l’analyse, s’être lancé dans un combat d’avant-garde pour sortir le Sénégal pétrolier et gazier des menaces du candidat de la coalition majoritaire perçu comme un danger moral pour le pays.
Subsidiairement, on pourrait se poser la question de savoir si le Sénégal court un danger qui imposerait Amadou Bâ devant des candidats qui le devançaient largement aux points à l’issue des entretiens avec Moustapha Niasse : le cursus, les relations actuelles et futures au sein de Benno, avec le président et la position à adopter en cas de choix autre avaient donné des résultats qui favorisaient un autre candidat que Amadou Bâ ; et c’est là que réside le refus des autres qu’ils ont manifesté de manière plus ou moins spectaculaire, surtout en sachant ce que tout le monde pense de tout le monde au sein du pouvoir, surtout du candidat choisi en fin des courses. Et c’est peut-être là aussi que réside une option prise la mort dans l’âme : ce candidat présenterait un profil plus désaxé que celui de Muhammad Boun Abdallah Dionne ou de Aly Ngouille Ndiaye plus rigides dans la gestion économique, sociale et démocratique du pays.
Maîtrisant mieux l’évolution des sociétés que André Gorz des années 70, Muhammad Boun Abdallah Dionne reste persuadé que la fin d’un cycle ne reproduit plus les mêmes forces sociales que celles de la période précédente ; là réside sa principale argumentation vérifiée à travers les régions ces trente dernières années : Clinton n’a pas donné Al Gore, ni Obama Hillary Clinton, successeurs désignés ; Talon, au Bénin, a déjoué les pronostics face à Lionel Zinzou, même si Ruto au Kenya est l’exception qui confirme la règle. Subsidiairement, Jacques Chirac qui avait senti la compromission d’un Premier ministre de cohabitation assimilé au pouvoir sortant avait passé la patate chaude à Édouard Balladur pour mieux vérifier la théorie de la fin du cycle politique mitterrandien et ses cohabitants forcés.
L‘Alliance pour la République coalisée serait dans ces eaux-là et la méfiance envers Amadou Bâ par ceux-là mêmes qui l’ont imposé devrait nuancer le jugement porté contre le candidat Muhammad Boun Abdallah Dionne et les autres candidats du front du refus : il pourrait bien être l’abreuvoir des déçus des coalitions qui n’avalisent pas les candidatures de Amadou Bâ, de Khalifa Ababacar Sall rejeté pour  «trahison » envers Sonko, des Libéraux du Parti démocratique sénégalais qui se voient sans Karim Meïssa Wade, etc… Face au désert politique aussi bien au sein de la coalition au pouvoir que devant, la surprise de 2012 avec l’élection de Macky Sall pourrait se répéter devant la morosité du jeu politique dans une société délitée, surtout si l’on prend ses distances vis-à-vis d’un pouvoir finissant.
Au demeurant, la meute lancée aux trousses de Muhammad Boun Abdallah Dionne semble indiquer la bonne piste : il faut le dévaluer en en faisant une fausse épouse morganatique du souverain Macky Sall pour mieux démontrer que le candidat à la Présidentielle de février 2024 est indigne du trône. Macky Sall lui-même est passé par là en octobre 2011 lorsque Me Wade avait senti le pouvoir lui échapper et fait soulever le scandale des 7 milliards des frégates de Taïwan. Le résultat est connu : l’outsider sur lequel il ne fallait pas miser un kopeck est sorti vainqueur des épreuves de 2012.

P. MBODJE