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Mois de la femme: Fatou Warkha Samb, féministe incontournable dans le milieu audiovisuel Propos recueillis par khadidiatou GUÈYE Fall, Chef du Desk Société

De par ses réalisations audiovisuelles, elle promeut les droits de la femme

Les femmes font face à de nombreuses discriminations dans le cadre professionnel : leurs droits sont bafoués. C’est la cause du combat de Fatou Warkha Samb. Une féministe dans le monde de l’audiovisuel qui n’hésite pas à véhiculer dans ses réalisations audiovisuelles la promotion de l’égalité des sexes et du respect des droits de la femme.

« Je m’appelle Fatou Warkha Samb ; je suis militante féministe sénégalaise. J’ai fait des études en philosophie, j’ai le niveau de la licence, je fais aussi des études en journalisme et communication, j’ai suivi des formations en technique de prise de vue et montage vidéo. Je suis réalisatrice, journaliste et en même temps actrice communautaire, je suis nouvellement élue conseillère municipale ».

Quelle est votre profession principale ? votre travail en parallèle ?

Ma profession principale c’est la réalisation, la production de contenu. Je suis également fondatrice de Warkha TV qui est un espace communautaire de communication qui fait de la communication un levier pour lutter contre les violences faites aux femmes. C’est la première plateforme purement féministe sénégalaise. Je pense que c’est ça ma profession principale. Parallèlement, je suis aussi dans le militantisme au sein duquel je fais la promotion et la défense des droits de la femme. Et c’est cet engagement-là pour le communautaire et cet engagement pour le développement qui ont fait de moi aujourd’hui une conseillère municipale qui est vraiment un poste que j’ai eu récemment lors des élections locales et je pense que c’est dû à mon engagement social et politique.

Comment arrivez-vous à travailler de manière stable dans ces différents secteurs d’activités ?

Quand on regarde de loin, on va voir plusieurs activités. Mais tout se rejoint. Je fais des productions de la réalisation de vidéos, et le contenu est la promotion et la défense des droits de la femme. Je suis sur le terrain, je participe à des activités de sensibilisation. Dans tout ce que je fais, c’est un engagement que je mets en avant et que j’utilise dans mes différents secteurs d’activités. À ce niveau, il y a plusieurs branches mais le contenu reste le même. On fait des films en tant que réalisatrice pour faire la promotion des femmes. Même avec les contributions et en tant que journaliste, on essaie toujours de voir comment donner une perception féministe, comment donner un autre angle de vue dans le but de promouvoir les droits des femmes.

En tant que femme, comment arrivez-vous à demeurer aussi docile dans le monde des médias ?

Par ma physiologie, de par la femme que je suis, j’y arrive parce que je n’ai pas de facteur bloquant : je ne remplis pas le rôle qu’on donne à la femme dans notre société, c’est-à-dire dire je ne suis pas une femme au foyer, je ne suis pas une femme qui se préoccupe des choses qui peuvent se passer au niveau de la maison ; en fait je suis pas une femme qui a beaucoup de charge sociale, qui a beaucoup d’obligations en tant que femme. Donc je ne joue pas ce rôle dans ma société, je suis une femme qui travaille, qui met l’accent sur son métier donc je n’ai aucune obligation par rapport aux attentes que la société peut avoir à l’égard de la personne que je suis. Je peux dire que je suis célibataire : je n’ai aucun engagement, je ne fais presque aucune obligation sociale. Du coup, en tant que femme qui n’a pas toutes ces obligations sociales ou peut-être avec l’absence de ces obligations là que je devrais jouer au sein de la société, tout ceci fait que j’ai plus de temps pour me concentrer à mes combats, pour faire ce que je veux sur le plan professionnel ; c’est peut-être ça qui me donne beaucoup de forces et de possibilités d’être aussi constante et aussi docile pour pouvoir reprendre votre mot et pour pouvoir persévérer.

Qu’est-ce qui vous a poussée à cibler le domaine des médias ?

J’ai ciblé le domaine des médias parce que j’ai suivi une formation en journalisme et très tôt j’ai été conscientisée par un réalisateur qui n’est plus de ce monde. Que la terre lui soit légère. Il s’appelait Lamine Mbengue qui m’a très tôt initiée dans le monde de la technologie et très tôt il m’a sensibilisée sur la puissance et la force que peuvent avoir les médias. C’est de lui que j’ai appris qu’avec les médias on peut faire beaucoup de choses. Je me suis dit que si je maîtrisais les médias, je pourrais me battre pour promouvoir les droits des femmes. C’est ainsi que j’ai déduit la possibilité de changer une cause par les médias.

Quels sont avantages et les inconvénients d’être femme dans le milieu ?

Il n’y a pas d’avantages ; en fait, dans ce système patriarcal et en tant que femme , nous devons toujours faire les choses doublement : nous devons toujours prouver qu’on peut le faire. Ce n’est pas aussi un avantage : les gens vont te barrer la route et ils vont penser que tu es incompétente et vont te regarder en tant que femme qui doit faire les choses doublement. Il n’y a pas d’avantages ; je pense qu’il n’y a des inconvénients. Donc s’il y a avantage, c’est parce que nous avons tendance à mieux faire les choses que les hommes.

En tant que femme, je vois cet aspect plus comme un inconvénient donc je peux dire qu’il y’a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages.

Selon vous, à quoi consiste la journée du 08 Mars ?

Le 8 Mars n’est pas une journée de fête. Ce n’est pas non plus la fête des mères. C’est une journée pour les droits des femmes. Cette journée devrait nous servir de prétexte pour réévaluer nos droits pour introduire nos lois, introduire le dispositif juridique, essayer de voir est-ce que les droits des femmes sont respectés, est-ce que les femmes ont la place qu’elles méritent ? qu’est-ce qu’on peut améliorer ? qu’est-ce qu’on peut vulgariser ? Qu’est-ce qui peut nous pousser à aller de l’avant sur le plan juridique ? Voilà à quoi doit ressembler la journée au lieu de faire la fête. Quand on aura tous nos droits et que tous les droits seront respectés, on peut organiser des fêtes pour célébrer le respect des droits des femmes. À mon avis, nous sommes très loin de cet objectif. Je pense que nous devons encore nous battre, prier. Cette journée devait être une journée de sit-in, de marche. Car il y a encore beaucoup de lois à appliquer, beaucoup de choses à revendiquer pour vraiment faire la fête. Beaucoup d’initiatives sont notées lors de cette journée. Il faut mener des campagnes de sensibilisation par ce que l’objectif n’est pas de célébrer mais de revendiquer les droits des femmes.

En tant que femme, et selon vos domaines d’activité, qu’attendez-vous de l’Etat pour cette journée de revendication ?

En tant que journaliste, il faut revoir ce code de la presse. Il faut revoir la place de la femme dans la presse, on doit aussi donner plus de possibilités aux femmes dans le milieu.

Dans les maisons de presse, il doit y avoir des aménagements pour que les femmes puissent travailler dans des conditions adéquates avec les congés de maternité. Des départements de crèche qu’on devrait mettre à la disposition des femmes. En tant que militante, je me battrais sur comment revoir le protocole de Maputo pour pouvoir autoriser l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste. Le code de la famille doit être revu aussi du fait de sa nature discriminatoire, essayer de corriger les inégalités. C’est ce que j’attends de l’Etat du Sénégal.

Et la position des féministes dans la revendication des femmes dans le milieu professionnel ?

La position des féministes est toujours la même : faire de telle sorte qu’il y ait égalité par rapport aux salaires et compétences, qu’on puisse permettre aux femmes qui cotisent à l’Ipres d’en faire bénéficier leurs enfants à leur décès, de permettre aux femmes d’avoir des congés de maternités adéquats, donner aux femmes les possibilités de réparer toutes les inégalités, ouvrer à ce que les femmes aient un travail décent. Les femmes doivent briller de par leur compétence. Ce combat est valable pour toutes les femmes, qu’elles soient dans le milieu professionnel ou non ; elles doivent un travail décent et doivent évoluer dans un environnement serein, en sécurité et être protégées pour donner le maximum d’elles.