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Mamadou Addi Bâ, le « terroriste » noir: Evadé, résistant, Peul musulman silencieux, « à l’âme tranquille et entêtée »

Dans un roman, Tierno Monénembo raconte l’histoire vraie d’un tirailleur qui n’était pas sénégalais mais
un vrai résistant, qui, après s’être évadé d’un camp de prisonniers, a créé le premier maquis dans les Vosges.

Quatre ans après « Le Roi de Kahel » (Le Seuil), prix Renaudot 2008, le romancier guinéen Tierno Monénembo revient avec « LeTerroriste noir ». Il s’agit cette fois encore d’un récit basé sur des faits réels.

L’auteur se penche sur une sorte de double inversé d’Aimé Victor Olivier de Sanderval, le héros du Roi de Kahel, lequel quittait la France pour aller se fondre dans un peuple d’Afrique, tandis que le présent héros abandonne l’Afrique pour se mêler, à corps perdu, à l’histoire de France.

« Le Terroriste noir » narre l’histoire de Mamadou Addi Bâ, né à Pelli Foulayabé, en Guinée française, débarqué en France à l’âge de treize ans et devenu tirailleur guinéen. « De Guinée, du Congo ou du Tchad, pour nous, tous les tirailleurs étaient sénégalais. Tous les Noirs de la planète aussi », dit l’un des personnages.

Enrôlé dans le mythique 12e régiment des tirailleurs sénégalais, abandonné par ses supérieurs blancs en juin 1940 durant la fameuse bataille de la Meuse, fait prisonnier par les Allemands, il s’évade avec une quarantaine d’autres.

« En un mois, les Allemands firent vingt-neuf mille prisonniers nègres sur les soixante mille envoyés au front », écrit Tierno Monénembo. Bâ se réfugie dans un petit village des Vosges, où les habitants finissent par tomber sous le charme de ce Peul musulman silencieux, « à l’âme tranquille et entêtée », qui ne quitte plus son uniforme.

En 1942, il devient chef de la Résistance et crée le premier maquis de la région. Il sera fusillé par les Allemands le 18 décembre 1943.

C’est l’épopée de cet être d’exception, le seul « tirailleur sénégalais » devenu chef d’un réseau de la Résistance, que Tierno Monénembo nous relate dans un récit à la complexité harmonieuse.

C’est par la bouche de Germaine Tergoresse, une habitante du hameau, que la vie d’Addi Bâ sort du silence. L’auteur choisit donc un soi-disant témoin direct là où lui n’a eu accès qu’à des archives. Le procédé utilisé est celui d’un monologue adressé au neveu d’Addi Bâ, entrecoupé d’amères réflexions auxquelles à part soi se livre la vieille femme, le jour où l’on inaugure dans le village une rue portant le nom de ce héros jusque-là anonyme et que Tierno Monénembo tire enfin de l’oubli.