Législatives : Sonko ou Diomaye ?
Législatives
Pour qui, les 54,28% ?
Les patriotes ou les citoyens ?
Un score pourrait en chasser un autre ; la dynamique de la Présidentielle se vérifie rarement lors des Législatives. Sauf si Sonko n’est plus Diomaye.
Le score des Législatives sera-t-il une réponse des militants patriotes devant les autres citoyens pour renforcer les dérives communautaires relevées par le président de la République le 25 octobre dernier ? La campagne de Sonko semble traduire ce sentiment de légitimation de son comportement comme Premier ministre indûment récompensé à un niveau inférieur de sa stature d’homme d’État. Ce score serait en tout cas une réponse des patriotes face à ceux qui se veulent au service des Sénégalais sans exclusive.
S’il avait prêté ses voix à Bassirou Diomaye Faye et qu’il cherche à les récupérer, on peut croire, s’il les réengrange toutes, que le Premier ministre Ousmane Sonko est parti avec une longueur d’avance dans la campagnes électorale pour les Législatives du 17 novembre prochain : les immenses foules qui l’accompagnent de jour comme de nuit n’offrent aucun doute sur cet électorat jeune apparemment acquis à sa cause. Cela remet cependant en jeu le sens du slogan de la Présidentielle avec le Bassirou moy Sonko pour peser sur la balance : l‘immense foule de la campagne semble en effet faire le départ entre Sonko et Diomaye en ce qu’elle isole le président de la République au profit du Premier ministre Ousmane Sonko qui la caresse dans le sens des poils. Sans modération.
Il faut bien insister que la tête de file de Pastef est le chef du gouvernement en fonction, bénéficiant de la protection de l’État ; la restructuration des commissariats de Koungheul et de Kaffrine après les incidents du 30 octobre traduit bien ce devoir : Abass Fall n’a pas produit le même effet à Dakar. Au demeurant, Ousmane Sonko bénéficie du soutien des forces de l’ordre qui n’hésitent pas à bloquer les autres convois, moins pour respecter les prêches dans le désert de celui qui appelle à la paix que pour encore une fois démontrer la priorité à un candidat du pouvoir.
Bien qu’il ait souhaité se situer au-dessus de la mêlée malgré le statut de président d’honneur qui lui a été octroyé, le président Bassirou Diomaye Faye a démontré, à l’exercice du pouvoir, que la tropicalisation du mbourou ak soow connaît peut-être le même travers qu’entre Macky Sall et Idrissa Seck : un os est apparu dans la noce depuis le 25 octobre dernier avec la dénonciation des signes de dérives communautaires apparus à l’issue de certaines décisions contestées par la formation politique dirigée par le Premier ministre Ousmane Sonko : le décharger en direction des Législatives aurait sans doute été de bon aloi, même si cela devait ajouter à ce goût de cendres que ressentent beaucoup d’observateurs de la scène politique sénégalaise.
Avant l’inflation démocratique des années du Vent d’Est et du sommet de la Baule, la tradition républicaine consacrait la primauté du chef sur la troupe ; ainsi, le suffrage du président de la République l’emportait d’une courte tête sur celui du parti lors des consultations électorales, comme l’indique le tableau ci-dessous.
Pour qui, les 54,28% du 24 mars ?
Un score supérieur fera la part du feu entre le président de la République et son Premier ministre. Ousmane Sonko pourrait s’en prévaloir pour refuser le poste de vice-président que Pastef se propose d’introduire dans une modification constitutionnelle qui relèguerait Bassirou Diomaye Faye au rôle du Zimbabwéen Canaan Banana issu des accords de Lancaster et sommé de courir les loges présidentielles dans les stades du monde. Cette majorité placerait le Sénégal dans un Goulag indescriptible avec l’enfer de la haute trahison promis à tous les dignitaires, dans la logique du poteau d’exécution dressé naguère contre tous les anciens présidents encore vivants.
Le 5 octobre dernier, le chef des services statistiques au Devoir établissait que “le triomphe au soir du 24 mars 2024 avec 54,29% des suffrages exprimés garantira-t-il une majorité absolue aux élections législatives du 17 novembre prochain ? Par une représentativité départementale semblable à la Présidentielle, la domination sera maintenue dans 26 des 46 départements du territoire, correspondant à 63 sièges du scrutin majoritaire. En plus des 20 sièges récoltés en proportionnel et dans la Diaspora, le Pastef disposerait de 83 à 98 sièges. Quant à une hausse du score à 74%, cela correspondrait à 76 sièges remportés dans 34 départements, d’où un nombre total de sièges situé entre 115 et 130″. Un mois plus tard, Pastef qui appelle à 150 sièges va au-delà de toutes les prévisions logiquement envisageables et qui permettraient d’assouvir certaines aspirations politiques.
Et depuis, les discours du président de la République prennent un autre relief sur le plan de la symbolique et sont étudiés beaucoup plus attentivement. Sa déclaration du 2 novembre à son retour de la grande tournée en Arabie saoudite et en Turquie a revêtu un caractère qui ajoute aux interrogations dans les relations entre les deux têtes de l’Exécutif. Alors : Diomaye ou Pastef ?
Le plus spectaculaire n’est malheureusement pas le plus respectueux des règles de bienséance sociale et diplomatique : la tête de liste des Patriotes a exposé le Sénégal intérieur et extérieur pour une “majorité absolue“.
Les observations basées sur le 24 mars ne retiennent pas que la dynamique de la Présidentielle pourrait d’autant plus ne pas jouer que la différence de ton et de style est de fond au sommet et cela se vérifie dans la gestion des dossiers quand l’un évoque la discrétion et l’autre dans la grandiloquence et les effets de manches hors Cour.
Répétons- le : faut-il craindre pour le Sénégal ?
Pathé MBODJE