Le Diomaye nouveau est arrivé, entre la patrie et le parti
Bassirou Diomaye Faye, la pédagogie de l’action
“Sous mon autorité“
Contrôle de l’État au nom du parti ou contrôle de Pastef au nom de l’État ? Le président de la République y va à son rythme
La dyarchie au sommet de l’État fait valser le pays entre le parti et l’État. Le président Diomaye Faye essaie de manœuvrer. Par petites touches et sans tambour ni trompette, le président de la République tente vaille que vaille de remettre la patrie devant le parti. Il est malheureusement limité dans ce vaste programme.
Une Déclaration de Politique générale prête, il faut la présenter et au bon endroit. Le président Diomaye l’a adroitement rappelé au Premier ministre Ousmane Sonko au cours du conseil des ministres du 18 juillet. Simple logique de simplets ? Plutôt simple rappel à l’ordre de l’élégance républicaine à un populiste ne sachant jamais jusqu’où cesser d’amuser la galerie. Et lorsque, le lendemain, le président de la République remet ça, il faut s’y arrêter.
Recevant en effet le comité d’observation des lieux privatifs de liberté, le chef de l’État s’est voulu clair en invitant le Premier ministre et le ministre de la Justice, “sous mon autorité”, etc. Le Diomaye nouveau est arrivé cherchant plus la patrie que le parti, malgré ou justement à cause des critiques, en particulier sur les nominations, surtout à partir du 18 juillet. Mais, comme le disait déjà le président Macky Sall, on nomme souvent sans en connaître, ce qui n’absout pas pour autant le seul signataire du décret unique responsable constitutionnel en dernière analyse ; ramener les enquêtes de moralité serait un premier pas vers la rupture, avec ou sans appel à candidature.
Lui qui trouvait que le Premier ministre Ousmane Sonko n’était pas assez armé au point de mettre le gouvernement sous son autorité, dans les décrets tant commentés de répartition des services de l’État, rappelle soudain qu’il est seul détenteur de l’autorité qu’il peut déléguer mais sans se dépouiller lui-même.
Cette pédagogie s’était déjà vérifiée une semaine plus tôt par un discours dithyrambique envers le “meilleur Premier ministre de l’histoire du Sénégal”, une façon subtile de l’inviter à plus de rigueur et à moins de cinéma après une prestation hasardeuse au Grand théâtre et la menace d’une opération devant un grand jury pour une déclaration populaire.
Qu’est ce qui a changé de puis ?
L’autre s’était fait remonter les bretelles en parlant dès l’abord de “l’État pastéfien”. Il se met en effet en place dans l’intolérance et l’indignation générale : l’inégalité des chances dans l’accès aux emplois est une véritable pomme de discorde entre le pouvoir et les populations : elle ne traduit pas seulement un rapport de forces mais en traduit la violence de ce rapport de forces quuant une large majorité est condamnée à la débrouille aùbulante ou rampante. Le président est-il briefé avant ou l’élégance républicaine d’une enquête de moralité passe-t-elle pour pertes et profits devant l’obligation de renvoyer l’ascenseur à toute cette 25ème colonne qui apparaît de plus en plus au grand jour et souvent à la surprise générale ?
Sur le plan national étendu à la Diaspora, il incombe au président de la République plus qu’au gouvernement de maintenir la pacification de l’espace politique déserté par les acteurs mais que le parti de la demande sociale pourrait occuper, comme sous Diouf, sous Wade et sous Macky : le dénuement, premier allié d’un Pastef en lutte, pourrait être son principal adversaire. Surtout si l’intransigeance s’y met : les contre-vérités sur des négociations souterraines aussitôt démenties ne sont pas la voie. Non plus les conseils aveugles d’avocats du diable qui ont couvert le secret sur certaines activités moralement et politiquement répréhensibles durant les années couvertes par une amnistie que l’on évitera soigneusement de rejeter : 1.500 détenus ne sauraient l’être pour simple port de brassard.
Au niveau sous-régional, le chef de l’Etat devra éviter la foi du nouveau converti en rejetant ce qui a fait l’Afrique depuis les pères fondateurs et qui se maintient encore vaille que vaille, malgré les critiques. S’il a pu modérer l’ardeur de son Premier ministre qui se voulait président de Pastef en se rendant dans les Etats kaki associés, les militaires ont démontré qu’ils n’avaient aucun sentiment envers la démocratie, quelque bancale qu’elle soit. L’invite d’un pivot majeur du Pastef à la vérité doit convaincre de la nécessité de regarder les Sénégalais les yeux dans les yeux et non pas en baissant le regard ou en les regardant de travers : la politique du zéro est un leurre. Disons la vérité aux Sénégalais ; nous la leur devons après les longs sacrifices de ces trois dernières années. Ils sont doués de raison et de bon sens et sauront encore attendre.
Pathé MBODJE