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Le 4 Avril : de 1960 à 2021 Par le Professeur Lat Soucabé MBOW

La date du 4 avril donne chaque année l’occasion au Sénégal de se rappeler et de rappeler au reste du monde son avènement comme pays souverain. Quand bien même souhaiterions-nous en faire un événement festif-l’esprit de l’indépendance y invite-que la raison et le bon sens s’y opposeraient pour cette 61e célébration.

La pandémie du coronavirus sévit depuis plus d’un an, hante les esprits, traumatise les plus vulnérables et fait des ravages au sein de la population à cause d’une mortalité qui n’épargne aucun groupe. Puissants ou faibles, célébrités ou gens anonymes, vieux ou jeunes adultes, personne n’est à l’abri de l’infection. Dans d’autres pays, le tribut humain est plus lourd, mais cela n’apporte aucune consolation à celui ayant perdu un être cher. Les mesures de protection adoptées pour faire face à la maladie ont aussi modifié notre sociabilité. Elles ont surtout ralenti le rythme des activités individuelles et collectives.

L’économie elle aussi affectée par la baisse des activités est devenue moins performante en dépit des mesures prises par le gouvernement pour soulager les groupes les moins favorisés risquant de s’enliser dans la précarité, et, pour sauver les emplois dans les secteurs les plus menacés par la récession.

Nul ne saurait prédire la fin de cette période sombre de l’histoire contemporaine. Après les premières et deuxième vagues, certains pays sont confrontés à la troisième offensive de Covid 19 avec son cortège de morts et de malades en accumulation dans les hôpitaux.

Comme si ces souffrances et tourments ne suffisaient pas à ses malheurs, le Sénégal s’est relâché, durant les folles journées de mars dernier, dans des émeutes de Dakar jusqu’à Diaobé et de Saint-Louis à Tambacounda. C’est dire l’étendue de la conflagration sociale. Ils s’en sont suivis plusieurs victimes et d’importants dégâts matériels, mais surtout une période post-protestations inquiétante du fait des surenchères politiques fortement teintées de réflexes identitaires. Il s’agit d’hypothèques sérieuses dont il faut mesurer la gravité sur notre devenir en tant que nation.

Les acteurs politiques, certains médias et un grand nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux y ont indéniablement une grande part de responsabilité. Les différends entre les politiciens doivent avoir comme seul mode résolutoire ce que commandent les principes moraux, ce que prévoient les lois et règlements en vigueur. Ils ne doivent en aucun cas transformer leurs conflits d’intérêts en une guerre politique permanente où tous les coups sont permis, du chantage au sextape jusqu’à l’insulte la plus grossière ou de la caricature ad hominem jusqu’à la menace ouverte ou la discrimination d’ordre communautaire. On ne peut pas se considérer comme démocrate en oubliant de conformer sa conduite à certaines convenances dans une société polisseée.

La vocation de la démocratie, régime sous lequel nous avons choisi de vivre ensemble, est d’avancer sans cesse vers son perfectionnement. La démocratie ne se limite pas au multipartisme et au rituel des élections à travers lesquelles le peuple choisit ses représentants. C’est avant tout une question d’éthique politique. Les indignités de quelque bord qu’elles se manifestent la font reculer.