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La chronique de Pape Sadio THIAM: Université d’été, une tradition politique perdue

La scène politique sénégalaise est aujourd’hui corrompue par deux grands fléaux : la misère intellectuelle et son corollaire, la violence verbale (ou même parfois physique).

Dans les années 1990 et 2000, les partis politiques sénégalais sifflaient tous la fin des vacances par une université d’été, à la fois espace de formation de leurs militants et grand-messe médiatique. Ces rendez-vous bien ancrés dans la tradition des partis sont maintenant perdus. Hors, il n’y a pas de possibilité de gérer un pays et des hommes sans aménager constamment des espaces de réflexion, de dialogue et délibération.

Nous sommes dans une civilisation de la vitesse dont l’une des plus grandes tares est que les hommes pris dans le rythme effréné de la vitesse n’ont plus le temps de se faire une opinion par eux-mêmes : aussi sont-ils à la merci des fabricants d’opinion. Dans un monde aussi tumultueux et avec des hommes aussi distants d’eux-mêmes ; dans un champ politique où les faux-fuyants sont devenus les moteurs de la compétition politique, il faut avoir le courage de s’arrêter pour donner de la place aux idées.

Une des raisons de la désertion de l’espace public par les vraies élites et qui fait qu’on est amené à confondre au Sénégal le cadre politique et l’intellectuel, vous rebute tous les intellectuels et démocrates : où sont-t-ils, les Makhtar Diouf, Djibril Samb, Kader Boye, Dieydi Sy, Ousseynou Kane, Fallou Ndiaye, Jacques Mariel Nzouankeu, Moussa Samb, Maguèye Kassé, Pathé Diagne, Mame Moussé Diagne, Buuba Jop, Maguette Thiam, Abdou Salam Fall, etc…?

 La démocratie ne saurait prospérer là où il n’y a pas d’échange d’idées,  car sa vocation première est d’élever le commun des mortels à la dignité de citoyen accompli, d’où l’information et la communication en sont la trame essentielle ou la matrice principale. «Qu’est-ce que la société, quand la raison n’en forme pas les nœuds, quand le sentiment n’y jette pas d’intérêt, quand elle n’est pas un échange de pensées agréables et de vraie bienveillance ? » Une foire, un tripot, une auberge, un bois, un mauvais lieu et des petites maisons : c’est tout ce qu’elle est tour à tour pour la plupart de ceux qui la composent », disait justement Chamfort.

Le retour des universités d’été n’a jamais été aussi opportun pour la classe politique qu’aujourd’hui. Même si le Sénégal est une démocratie, d’opinions, on parle tout le temps et rarement on se donne le temps et l’opportunité d’examiner les idées et de débattre des problèmes. Le constat montre que la scène politique sénégalaise est aujourd’hui corrompue par deux grands fléaux : la misère intellectuelle et son corollaire, la violence verbale (ou même parfois physique). S’il en est ainsi, c’est surtout parce que les aires de réflexion sont de plus en plus réduites ou complètement noyées dans le déluge impétueux de l’ignorance qui usurpe la force de percussion intellectuelle et le sage courage des hommes grands par l’esprit. Nous sommes dans une civilisation de la vitesse dont l’une des plus grandes tares est que les hommes pris dans le rythme effréné de la vitesse n’ont plus le temps de se faire une opinion par eux-mêmes : aussi sont-ils à la merci des fabricants d’opinions.

 Dans un monde aussi tumultueux et avec des hommes aussi distants d’eux-mêmes ; dans un champ politique où les faux-fuyants sont devenus les moteurs de la compétition politique, il faut avoir le courage de s’arrêter pour donner de la place aux idées. La seule façon de congédier la violence physique et verbale constatées sur la scène politique, c’est d’imprimer à la politique le charme des idées élégantes et fécondes. Les partis politiques en république et en démocratie n’ont pas seulement pour vocation de concourir à la conquête du pouvoir. Ils ont une obligation de contribuer activement et qualitativement à la formation des citoyens et à leur ennoblissement. Aucune carrière politique, aucun opportunisme ou réalisme politique ne devraient incliner un homme politique ayant l’esprit républicain de tirer profit de l’abrutissement des masses, encore moins d’y contribuer. La formation intellectuelle, sociale et politique des citoyens est le plus noble service qu’on puisse rendre à la démocratie et à la République. Rien n’est plus terrifiant que de faire de la politique dans un univers où l’ignorance, l’inculture et l’incivisme sont ambiants. La terre promise des désastres politique a toujours été et restera l’ignorance et l’activisme dénué de toute intelligence.

C’est vrai que si on à un personnel dont la culture politique se résume au show médiatique permanent et à l’invective dans sa forme la plus immonde, il n’est pas facile d’entreprendre une délibération saine. Mais si l’on accepte le principe selon lequel les grandes idées ont toujours subi la douleur de négation mécanique de la part des partisans du conservatisme. Un parti politique est en permanence une « école » qui ne s’arrête jamais de dispenser des savoirs, un savoir être et du savoir-faire. La culture des militants est une obligation républicaine et démocratique ; hors on ne cultive pas des militants avec des mots d’ordre incendiaires et avec des formules sarcastiques qui, d’ailleurs, ne font qu’occulter l’impuissance de celui qui les profère. On ne forge par le caractère de ténacité et d’élégance intellectuelle de ses militants dans le tumulte tapageur de la rue et dans procédés manipulatoire des clinquants de studios télé ou radio.