Korité et Tabaski au Sénégal-deux problèmes à résoudre: Comment et qui doit décider des dates ? Imam Ahmad KANTÉ
Nombre de musulmans, en tout cas au Sénégal, restent perplexes ; je ne parle pas des excessifs et intolérants qui pensent détenir la vérité sur la question, quant à la proposition que j’ai faite relativement à l’échelle de décision sur les dates des fêtes de Korité et Tabaski.
Nous avons effectivement soutenu qu’un début de solution pour la célébration de ces deux fêtes à l’unisson dans notre pays passait par une détermination de ces dates après une observation du nouveau croissant lunaire à l’échelle du territoire national. Et nous avons bien ajouté “comme le font tous les pays musulmans”.
Alors une question de taille est : pourquoi les musulmans du Sénégal ne feraient-ils pas la même chose ? Pourquoi les oulémas de ces autres pays musulmans parmi lesquels des érudits connus et respectés dans le monde musulman ne contestent-ils pas et ne remettent-ils pas en cause cette façon de décider quant aux dates des fêtes musulmanes à l’échelle de leur territoire national ?
Ils le font sur la base du respect des prérogatives des autorités publiques à administrer leurs territoires nationaux dans l’harmonie et d’autre part en privilégiant des célébrations communautaires en droite ligne de hadiths comme celui qui dit : “Le jeûne (début), c’est le jour où vous jeûnez, la rupture (du Ramadan), c’est le jour où vous rompez, et le sacrifice (jour du), c’est le jour où vous sacrifiez” (abû dâwûd).
Notre mère Aïcha a rappelé à masrûq qui hésitait entre le jour de Arafat et du sacrifice de suivre le groupe. (al bayhaqi), voir sur l’image la page 227 de notre livre” Astronomie et Charia”, 2016.
De nos jours, tout le monde dira que ce “vous” correspond d’abord aux musulmans d’une même localité jusqu’à l’échelle pays.
Il existe même depuis des années des Fatwas de grands oulémas contemporains allant dans ce sens, y compris de l’Arabie saoudite, comme le défunt mufti Ibn Bâz, le cheikh Outheymin, le spécialiste de l’hadith cheikh al bâni, etc !
Que ce soit sur la base du calcul astronomique ou de l’observation à l’œil nu et/ou à l’aide d’instruments optiques, chaque pays musulman décide des dates à l’échelle de son territoire national. Pourquoi alors se référer à d’autres pays dont on ne sait même pas sur quelles ils ont pris leur décision et qui n’ont pas attendu un autre pays ?
Donc, nous maintenons notre position selon laquelle un début de solution serait de bien organiser le mode d’observation du croissant de lune, de créer un climat de confiance et, avec l’appui des données astronomiques, prendre les décisions attendues en la matière pour le Sénégal.
S’il fallait se concerter avec les pays voisins ou autres, et c’est souhaitable, ce devrait être une démarche entreprise par une entité qui a pleine légitimité à le faire au nom de l’Etat du Sénégal et de la communauté musulmane nationale.
Le désordre noté sur cette question vient en partie de ceci que tout individu ou tout regroupement qui le veut aujourd’hui au Sénégal s’auto-octroie la légitimé de décider des dates en question pour la communauté musulmane nationale sur la base de ses propres critères. Est-il islamique (au sens de la célébration communautaire des fêtes en question) et raisonnable de continuer sur cette lancée chaotique qui a fini de montrer ses limites ?
Quelle date pour Arafat ?
Quant au problème relatif à la détermination du jour d’Arafat, certains pensent pouvoir le régler sur le coup de l’émotion par des expressions lapidaires du genre “il y a un seul Arafat et le lendemain c’est la Tabaski ! Un point c’est tout…”, ou de l’exception à accorder à la décision des autorités séoudiennes qui administrent le Hajj.
Or, la question est beaucoup plus subtile et complexe qu’il n’y paraît à première vue. En effet, il y a Arafat en tant que date qui dépend du calendrier lunaire et Arafat comme lieu de stationnement des pèlerins le jour de Arafat, pardonnez la répétition, selon la décision de l’administration séoudienne.
C’est ainsi que si, à importe quel jour des mois lunaires et notamment du mois de Zul hijjah, des pèlerins vont stationner dans l’espace Arafat, ils n’auront pas accompli ce qui est rituellement prescrit lors du Hajj car ce n’est pas fait à la date instituée pour ce culte, à savoir le 9e jour du mois de Zul hijjah. Il en découle que c’est la date qui est décisive. Et on peut faire le même raisonnement pour le jour du sacrifice.
Il se trouve que les dates d’Arafat et de fête du sacrifice dépendent du premier jour qui a été retenu pour le mois de Zul hijjah pour pouvoir compter et dire quand on sera au 9e et 10e jour du mois en question.
Mais le problème réside dans le fait que si ce n’est pas la même date qui est retenue comme premier jour, inévitablement, les dates de Arafat et de fête du sacrifice ne seront pas les mêmes. Et si on fait l’option de s’en remettre à la décision séoudienne, à quoi bon observer le nouveau croissant de lune dans les autres pays musulmans ? Aussi, la cohérence voudrait qu’on le fasse pour tous les mois lunaires.
Pour s’y retrouver, il faut raisonner sur la base des dates et pas de l’émotion ou de la focalisation sur le jour (selon la date fixée par les autorités séoudiennes) où les hujjaj stationnement à l’espace Arafat.
Les dates d’Arafat et de la fête du sacrifice fixées par les autorités séoudienne sur la base de critères qu’on a du mal à cerner clairement d’ailleurs concernent les pèlerins. Ces autorités décident du premier jour du mois de Zul hijjah et en déduisent en toute logique les dates de Arafat et de fête du sacrifice (9e et 10e jour).
Avant que le monde entier sache quel jour a été fixé pour Arafat grâce aux télécommunications modernes, les musulmans non pèlerins jeûnaient Arafat qui correspondait au 9ème jour et la prière de la fête du sacrifice le 10e jour, selon le premier jour qu’ils avaient retenu, sans savoir si c’étaient les mêmes ou non que ceux des pèlerins d’une année donnée !
C’est donc une erreur commise de bonne foi mais sur la base de l’émotion que de lancer : ” Il y a un seul jour d’Arafat et le lendemain c’est Tabaski”, tout en oubliant que c’est la détermination du premier jour du mois de Zul hijjah qui permet de dire quel est le 9e et le 10e jour afin d’accomplir le culte y prescrit.
En toute logique, tant qu’il n’y aura pas accord sur comment déterminer le premier jour, il n’y en aura pas pour les 9 et 10e et le reste relève de la miséricorde d’Allah (SWT).
Un début de solution serait, pour prendre en compte l’émotion que suscite chez les musulmans le fait de voir les hujjaj dans l’espace Arafat, d’inciter les autorités séoudiennes à se concerter avec les pays musulmans pour déterminer de façon consensuelle les mois lunaires à l’échelle planétaire.
À cette fin, nous réitérons notre proposition de définition du mois lunaire qui consiste à soutenir que : “Le premier jour du mois lunaire commence au coucher du soleil qui survient après la conjonction”
Si un jour cette définition du mois lunaire est acceptée, il ne restera qu’à tenir en compte le décalage horaire pour chaque pays.
Mais en attendant d’y arriver, réglons le problème pour notre cher pays comme les autres l’ont fait. C’est possible et nous avons donné quelques pistes à ce sujet dans la publication qui a précédé celle-ci.
Wa Salam