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Karim Wade : On ne peut renoncer à soi-même

La renonciation manifestée par un décret paru au Journal officiel de la République française le 16 janvier dernier a-t-elle force de loi dans son irréversibilité ? Autrement dit, “le décret du ministre de l’Intérieur français actant ma renonciation à la nationalité française est une preuve supplémentaire de ma constance” extrade-il Karim Wade au Sénégal, ce qui serait contraire à la politique de l’État français pour ses ressortissants faisant l’objet d’enjeu à l’extérieur ?
Surtout que “À titre illustratif, en France, la renonciation est soumise à la seule condition qu’on ne reste pas un apatride donc elle est même plus simple pour les binationaux“, soutient l’expert Ndiaga Sylla dans une contribution du 12 février 2016 partiellement reproduite dans la présente édition, page 5. L’arrêté du ministre de l’Intérieur est muet sur ce sujet, si la position de Ndiaga Sylla est vraie. Autrement dit et dans tous les cas, moralement et philosophiquement,

Karim Wade reste français

Le Conseil constitutionnel rejette la constitution du candidat du Parti démocratique sénégalais

Le Conseil constitutionnel sénégalais n’est pas allé ultra petita et a dit le droit dans le dossier Karim Meïssa Wade : le candidat du Parti démocratique sénégalais est rejeté sans autre forme de procès pour la finale du 25 février prochain ; le Conseil constitutionnel ne jugera certainement pas utile et nécessaire de se justifier.
Certains avaient essayé de s’opposer à la participation de Wade-fils à la Présidentielle, arguant d’une nationalité autre que détiendrait Karim Meïssa Wade. L’imbroglio entretenu au Sénégal sur une déchéance suggère que les Sénégalais comprennent mal la réalité entre binationalité et double nationalité. Et pas seulement qu’eux.

L’État français ne peut en effet “libérer Karim Meïssa Wade de son allégeance à l’égard de la France” ; tout au plus peut-il prendre acte de sa volonté de servir exclusivement la République du Sénégal dans la course vers la Présidentielle du 25 février : Karim n’a pas une double nationalité dont l’une peut prévaloir sur l’autre, à la demande, pour renoncer à l’une au profit de l’autre mais une binationalité qui s’impose à lui sui generis de jure et de facto.
Le décret paru le 16 janvier au Journal officiel de la République française est bien postérieure à l’acte lui-même dont la date n’a pas été précisée, ce qui ajoute à la polémique soulevée par Me Wade lui-même sur l’impossibilité, “hors de tout doute” de prouver une nationalité plus qu’une autre dans le cas de la binationalité.
Karim Meïssa Wade est français : de naissance, de culture, d’adaptation. Certes, il a subi une immersion au Sénégal dans sa jeunesse, comme cela est souvent le cas pour les binationaux ou les sénégalais nés en France. Mais il n’a pas participé à la victoire de son père en 2000, par exemple, faute d’une nationalité prouvée seulement en 2002 lorsqu’il se manifeste au grand public sénégalais ; autrement dit, la France qui l’a inscrit au ficher électoral a agi en toute légalité en invitant ses ressortissants à particulier au jeu politique, même si l’homme lui-même affirme n’avoir jamais voté, ce qui son droit, le vote étant libre comme au Sénégal où on oublie cependant d’inscrire automatiquement et systématiquement tout Sénégalais sur le fichier à sa majorité. L’exemple de l’affaire Karim Wade devrait aider à dépasser ce stade de ressortissants non inscrits sur la liste électorale, ce qui est une violation d’un droit fondamental. Enfin et au demeurant, la langue maternelle est déterminante dans la socialisation première de l’individu en ce qu’elle traduit le monde pour l’enfant. La moralité est ce qu’une nationalité circonstancielle est moralement à rejeter lorsqu’on est sénégalais parce que le père est président de la République. Certes, comme le dit l’impétrant lui-même, beaucoup au Sénégal et non des moindres se retrouvent dans sa situation : lui a la hauteur de ne pas en faire un argument de bataille.
You can’t run from yourself” dit Bob Marley dans “Running away” ; Karim Meïssa Wade ne peut se renier, ne peut renoncer à une partie de lui-même. Même pour une présidence.

 

Pathé MBODJE