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Ibrahima Ndiaye Juriste-Obesrvateur: “La bagarre entre Sonko et le député Mberry Sylla renvoie une mauvaise image” Entretien dirigé par Chérifa Sadany SOW

C’est avec hargne qu’Ousmane Sonko communique. Et malgré certaines réprobations et ses soucis avec la justice, sa notoriété s’accroît davantage. Son discours reste inchangé. Sa bagarre avec un député de la mouvance présidentielle a remis les projecteurs sur lui.  Ibrahima Ndiaye juriste et observateur passe au peigne fin la communication du leader de Pastef et les derniers incidents. La cellule de communication de ce parti n’a pas jugé nécessaire de répondre à nos questions.

Comment se fait-il qu’Ousmane Sonko soit populaire malgré les charges qui pèsent sur lui ? Certains disent que c’est parce qu’il a bien communiqué sur les faits, d’autres pensent que c’est la confiance des Sénégalais qui a joué à sa faveur. Sous quel angle le voyez-vous ?

Déjà, je dirais que tous les politiciens sont populaires, chacun en fonction de son rang et de son grade. Le niveau de popularité d’un politicien ne saurait être mesuré qu’à l’occasion d’élection pour savoir ce qu’il pèse réellement sur l’environnement politique. Nous n’avons pas encore un échantillonnage qui nous permette de mesurer la popularité de chacun d’entre eux.

Concernant M. Sonko, il est évident qu’il y a beaucoup de personnes autour de lui, en qualité de futur candidat ou d’un justifiable qui a été poursuivi à la suite d’une plainte déposée par une jeune femme contre lui ; les uns ont choisi d’être avec lui aveuglément sans savoir ce qu’il en est réellement.  Maintenant, quoi que l’on dise, on constate qu’il y a effectivement des partisans à lui qui lui sont fidèles et cela n’est pas rien. Ils ne sont pas partis du néant pour lui être fidèles, très certainement il leur a proposé quelque chose qui a valu cette adhésion donc à sa cause, quels qu’en soient la forme et les tenants et aboutissants. Maintenant, on adhère à un discours, on supporte une personne en fonction de sa propre position, donc ça devient du subjectivisme. Quand il y a une position subjective, la seule façon de mesurer l’impact c’est quand on va à des élections. Aujourd’hui on ne peut pas dire que Sonko pèse ceci ou cela. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il y a un bouillonnement tout autour de lui, cela se traduit par vote qui est réel. Il est évident qu’il va dépasser le niveau où il était aux derniers des élections, en tout cas on le pense.

Par contre, je ne saurais personnellement dire qu’il a convaincu ou pas. Je ne suis pas tout à fait sûr de cela, parce que je n’ai pas en réalité un paramètre d’appréciation fiable qui me permettrait de dire qu’il est à telle ou telle autre position concernant la course vers le pouvoir, vers la représentativité et chef de parti.

Dans une interview, après s’être battu avec le député Amadou Mberri Sylla, Ousmane Sonko a avoué l’avoir tabassé…est-ce-que le fait qu’il confirme publiquement l’avoir battu ne l’expose pas à des poursuites judiciaires ? Déjà que dans l’histoire de viol, il est accusé d’être un homme violent qui aurait même menacé la victime avec une arme. Est-ce les avocats de la partie adverse ne peuvent pas en tirer profit ?

Je suis vraiment navré de devoir parler de cet accident car je suis sûr que si les deux protagonistes sont conscients de la blessure qu’ils ont infligée à la civilisation, la sociabilité, à l’État de droit, la démocratie tant vendue par le Sénégal, ces deux belligérants regretteraient profondément cette blessure. Je parle de regret parce qu’il n’y a pas de qualificatif, pour une personne civilisée, censée et qui a l’ambition de diriger un pays, ou qui a un mandat populaire, ça veut dire que quand on est député, on n’est plus n’importe qui, on est la population. La personne qui doit se sublimer pour vendre un comportement, une attitude mais surtout inspirer confiance pour que la population qui a envoyé ce député à l’Assemblée nationale se sente rassurée et bien représentée. Ce que j’ai vu à l’assemblée est une insulte aux peuples. Quand je vois des députés comme dans un ring de boxe, qui après ce qui s’est passé, au lieu de regretter et présenter des excuses au peuple, se pavanent et s’en glorifient, je me sens blessé, et j’ai la nostalgie de ces grands hommes politiques qui, dans le temps, étaient reconnus par leur élégance dans l’accoutrement, dans le discours ferme. Abdoulaye Wade, Boubacar Sall, Abdou Rahim Agne, qui ont défendu le pays et leur parti, avec élégance.

Ces bagarres n’honorent pas le pays et s’il y avait à recommencer, je pense que les deux ne le feraient pas. À partir de là, je dis que ce qui s’est passé n’a absolument rien à voir avec un dossier qui est devant la justice. Les avocats qui défendent vont chercher à tout point de vue à charger la partie adverse pour qu’elle soit fautive. Ils vont procéder par un discours contradictoire pour amener le tribunal à considérer qu’elle n’est pas fautive. Par contre, la présomption de violence ou d’attitude violente a été attribuée, qu’on le veuille ou non, au camp de Sonko depuis ce qui s’est passé en mars : il y a eu des manifestations politiques qui ont émaillé, et quelquefois très douloureusement, le paysage politique au Sénégal. Ce qui s’est passé au mois de mars a été ce qui a pu coûter une étiquette très négative aux auteurs, à cela qui ont appelé à ce que cela arrive. Parce que n’eût était la volonté de ces derniers, on n’assisterait pas ce quoi on a assisté. En clair, on ne peut pas écarter la notion la violence verbale, physique, de propos discourtois irrespectueux à cet ensemble d’acteurs ; c’est la raison pour laquelle je dis que la faute est politique.

Le peuple a-t-il confiance à cette forme de violence qui devient scénique ? Est-ce que le peuple ne préférera pas vivre dans une quiétude sociale quelle que soit par ailleurs la situation dans le pays ?

Les gens ont peur d’acheter une belle voiture et de la garer devant parce que, à tout moment, des politiciens peuvent passer avec des jeunes brûler la voiture. Les gens règnent dans la terreur depuis mars et cela doit cesser. Ceux qui ont envie de marcher ont le droit de le faire avec l’accompagnement de l’administration territoriale. Je l’ai dit dans une conférence à khombole le 06 de ce mois, que l’administration territoriale doit favoriser les marches parce que la marche n’est rien d’autre que l’expression de ce que la personne a dans son cœur. Vous lui laissez la possibilité de s’exprimer, elle n’aura d’autre choix que de le faire et ensuite de se taire. Maintenant, il faudra s’organiser de manière proactive en déployant des moyens de sécurité pour empêcher toute forme de débordement. On a la gendarmerie, la police et l’armée qu’il faut, on doit déployer le maximum d’hommes pour rendre cette marche possible et annihiler toutes velléités de débordement, de sabotage et de casse. Nous avons cette possibilité, il s’agit maintenant de s’organiser et procéder de manière proactive pour empêcher toute forme de débordement.

La violence dans le discours des hommes politiques ne peut-elle pas avoir des répercussions sur le comportement des citoyens et surtout dans l’environnement politique ?

Concernant la violence, je voudrais dire que le politicien, ce qui l’intéresse, c’est son objectif qu’il vise au moment où il planifie sa stratégie, peu importe l’impact. Que des gens meurent, ce n’est pas son problème. La preuve : vous n’avez jamais vu un politicien accompagner une famille dont l’enfant a été tué. Il se présente une seule fois chez la famille éplorée, puis c’est terminé. Les politiciens trouveront que la violence constitue un vivier car tant que le pays est dans l’instabilité, cela sera bien sûr reproché au pouvoir.  Quand celui qui est dans l’opposition n’a pas une alternative crédible à proposer, ce qui l’intéresse, c’est que le pays soit dans une instabilité, c’est une stratégie qui est valable dans tous les pays du monde. Alors, puisque cela s’est passé au mois de mars au Sénégal, ensuite il y a eu cette forme de harcèlement moral qui consiste à poursuivre les gens sur les réseaux sociaux à les insulter, c’est cela qui fait que les gens ont peur. Et le fait de taire l’opposition va faire que la personne qui a peur bénéficie de leur accord, ce qui est tout à fait faux. L’exploitation de la violence par les politiciens peut constituer un moyen d’engranger une forme davantage dans la dispute concernant l’occupation de l’espace médiatique et politique.

Malheureusement, ils n’ont rien compris. S’ils finissent à faire comprendre à cette population que la seule argumentation possible de leur part, c’est de plonger le pays dans une instabilité, on va leur attribuer la paternité de cette instabilité. Ce qui va leur coller à la peau ; de sorte que au moment de choisir, les gens qui sont épris de paix vont dire : « Tout le monde sauf ceux que n’ont que la violence dans le sang ».

À partir de là, la violence peut effectivement impacter le comportement des incompris dont les jeunes qui sont désœuvrés, qui ont écouté sans une capacité de discernement de faux discours avec le cœur. Je vous donne un exemple : lors du vote de la loi sur le code pénal, des politiciens ont dit que c’est un vote qui va empêcher les Sénégalais d’avoir le droit de manifester alors que c’était tout à fait faux et ceux qui l’ont dit, ceux-là savaient qu’ils étaient en train de mentir aux gens, les mêmes qui leur accordent du crédit. Ils ont fait exprès de passer ce message tout à fait mensonger.

 Empêcher de manifester ne peut être fait qu’à travers la Constitution et pour ce faire, il faudra un référendum ou une révision constitutionnelle qui passera de manière indirecte par l’Assemblée nationale. Ce qui a été loin d’être le cas. Il faut comprendre que quel que soit le moyen que le politicien utilisera pour atteindre son objectif, ça devient acceptable pour lui. Nous sommes dans l’empire de Machiavel : la fin va justifier les moyens.

Vous avez l’impression que les hommes politiques sont dans l’excès ?

J’aimerais terminer avec ce que j’ai l’habitude de dire à chaque fois que l’occasion de m’adresser à la population se présente. Nous avons hérité ce pays des mains de braves gens qui ont fait de leur possible pour laisser le pays en un seul morceau, avec une administration organisée, avec la notion de la Nation sénégalaise. Nous n’avons pas le droit de poser des actes allant dans le sens de divisionnisme qui ne dit pas son nom mais dont la réalité est palpable, la conséquence incontournable. Nous avons la responsabilité d’améliorer l’acquis, de faire en sorte que les générations futures héritent d’un Sénégal où il sera plus facile de vivre.  Nous sommes dans un Sénégal avec un avenir luisant que nous n’avons pas le droit d’hypothéquer juste par ambition politique. Si l’intérêt du peuple est contradictoire à nos propres, nous devons donc les taire pour favoriser ceux du peuple. La notion d’intérêt général doit primer sur nos désirs. À partir de là, je lance un appel à cette population. Il faudrait penser à cette masse constituée de vieilles personnes pour que la paix soit le cheval de bataille à partir duquel nous allons procéder. Refusez la violence, la culture de la terreur !  Il faut militer pour le Sénégal que nous connaissons, avec une stabilité extraordinaire où chacun peut rencontrer l’autre, où, après discussion, on devient l’ami qu’on était et quelles que soient les oppositions. C’est le discours que je voudrais entendre reprendre par tous les Sénégalais épris de paix.

Les politiciens n’ont qu’une seule ambition : accéder au pouvoir ou rester au pouvoir. Pour eux, tous les moyens utilisables et justifiables seront considérés comme normaux, ce qui n’est pas forcément la vérité. Soyons vigilants car nous serons responsables de ce qui arrivera demain.