Gouvernement : Diomaye fait mouche
Gouvernement
Diomaye, la bonne touche
qui fait mouche
La verticalité du parti doit renforcer la verticalité de l’État déterminante en dernière analyse. Si le président semble l’avoir compris, son Premier ministre s’est lancé dans une course éperdue pour ne pas se faire distancer : l’inversion des rôles entre le parti (Ousmane Sonko) et l’Etat (Bassirou Diomaye Faye) semble échapper au président de Pastef qui refuse de quitter son statut d’opposant.
Le vice-président de Pastef qui reçoit le prix Miriam Makeba tire une belle épine au pied du récipiendaire Ousmane Sonko : le président de Pastef qui sortait à peine de la visite des Insoumis s’est lancé durant la visite de Jean-Luc Mélenchon dans ce qui le caractérise depuis 2021, la surenchère, sous de fausses allures de luttes de classes, des races, des cultures.
Sans faire la part du feu entre le parti et l’Etat, Ousmane Sonko s’est lancé dans un combat solitaire d’arrière-garde contre la popularité du président de la République et ne sait pas encore, au nom de l’Etat et de la République, jusqu’où il faut aller loin. Il ne sait pas encore, contrairement au président Diomaye plus intelligent qu’il n’en a l’air, que la verticalité du parti doit renforcer la verticalité de l’État déterminante en dernière analyse. Ne tirons pas de conclusion hâtive en alertant sur une crise, bien que beaucoup nourrissent aujourd’hui beaucoup d’appréhension sur l’équilibre du pays.
Les avertissements du début du couple Diomaye-Sonko se multiplient et conduisent à l’inquiétude sourde. L’opposition de styles est en effet flagrante à la tête de l’État dans ce tango de duveteux qui se prennent pour des barbudos qui commence à inquiéter.
Sénégal : Diomaye Faye-Sonko, un duo politique à l’épreuve du pouvoir.
Le président sénégalais et son Premier ministre montrent une très belle connivence. Mais leur idylle pourra-t-elle résister à la gestion des crises ?
L’Opinion, France, 11 avril 2024
Le président de la République Bassirou Diomaye Faye est en train de le doubler et l’autre n’acceptera pas : dans cette phase propédeutique de noviciat où la pratique s’oppose à la notion et à l’intuition sans les remettre fondamentalement en cause, Sonko refuse un moratoire court mais obligatoire qu’adopte le président de la République dans son immersion dans le système ; le président de la République veut gérer le délai de grâce à son profit, en testant la solidité du système, au contraire de Sonko qui, tout en faisant preuve de réalisme devant le coût de la vie par exemple, n’en essaie pas moins de brûler les étapes, de peur de se faire distancer par un Diomaye de plus en plus accepté par les populations sénégalaises et leurs mandataires spirituels. Et dans ce tango endiablé, le ticket à la tête de l’Etat se lance dans une bataille à fleurets mouchetés qui tournera à l’avantage du président. Car, dans la réalité, les deux amis se testent à distance, dans la station respective qui est dévolue à chacun et cette séance d’escrime rappelle la course de la fable entre le lièvre et la tortue. L’avantage du président, au-delà de la Constitution, est la patience dont il fait montre devant l’agitation de son Premier ministre : l’inversion des rôles entre le parti et l’Etat semble échapper au président de Pastef qui refuse de quitter son statut d’opposant.
Les nominations tous azimuts du Conseil des ministres du 15 mai qui réveillent les morts donnent une idée de l’empressement du pouvoir de donner un visage à la 25ème colonne de gorges profondes qu’il faut récompenser en officialisant la délation. Surtout si, dans la cartographie, le président avoue avoir nommé sans en connaître. Les approximations et le recours à la pige ont suscité quelques interrogations sur ces duveteux qui se croient barbus ; des analystes plus profonds commencent à s’inquiéter sur l’avenir du duo et, plus fondamentalement, du Sénégal. Surtout si le président avoue n’avoir aucune prise sur certains choix.
A les entendre, surtout Ousmane Sonko, nous sommes dans une profonde confusion entre la lutte des classes, la lutte des races et la lutte des mondes pour justifier le populisme de gauche qui est accolé au gouvernement de Ousmane Sonko : or, Ernesto Laclau lui-même, père ou théoricien de la notion, est dans l’impasse (Stathis Kouvelakis : Contre la raison populiste. Les impasses d’Ernesto Laclau. 2019, Contretemps.)
Pathé MBODJE