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Fraude en milieu scolaire: À la prise de connaissance de certaines techniques de fraudes dans les salles Khadidiatou GUÈYE Fall

Des élèves préfèrent voir l’entraide plutôt que la tricherie

Si un examen se déroule convenablement sans qu’il ait un cas de tricherie, c’est parce que l’examen n’existe que de nom. Chaque année, les examens sont marqués par des cas de tricherie les uns plus stupéfiants que les autres.

Pour l’examen du Baccalauréat de cette année, la tricherie a répondu présent avec un épisode aberrant : un homme a passé les épreuves à la place d’une femme. Avec une scène bien méditée et bien organisée, les concernés ont eu le courage de mettre en application leur plan. Malheureusement, ce ne sont que les premières épreuves que l’accusé réussit à passer. Le mis en cause est un étudiant qui aidait sa petite amie, candidate au Baccalauréat. Cette dernière attendait son copain dans une auberge à Diourbel. Ceci s’est passé durant les épreuves du bac, mais en général, les élèves procèdent différemment pour obtenir une bonne note.

Des élèves interpelés sur ce genre de cas de figure refusent de s’y prononcer. Quelques rares audacieux s’ouvrent à nous mais dans l’anonymat.

En blouse verte, cette jeune candidate au Bfem se confie. La tricherie n’est pas née récemment, elle existe depuis fort longtemps et dans plusieurs domaines d’après elle. Elle partage quelques moments de fraude durant des devoirs : « Aucun élève n’ose jurer qu’il n’a jamais triché. On est tous passé par là. Presqu’à chaque devoir, on procède de la sorte ».

La candidate au Bfem explique les techniques de tricherie : « Parfois, il nous arrivait d’utiliser un bout de papier pour faire passer une réponse dans la salle de classe. Avec le bout de papier, on écrit la réponse de la manière la plus incompréhensible. Il s’agit d’utiliser des symboles, des abréviations, les chiffres et des lettres. C’est un langage codé en quelque sorte qui demande une imprégnation dans le monde des élèves. Parfois, on utilise la gestuelle pour faire circuler la bonne réponse. Par exemple, si la réponse nécessite vrai ou faux. C’est le doigt, précisément le pouce, qui définit la justesse de la réponse. Si c’est vrai, le pouce est orienté vers le haut, si la réponse est fausse, le doigt est orienté vers le bas ».

Mais dans le contexte de la Covid, avec le port de masque obligatoire dans les salles de classes, la tricherie a connu un certain niveau de professionnalisme. D’après notre interlocutrice, les masques, en plus d’être un outil de protection, aident les élèves à tricher plus facilement. En d’autres termes, une voix indiquant la bonne réponse peut s’élever n’importe où dans la classe, mais il sera très difficile pour le surveillant de connaître la provenance du son.

Elle ajoute que dans chaque « maf », comme le surnomme les élèves habitués des faits, il y a un chef de « maf » pour chaque matière, il y a aussi les relayeurs de réponses. Pour éviter une quelconque ressemblance des réponses, les élèves changent souvent les exemples pour faire un peu la différence. Pour d’autres, le moyen le plus facile, c’est de voir le meilleur élève de la classe qui recopie les bonnes réponses sur une feuille sans inscrire son nom. C’est cette feuille qui circule dans toute la classe. Et pour cette méthode, les élèves reprennent les réponses en faisant de manière expresse une erreur quelconque qui n’aura aucun impact négatif sur la note.

La raison pour laquelle certains élèves fraudent est relative. Pour Alima (nom d’emprunt), relever le niveau de la classe est une raison parmi tant d’autres. « On s’entraide pour que tous nos camarades aient la moyenne. Au préalable, c’est pour avoir une note et passer en classe supérieure » fait savoir Alima.

Le manque de pédagogie et l’impertinence de certains professeurs n’excluent pas les cas de tricherie car pour cette élève, les professeurs ne se donnent plus le temps d’expliquer aux élèves en fond les cours. Ils préfèrent brosser rapidement et terminer leur programme avant la fin de l’année.

Les téléphones portables sont aussi de outils très efficaces pour la tricherie. Pour cet outil, il s’agit de photographier la réponse et de partager sur WhatsApp dans le groupe de la classe.

Ndèye Sokhna raconte son forfait. Elle explique comment elle procède : « Je suis bien dans les matières scientifiques donc je fais partie de ceux qui dirigeaient le « maf » quand il y avait un devoir de mathématiques, de physique-chimie et de Science de la vie et de la terre. J’écrivais les deux réponses qui me semblaient les bonnes que je faisais circuler dans la classe après je reprends ma copie pour inscrire mon nom et rendre ma copie au professeur.

De teint noir, une casquette marronne sur la tête, Ibrahima Gaye, un élève en classe de première au Lycée Seydina Limamou Laye de Guédiawaye, pose l’amalgame. Il trouve que les cas dits tricherie ne sont rien d’autre que de l’entre-aide. « Par exemple, mon ami est faible dans telle matière :  je l’aide quand il est bloqué quelque part. Je lui porte mon soutien d’autant plus qu’il fait la même chose quand je suis dans des situations similaires. Pour moi, on peut s’entre-aider durant les devoirs et compositions mais en période d’examen je me fie à ma propre connaissance. Je ne demande de l’aide à personne car les conséquences à ce niveau peuvent être très néfastes pour mon avenir.

Les épreuves du Bac 2021 ont été marquées par de nombreux cas de triche. Au moins une centaine de candidats ont été pris en flagrant délit de fraude sur toute l’étendue du territoire, d’après le directeur de l’Office du Bac. Les sanctions peuvent aller jusqu’à un blâme, la privation de toute mention au diplôme, l’interdiction de participer à tout examen de l’Éducation nationale pendant 5 ans au maximum (bac ou post-bac), l’interdiction de s’inscrire dans un établissement public du supérieur (temporairement ou définitivement), l’interdiction définitive de passer tout examen de titre ou diplôme délivré par un établissement public du supérieur et de s’y inscrire.