France-Sénégal : Extrader Macky Sall
France-Sénégal
Extrader Macky Sall
La récente émotion née d’une discussion au parlement français est vieille de plus de trente ans, depuis 1988 : c’est le traditionnel chantage de l’Occident aux Républiques du Tiers-Monde quand ils ont « assez vu Bongo, assez vu Eyadema », selon les mots de François Mythe Errant à la veille du sommet de la Baule, en plein Vent d’Est, avec sa «démocratie tiède ou enthousiaste ».
Le 25 janvier dernier, les parlementaires français ont pris prétexte d’un débat sur la « Convention d’entraide judiciaire et convention d’extradition » entre la France et le Sénégal pour glisser vers « la répression des opposants, le 3e mandat, le recul démocratique » au pays de Ndiadiane Ndiaye et de Lat Dior. Macky Sall qui avait reçu les Palmes académiques et diné à l’Élysée en plein confit avec Me Wade appréciera sans doute mieux qui a été des deux bords, de l’opposant au pouvoir : il serait le principal intéressé dans l’extradition, non point tant dans les deux sens que de façon unilatérale, pour sauver le Sénégal.
Avant eux, un curieux Pasquet Gauthier qui se présente sur les réseaux sociaux comme journaliste et que d’autres assimilent à une barbouze comme d’autres grands reporters de la presse française présente le chef de l’Etat comme le pire ennemi du Sénégal et de la démocratie qu’il faut sauver.

« Dépités » français et barbouze participent à la même logique que celle de l’Américain Johnie Carson de 2011 contre Me Wade : écourter la vie de Macky Sall à la tête de l’État ; dans différents tweets de la dernière semaine de septembre, Pasquet prétend ainsi que le président sénégalais a rassuré son homologue français de son prochain départ et sur son candidat préféré pour 2024, désigne Amadou Ba comme le dauphin, conjugue Macky Sall au passé en essayant de détruire son image sur le continent.
Peut-être que le président de la République doit être vacciné à l’issue de la séance du 25 janvier dernier : il a participé au jeu entre 2009 et 2011.
L’honorable Johnie Carson, d’abord, les députés français ensuite, reprennent donc du service sous les traits de Pasquet Gauthier et de compatriotes parlementaires.
Curieux retour du balancier en effet : entre 1988 et 2011, les Occidentaux étaient aux petits soins avec l’actuel président sénégalais avec décoration ici en pleine bisbille avec Wade avec un diplomate qui n’a jamais caché son amour infini pour le Pape du “Sopi”, manifestation festive là-bas à Paris pour célébrer l’événement à l’Assemblée nationale, intoxication avec un photo-montage pour faire croire à une audience avec Obama, mais, surtout, une profession de foi valant programme euro-africain avec la fameuse prestation de haute facture du 29 novembre 2011 à l’Institut français des Relations internationales (Ifri).
Le texte fondateur prononcé en la circonstance fait plus que le programme d’accession au pouvoir : dans une synthèse en sept points, le futur successeur de Me Wade campe une situation nationale et internationale d’une plus grande originalité et d’une plus grande concision que l’opinion publique internationale. Macky Sall se présentait auprès de ses amis étrangers comme un véritable chef d’Etat avant terme qui tient à rassurer, surtout que des études pointues le donnaient face à face avec le président sortant, les majors étant empêtrés dans leurs querelles byzantines qui, comme les ides de mars, leur furent fatales en 2012.
Le 18 février 2011 déjà, la transition sénégalaise s’est alors jouée aux Usa : l’inévitable Johnie Carson, chargé des Affaires africaines au Département d’État américain, regroupe plusieurs personnalités sénégalaises, des professeurs d’université, des diplomates sénégalais, des hommes d’affaires et d’autres citoyens sénégalais à une rencontre où seuls Me Wade et son régime ont été épinglés comme sources de corruption, de violation des droits de l’homme et des Libertés dont il fallait se débarrasser au plus tôt.
Les tournées entamées dans la zone de l’Afrique de l’Ouest en janvier 2012 par Hillary Clinton en Côte d’Ivoire, précédée d’Alain Juppé en “tournée africaine” en Mauritanie (10-11 juillet 2011) et du Premier ministre François Fillon à Abidjan le 14 juillet, en sautant tous, diplomatiquement, l’étape du Sénégal : les croisés des temps jettent une nouvelle compréhension de la nouvelle démocratie occidentale qui veut déterminer et profiler la nature et la durée des régimes du continent noir.
Elle eût pu sans doute se désoler de la longévité d’une Marguerite Thatcher au Royaume-Uni ou d’un François Mitterrand en France, comme aurait dit l’autre : l’Occident a multiplié les coups bas et affiché ostentatoirement son désir d’écourter la vie de la famille Wade. Carson se félicitera par la suite de la défaite de Wade en 2012 et proposera ses services pour collaborer avec ce grand démocrate
A la veille de chaque terme constitutionnel au Sénégal donc, l’Occident multiplie les coups bas et affiche ostentatoirement son désir d’écourter la vie de la famille présidentielle : la visite de Laurent Fabius au mouvement “Y en a marre”, premier acte officiel en terre sénégalaise en juillet 2012, avant même la rencontre avec le président nouvellement élu, devrait donner à réfléchir sur la compréhension nouvelle de l’Occident de ses relations avec les anciennes colonies.
Apparemment, Macky Sall n’amuse plus Paris et Washington. Légalement, constitutionnellement ou pour d’autres raisons ?
P. MBODJE
Avec
-koccbarmafall/skyblog
-« Macky 2012-2017, le rendez-vous masqué », ouvrage en préparation