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Fouta Tampi s’invite à la tournée économique de Macky Sall à Matam: Les cinq mouvements associatifs de jeunes demandent la parole Par Habib KA, Bureau régional de Matam, Thilogne

Le président Macky Sall effectuera du 12 au 19 juin 2021 une tournée économique, dans le Nord du Sénégal de Saint-Louis à Matam, en passant par Dagana et Podor. Cette tournée ne sera pas l’affaire des seuls leaders politiques locaux de l’Alliance pour la République (APR) et des militants de base de la région de Matam. Macky Sall n’avait pas foulé le sol du Fouta depuis sa réélection avec un score jamais égalé de plus de 93% ; les leaders locaux aussi préférant rester à Dakar et laisser seules les pauvres populations constater d’elles-mêmes les promesses du chef de l’État s’évaporer sur les dômes des misères de la 11ème région du Sénégal. Les cinq associations de jeunes qui constituent le mouvement « Fouta Tampi » voudraient le rappeler au chef de l’Etat, malgré les appréhensions des autres.

Ce ne sont pas moins de cinq mouvements associatifs de jeunes, Fouta Insoumis, Collectif pour la Défense des Intérêts de Bosséa, Daande Maayo Émergent (DME), Matam Dit Non, Président Yeeýo Fouta, réunis autour de Fouta Tampi, qui souhaiteraient mêler leur voix aux discours officiels des leaders des collectivités territoriales durant le séjour du président Macky Sall à Matam.

Un discours limpide transparent, qui traduit les demandes pressantes des populations locales, un discours d’un autre son de cloche que le président a certainement envie d’entendre plus que ceux flatteurs, serinés tous les jours.

Rappeler au président de la République ses promesses de campagne ne devait, en principe, rien gâter à la fête si les formes y sont mises, d’autant plus que ces jeunes sont tout sauf des extrémistes ou des manipulés par des opposants cachés ou des frustrés de l’Alliance pour la République (APR) tapis dans l’ombre.

Ces mouvements sont compréhensibles : ils sont nés dans la spontanéité des humeurs des jeunes qui ont hérité d’un vide laissé par les responsables politiques qui ne viennent au “pays” qu’à l’occasion d’une cérémonie ou d’une visite de ce genre. Aussi les jeunes ne devraient pas trop en vouloir à leurs leaders dont peu ont des chances, à de très exceptionnelles occasions, de murmurer à l’oreille du président, tellement le protocole est verrouillé et seules quelques rares personnes ont accès à lui.

Ce serait donc l’occasion pour le président de la République d’écouter une autre voix, différente des discours dithyrambiques de ses hôtes ou celui du président du conseil communal de la jeunesse de Kanel, Abdoulaye Bah de Foumi Haara Dembe qui avait détourné le discours de ses mandataires pour le troquer en louanges spécialement dédiées au président Macky Sall.

Les menaces fanatisées via watshap contre la vedette des réseaux sociaux de Fouta Tampi, Fatoumata Ndiaye, au cas où elle traverserait le territoire des Agnams, simplement pour s’être opposée à la politique du chef de l’État, prouvent simplement l’excès de zèle et le crétinisme de certains, incapables de déchiffrer le message, oh combien pathétique et intime, des neveux à l’oncle qu’ils estiment les avoir oubliés, simplement trahis.

La violence n’est surtout pas la solution. Le cri de détresse des jeunes de Fouta Tampi ausculte un malaise dans la gouvernance de Macky Sall au cœur du pays du Fouta, de Ndouloumadji et de Nguidjilone dont lui viennent ses premiers kangourous, du peuple du Fouta et de sa prestigieuse Diaspora qui lui a tout donné sans compter, gites, couverts, billets d’avion, caution de sa candidature à l’élection présidentielle dans chaque capitale étrangère visitée, financement de sa campagne électorale. Quand le Fouta manque d’hôpitaux, d’écoles, d’infrastructures routières, d’aménagements de grands espaces agricoles capables d’en faire le grenier du Sénégal pour l’autosufisance alimentaire, la solution ne serait certainement pas de fermer la porte au nez de Fouta Tampi, après ce que le Fouta s’est fatigué pour faire de lui, Macky Sall, le messie.

Comme, dit-on, la nature a horreur du vide, les jeunes de la localité ont réoccupé le terrain délaissé, vieux et femmes avec, dans la poussière, la chaleur, les routes cahoteuses, les hôpitaux et services sanitaires qui ont tout d’un mouroir, l’omerta  sur l’exploitation effrénée d’un autre âge des phosphates de Ndendori, la répression aveugle sur des jeunes qui osent encore soulever le petit doigt, l’accaparement des terres par des maires qui cherchent à sécuriser leur rapine avant le verdict des urnes de janvier 2022.

Durant tout ce temps donc, en dépit des difficultés et menaces, les jeunes de la région se sont investis en sentinelles volontaires pour garder jalousement la maison abandonnée. Des jeunes dont la plupart étaient de ceux qui applaudissaient l’oncle président et son slogan “neddo ko bandum” où ils n’y ont vu que du vent. Désabusés, ils ont repris leur destin en main et tenu à rappeler à Macky Sall que le Fouta ne réclame pas de faveurs particulières au nom de l’ethnie, mais demande simplement qu’il puisse bénéficier, comme toutes les autres localités du Sénégal, des infrastructures, des projets de développement structurants de l’État du Sénégal.

La jeune Fatoumata Ndiaye de Fouta Tampi ne revendique pas plus. Elle refuse toutefois pour sa région d’être la fille de la mère tresseuse toujours prompte à satisfaire les caprices des autres que ceux des siens propres.