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La Ligne du Devoir

Fonce, Alphonse !

« Fonce, Alphonse » crie le chœur des femmes républicaines à Amadou Bâ, reconnu seul responsable des Parcelles assainies, sous un tonnerre d’applaudissements : pour elles, Amadou Bâ, c’est la politesse exquise, onctueuse, à la limite de la sensiblerie. En ce 8 mai de l’Armistice, deux mois jour pour jour après la journée de la Femme, l’inévitable Mbaye Ndiaye s’était encore signalé à tous en lançant, du haut de la tribune : « Arrête ton char, bidasse ! », en s’adressant à l’ancien ministre auquel il a voulu dénier toute autre légitimité qui ne reposerait pas sur Macky Sall. Le porte-parole de ces dames est passé outre et a mis tout le monde d’accord : « Amadou, tu peux te pavaner » ; la formule en Ouoloff est encore plus succulente ! Surtout qu’elle a apporté aussi la réponse politique en soulignant que Amadou Bâ est resté loyal au président de la République au nom duquel d’ailleurs il a versé une dîme quand même appréciable en destination des Lieux Saints de l’Islam. De la pure bergère au berger. Joignant le geste à la parole, ces dames ont remis l’ancienne : l’applaudimètre qui a frustré l’autre quand les vibrations ont failli lui percer les oreilles. « On m’a envoyé la vidéo, s’exclamera une collaboratrice de longue date du ministre : du pur délice, de l’hydromel ! »

Un rêve d’enfant vire au cauchemar chez Amadou Bâ accusé de tous les pêchés d’Israël.

Nous avons tous voulu et agi pour être dans nos activités de jeunesse Pelé, Garrincha, Vava –n’est-ce pas, El hadji Daouda Faye ? –, Sylvie, Mireille, Adriana, France Gall, Cruyff, Bonhoff, Beckenbauer, Copa, Fontaine, Saër Sène, Seck Pierre, Sarr Bandam, Lô Madièye, Pape Touré, Alpha Touré, Badou Gaye, Cheval fou, Yamagor Seck, quand Macky Sall lui-même vouait une adoration sans faille à Baba Tour ; qui n’a souhaité, trublion, se retrouver en Moussa Traoré le baroudeur de la Jeanne d’Arc venu de son Mbossé natal, Mbaye Fall, Ndoffène Fall, le prince du Lamassas, Léopold Diop le Kayser du ballon rond ?  Prosaïquement, nous nous sommes reconnu et projeté en notre maître-instituteur, érudit formé à bonne école, apprenti car rapide, infirmière, président de la République. Fantasmes et délires de gosses.

 Amadou Bâ, lui, avait pris le malin plaisir de vouloir être président, comme celui qui se disait « Born to be » et que Macky Sall n’a pas hésité à adopter le Premier novembre 2020 après l’avoir vendu aux enchères diplomatiques avec l’affaire dite des chantiers de Thiès.

Très peu occupés, certains se plaisent à distribuer des bulletins de renseignement dans le secret du cabinet présidentiel, affirmant que même jouant au foot-ball, le feu follet Amadou Bâ de la Médina du Foyer France Sénégal, de l’Union sportive indigène et de l’actuelle équipe Les Jaraaf de Dakar, l’apprenti-footballeur Amadou Bâ donc, aux dires de certains services de renseignements, invitait ses adversaires à ne pas « tacler le président ». Si cette légende persiste dans l’entourage présidentiel, il faudrait comprendre le cauchemar que vit Amadou Bâ et que traduisent avec leur lourdeur intellectuelle proverbiale un Imam Mbaye Niang et, en l’espèce, Mbaye Ndiaye ce 8 mai lors de la rencontre des femmes de l’Alliance pour la République, aux Parcelles Assainies : « Il ne faut pas écouter les gens qui vous disent que c’est toi plutôt que d’écouter le président Macky Sall. Personnellement, je n’ai jamais dit à qui que ce soit de vous soutenir. Que les gens arrêtent d’être des hypocrites. Celui qui m’intéresse, c’est le président Macky Sall. Je dirai aux Parcellois de vous soutenir mais dans la logique d’être auprès du président Macky Sall ». Sinon ? Les réflexions glissent vers Khalifa Ababacar Sall auquel la même invite avait été faite, mutatis mutandis, et qui a connu les affres que l’on sait en 2017 : même sentence pour l’ancien ministre ? Il serait intéressant de recueillir la pensée profonde du premier républicain pour le compte duquel ces insanités sont proférées en public, en essayant de relier la situation actuelle à la campagne électorale pour la Présidentielle de 2019 pour laquelle la concours intéressé de Amadou Bâ avait été sollicité…avec succès. On connaît la suite : écorché vif le Premier novembre de la Toussaint 2020.

Dans la réalité, le mythe Amadou Bâ est né en 2019, avec un remaniement du gouvernement durant lequel l’opinion a été saisie d’un différend avec le ministre de l’Economie de l’époque refusant la séparation avec les Finances telle que projetée par le président de la République, différend qui aurait retardé la formation de l’attelage gouvernemental. Le pis-aller des Affaires étrangères peut ainsi se comprendre comme le purgatoire, en attendant l’enfer au bout d’un an environ.

Même en jurant encore fidélité au président Macky Sall, Amadou Bâ se démarque d’une certaine orthodoxie politique visible chez certains qui semblent idolâtrer le chef :  son souci de la communauté pour cet enfant de la Médina et des Parcelles assainies doit s‘étudier non point tant comme une volonté de se singulariser que comme réminiscences des années difficiles dans ces deux contrées symboles de la souffrance sociale, ilots de misère proche d’une niche d’opulence qu’est Dakar juchée sur son plateau. Son « Ce qui importe, c’est l’engagement auprès des populations des Parcelles, prendre en compte leurs préoccupations et surtout travailler dans l’unité. C’est extrêmement important… » vient avant le chef, ce qui semble politiquement et diplomatiquement incorrect aux yeux de ses pourfendeurs.

Amadou Bâ a en effet été fonctionnaire proche des siens, ministre engagé auprès des populations, membre de l’Alliance pour la République à la demande expresse du président, tout en continuant ses services à la communauté ; Macky Sall est venu après, ce qui est le casus belli politique quand on entend un Mbaye Ndiaye par exemple qui en fait l’alpha et l’oméga, le début et la fin du Sénégal, le seul et l’unique ayant fait ce que personne ne fera plus jamais.