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Discours présidentiels des 8 mars et 3 avril 2021: Les gages du “je vous ai compris” Par Mame Gor NGOM, Rédaction centrale, Le Devoir

Le discours à la Nation du 8 mars 2021 et celui du 3 avril du président de la République ont ceci de commun : ils sont tous orientés vers une volonté de satisfaction des préoccupations de la frange juvénile. Les mots “jeunesse” et “jeunes” sont ainsi répétés tel un leitmotiv. Une suite logique de son fameux : “Je vous ai compris”. A-t-il compris ?

Deux discours. Deux champs lexicaux : celui de la jeunesse et de l’apaisement. Le mot “jeunesse” revient.  Abondamment. Le 8 mars 2021, après des manifestations violentes et des confrontations qui ont causé 14 morts, le président de la République est monté au créneau. Non pas seulement pour appeler au calme, mais surtout pour dire aux jeunes en furie : je vous ai compris.

“Les efforts consentis, en matière de formation, d’emploi et de financement dédiés aux jeunes, à hauteur de 60 milliards de fcfa, pour la Délégation générale à l’Entreprenariat rapide des Femmes et des Jeunes, et de 40 milliards par an du Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique, restent encore insuffisants”, reconnaît Macky Sall.

“C’est pourquoi, m’adressant à vous, les jeunes, je voudrais vous dire que je comprends vos inquiétudes et vos préoccupations”, lance-t-il, le ton grave.

Aussi a-t-il affirmé le 3 avril dernier : “C’est pourquoi, chers jeunes, comme je vous l’avais annoncé dans mon message du 8 mars, j’ai décidé d’une réorientation des allocations budgétaires à hauteur de 450 milliards de Fcfa au moins, sur trois ans, dont 150 milliards pour cette année”.

Ces ressources, selon Macky Sall “serviront à financer le Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio- économique des jeunes qui sera issu du Conseil Présidentiel que je présiderai le jeudi 22 avril.”

“J’ai voulu que les travaux de ce Conseil s’appuient sur les réalités de nos terroirs, dans un format inclusif associant la jeunesse ouvrière, artisanale, paysanne, entrepreneuriale, sportive, artistique, du secteur informel, des cultures urbaines et des loisirs.” On note ici une insistance sur les termes « jeune” et “jeunesse ».

Volonté de “reprendre la main”

“Par souci d’équité territoriale et de simplification des procédures, un guichet unique sera installé dans chacun de nos 45 Départements.

Dénommé Pôle-Emploi et Entreprenariat pour les Jeunes et les Femmes, il servira de cadre d’accueil, de conseil et de financement des porteurs de projets”. Il a encore lâché le mot. Une ferme volonté de convaincre une frange de la population, une “immense force inemployée”, un bouillonnement, selon le mot de François Mauriac.

La   Der/Fj, l’Anepj, l’Adpme et le Fonjip entre autres structures dédiées aux jeunes seront mises à contribution.  Nécessaires. Et le discours de ce 3 avril se veut une continuation de celui du 8 mars 2021 : ” J’ai décidé d’allouer, dès le mois de mai, 80 milliards de FCFA au recrutement de 65.000 jeunes, sur l’ensemble du territoire national, dans les activités d’éducation, de reforestation, de reboisement, d’hygiène publique, de sécurité, d’entretien routier et de pavage des villes, entre autres.

Un quota spécial sera réservé au recrutement de 5.000 enseignants pour le préscolaire, le primaire, le moyen et le secondaire, y compris les daaras modernes et l’enseignement arabe”.

Une tentative de mettre fin à la colère juvénile provoquée par une situation très peu reluisante. Il croit savoir :

“Qu’une jeunesse confrontée à autant de privations exprime son mal-vivre me parait tout à fait compréhensible” a “compris” le chef de l’Etat. Qui renchérit dans son adresse à la nation du 8 mars 2021 : “J’ai vu nombre d’entre vous sortir dans la rue pour exprimer la colère de votre mal-vivre ; parce que n’avez pas d’emploi ; parce que vous aspirez à un avenir meilleur ; parce que depuis un an de lutte anti pandémie Covid-19, votre quotidien reste marqué par la morosité économique, les restrictions sociales et la limitation des espaces de loisirs et de détente.”

“Un nouvel élan.”

Macky Sall a, dans son discours du 8 mars, promis d’engager “dans les meilleurs délais une réorientation des allocations budgétaires pour améliorer de façon substantielle et urgente les réponses aux besoins des jeunes en termes de formation, d’emploi, de financement de projets et de soutien à l’entreprenariat et au secteur informel”. Le 3 avril 2021, veille de la fête de l’Indépendance qu’il a dédiée aux jeunes, il estime que ” la lutte contre le chômage des jeunes nécessite aujourd’hui un nouvel élan, en raison de la crise économique sans précédent qui affecte tous les pays, développés et en développement”. Sall évoque un “point de départ de nouvelles réponses à vos besoins en éducation, formation, emplois, financement de projets et soutien à l’entreprenariat”.

Il n’a pas manqué de faire un bilan de sa politique de jeunesse, d’emploi. “Ces dernières années, en investissant massivement dans la réalisation d’infrastructures lourdes, l’Etat a aussi consacré beaucoup d’efforts et de ressources à la création d’emplois et au soutien à la formation, à l’entreprenariat et aux activités génératrices de revenus pour les jeunes” soutient le président Sall.

Reste à savoir si les jeunes sortis massivement dans les rues ne réclamaient que du pain et du travail. Quid des libertés ? D’une démocratie digne de ce nom ? D’une justice vraiment indépendante ?