Diplomatie économique : Desserrer les taux
Diplomatie économique
Desserrer les taux
Le Sénégal au bord de l’asphyxie doit desserrer l’étau en usant de diplomatie et non se présenter comme un fier à bras remettant la marche du monde en cause. La problématique avait été initiée sous Wade et Macky Sall, principalement avec Mankeur Ndiaye, ambassadeur émérite, alors que les partenaires techniques et financiers pliaient sous les injonctions de Washington et de Paris. Si le sénateur Carson est célèbre avec le tombeur de Diouf, le jeu de Obama et de Blinken a été moins visible mais pas moins efficace sous Macky Sall : l’Occident et ses alliés de l’intérieur se veulent les régulateurs de la présence des hommes à la tête de l’Etat sénégalais.
Le 18 février 2011, la transition sénégalaise s’est jouée aux Usa apeurés par le “Y en a marre”, après s’être réjouis naguère du “Sopi”. L’inévitable Johnie carson, chargé des affaires africaines au Département d’État américain, regroupe plusieurs personnalités sénégalaises, des professeurs d’université, des diplomates sénégalais, des hommes d’affaires et d’autres citoyens sénégalais à une rencontre où seuls Wade et son régime ont été épinglés comme sources de corruption, de violation des droits de l’homme et des Libertés dont il fallait se débarrasser au plus tôt, comme naguère Jr l’avait décrété de Saddam Hussein (ledakarois.net).
L’Amérique enverra le même message au président Wade avec les tournées entamées dans la zone de l’Afrique de l’Ouest en janvier 2012 par Hillary Clinton en Côte d’Ivoire, précédée d’Alain Juppé en “tournée africaine” en Mauritanie (10-11 juillet 2011) et du Premier ministre François Fillon à Abidjan le 14 juillet, en sautant tous, diplomatiquement, l’étape du Sénégal : le massacre en Guinée pour imposer Alpha Condé, l’épuration ethnique en Côte d’Ivoire avec les bombardements remarquables sur des palais d’États souverains (Abidjan et Tripoli) par des croisés jettent une nouvelle compréhension de la nouvelle démocratie occidentale qui veut déterminer et profiler la nature et la durée des régimes du continent noir. Elle eût pu sans doute se désoler de la longévité d’une Marguerite Thatcher au Royaume-Uni ou d’un François Mitterrand en France, comme aurait dit l’autre : l’Occident a multiplié les coups bas et affiché ostentatoirement son désir d’écourter la vie de la famille Wade ; la visite de Laurent Fabius au mouvement “Y en a marre”, premier acte officiel en terre sénégalaise en juillet 2012 avant même la rencontre avec le président nouvellement élu, devrait donner à réfléchir sur la compréhension nouvelle de l’Occident de ses relations avec les anciennes colonies.
Les difficultés actuelles des nouvelles autorités issues de mars 2024 participent de la même logique, surtout si l’on chante le renouveau du monde par des gens qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter pour, comme les artistes, remettre à l’endroit un monde pervers qu’il faut sauver. Les nombreux licenciements à la suite du départ de l’armée française et de l’arrivée de Trump aux Etats-Unis pèsent plus que les taux avec lesquels nos partenaires veulent nous plonger dans la famine, le dénuement, la colère et la révolte. Car, en définitive, le bras de fer actuel entre les autorités sénégalaises et les partenaires techniques et financiers ne peuvent aboutir qu’à la grève la faim. Surtout que les incongruités se multiplient avec cette division des populations en pro et anti qu’il faut broyer à défaut de pouvoir acheter le silence par une prime à la casse que rien ne saurait justifier.
« Macky Sall a créé au sein du ministère des Affaires étrangères une Direction des Partenariats et de la Promotion économique et culturelle (DPPEC) qui pilote la diplomatie économique en interaction avec les Bureaux économiques installés dans un certain nombre de Représentations diplomatiques comme Paris, Bruxelles, Doha, Ankara, Moscou, Beijing, Rabat, Pretoria, Varsovie, etc..
La DPPEC travaillait en parfaite intelligence avec l’APIX en coordination avec laquelle elle organise des forum économiques lors des Visites officielles du chef de l’État. Elle existe toujours mais est menacée de suppression ».
L’économie est consubstantielle à la diplomatie. Dans son ambassade légendaire auprès de Charlemagne qui a traversé les siècles, Harun El Rachid a mis en avant un original produit du cru qui a charmé l’empereur et stimulé la recherche et la production locale. Au Sénégal, le ministère des Affaires étrangères ne s’y est pas trompé en installant la cellule des foires et expositions. Un entreprenant Félix Oudiane l’a bien animée et a fini comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès du Saint siège. Il faut donc comprendre qu’un ingénieur comme Macky Sall se soit reposé dessus, quelle que soit la dénomination adoptée, pour poursuivre son œuvre d’un Sénégal dopé en infrastructures ; le résultat est encourageant, écologique, et place le Sénégal dans la technologique verte de dernière génération.
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Seydina Omar Sy
Si Oumar Demba Bâ–ci contre-partage avec Mankeur Ndiaye le titre honorable de ministre émérite, Seydina Oumar Sy–ci haut– et Pape Louis Fall sont d’une onction presque divine selon nombre de diplomates du premier et du second rang. Certes, d’autres ont la même honorabilité mais l’unanimité semble se faire autour d’une short list que ces trois mousquetaires de la diplomatie sauraient conduire avec toute la discrétion nécessaire.
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Aujourd’hui, des voix s’élèvent de plus en plus pour explorer les voies diplomatiques d’une politique économique qui se ferait loin du bruit, en laissant l’aspect technique et propagandiste à une structure efficiente, malheureusement menacée de disparition, comme toutes les bonnes choses. Nous avons posé la question à Babacar Sané Bâ, directeur des Partenariats et de la Promotion économique et culturelle (DPPEC) par questionnaire soumis et auquel il a bien voulu apporter des réponses “modestes” dans la page suivante :
1-Qu’est-ce qui était visé avec ces rencontres de la diplomatie économique indoors et qu’est-ce que cela a donné ?
2-La DPPEC en coordination avec l’APIX organise des forums économiques lors des visites officielles du chef de l’Etat. Combien en avez-vous organisé et quelles en sont les retombées ?
3-La menace de suppression de la DPPEC court ; est-elle réelle ?
Aujourd’hui, les institutions de Bretton Woods font la fine fine bouche et, avec les autres partenaires techniques et financiers, veulent maintenir la pression sur les nouvelles autorités. Sous Mankeur Ndiaye, chaque ambassadeur et les chef des bureaux économiques remplissaient le poste dans sa totalité, dans toute l’acception du vocable.
Devant les difficultés de gestion de l’espace social actuelles, certains ont alors émis l’idée sur une éventuelle coalition des hauts diplomates sénégalais, appuyés par le Maroc et l’Arabie saoudite, pour aider le Sénégal dans ses relations avec la nouvelle Amérique.
Naguère, des problèmes de langueur dus à une présence prolongée à la tête de l’État a opposé Wade et Macky aux partenaires techniques et financiers du Sénégal ; aujourd’hui, sans nécessairement évoquer un différend Est-Ouest avec les nouvelles autorités, le sentiment est largement partagé que les traditionnels partenaires au développement n’apprécient guère le Sénégal du 24 mars 2024.
D’habitude, le Sénégal bénéficie des faveurs des institutions de Bretton Woods moins pour ses performances économiques que pour sa tradition démocratique, dernier îlot d’un imaginaire civilisationnel occidental, même si les alternances qui fondent ce démocratisme renforcent un mal-vivre des populations soumises au parti de la demande sociale. Qu’importe : pour ce dernier îlot africain du rêve civilisationnel colonial, Paris vaut bien une messe et cela s’est vérifié également avec le Club de Paris depuis Idrissa Seck jusqu’à Amadou Bâ. Les relations économiques reposent donc purement sur le terrain politique. C’est conséquemment sous cet angle qu’il faudrait appliquer la démarche diplomatique suggérée. Cela suppose une plus grande tolérance du pouvoir actuel. Diomaye l’a.
Pathé MBODJE