Diomaye Faye : Se garder pour des réformes
Bassirou Diomaye Faye
Garder les pouvoirs actuels
pour les réformes du futur
Ne faudrait-il pas que le président de la République garde ses pouvoirs actuels pour mener à bien les réformes économiques envisagées et reporter à plus tard la réorganisation institutionnelle de l’Etat ? (1)
Même s’il a dit à plusieurs reprises qu’il estimait que le régime actuel donnait trop de pouvoirs au chef de l’Etat, le président de la République serait indiqué de garder ces pouvoirs pour avoir la plus large liberté d’action et n’engager la réforme que bien plus tard. Quitte à être perçu comme un despote éclairé.
Depuis la victoire du parti Pastef lors des élections du 17 novembre dernier, des hommes politiques, des intellectuels, des communicants font des analyses et proposent des orientations quant aux futurs programmes que devrait adopter et mettre en œuvre le binôme constitué par les deux têtes de l’exécutif.
Les idées agitées sont d’une importance capitale pour l’avenir du Sénégal. Souvenons-nous que le pays est dans un environnement au devenir incertain avec cette instabilité quasi-chronique dans le Sahel. La volonté d’émancipation nourrie par les dirigeants de l‘Alliance des États du Sahel (AES) n’est pas acceptée ni partagée par ceux qui étaient habitués à avoir des interlocuteurs plutôt accommodants par rapport aux échanges inégaux. Une réalité que le président Senghor avait appelée, avec poésie, la détérioration des termes de l’échange.
Les dirigeants de Pastef ont affirmé urbi et orbi se situer dans une dynamique de rupture par rapport aux traditions de soumission volontaire ou subie à l’ancienne métropole tout en étant disposés à s’engager dans des relations équilibrées de coopération respectueuses et mutuellement avantageuses. Il faut saluer cette volonté nationaliste qui devrait libérer le pays d’une domination qui fut directe et brutale lors de la colonisation, laquelle est devenue insidieuse et sournoise après les indépendances formelles ; celles-ci furent vidées de leurs substances grâce à des accords secrets que le général de Gaulle avait imposés aux jeunes États.
Cette composante internationale de la politique des nouvelles autorités doit avoir un pendant à l’échelon interne. Les réformes préconisées par les nouvelles autorités semblent être de bon aloi. Toutefois pour les mener à bien il leur faudra être bons stratèges et fins tacticiens. Les adversaires de ces réformes ne manqueront pas et les pièges seront nombreux. Avec le calme et la sérénité, ces nouvelles autorités pourront faire face aux premiers et déjouer les seconds.
Cependant gardant à l’esprit l’adage qui dit : “Dieu protégez moi de mes amis et je me charge de mes adversaires” (je ne veux pas dire ennemis!), elles devraient analyser très méticuleusement les conséquences de certaines réformes envisagées avant de les engager.
Une de celle-ci, qui mérite une attention renouvelée, est le changement du régime présidentiel où le président dispose de pouvoirs très étendus lesquels “étouffent” les autres à savoir le législatif et le judiciaire. L’expérience des régimes parlementaires n’a pas laissé que de bons souvenirs. Le président actuel a dit à plusieurs reprises qu’il estimait que le régime actuel donnait trop de pouvoirs au chef de l’Etat. Peut-être qu’il serait indiqué de garder ces pouvoirs pour avoir la plus large liberté d’action et de n’engager la réforme que bien plus tard. Ce n’est pas sans raison que la Constitution de la cinquième République française, qui a inspiré la nôtre, a donné des pouvoirs très étendus au chef de l’Etat.
Mitterrand qui fut un grand dénonciateur de cette constitution a dit, après avoir accédé au pouvoir, qu’il se sentait à l’aise avec ce texte fondamental. Il n’y a pas touché.
Les textes sont importants certes, cependant l’esprit démocratique de ceux qui les incarnent l’est encore plus. Les meilleures constitutions peuvent être dévoyées si ceux qui incarnent les institutions décident d’en trahir l’esprit.
De ce que nous savons des deux têtes de l’exécutif, il est quasi-certain que jamais, dans l’exercice de leurs pouvoirs, ils ne trahiront l’esprit de la Constitution, contraints qu’ils sont par leur éducation, leurs qualités de croyants et de Nobles (Gorr).
Alors, dans le contexte actuel, un despotisme éclairé de Diomaye et Sonko n’est-il pas préférable aux spéculations oiseuses sur une chimérique démocratie qui, nulle part, n’a jamais été une réalité ? Alors, que le président actuel garde ses pouvoirs et engage avec détermination les programmes de développement du pays en concertation avec ceux qui pourront y apporter de positives contributions.
Ababacar Sadikhe DIAGNE
Ancien élève des classes préparatoires aux Grandes.
Ingénieur diplômé de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) Toulouse France et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) Cambridge USA.
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1 En ce qui concerne les pouvoirs du président de la République.