Contribution: Fier d’être Nitou Thiès (Par Khalifa Babacar DIAGNE)
Depuis le compagnonnage entre le président Macky Sall et Idrissa Seck titré « Mbourou ak Soow », un nouveau concept est né : Nitou Thiès. Avec ce concept, on tourne en dérision et on raille les Thiessois. À chaque fois qu’on me l’a dit, j’ai toujours répondu par un sourire. Parce que j’en suis très fier. Mais il me semble que mes interlocuteurs de qui venait ce sobriquet ne comprenaient toujours pas ma réponse par un sourire. Alors, c’est l’heure d’expliquer.
Dans les combats démocratiques, Thiès a produit de grands dirigeants sur le plan syndical et politique.
Sur le terrain syndical, dans le mouvement élève et étudiant comme en milieu professionnel, le Nitou Thiès s’est distingué de fort belle manière. Il a été souvent le porte-drapeau. Le mouvement élève et étudiant retiendra à jamais les noms d’illustres Thiessois parmi lesquels nous pouvons citer le professeur Serigne Diop, Djiby Guèye, Pape Latyr Ndiaye, Déthié Diouf, Talla Sylla, docteur Babacar Diop, Maître Ousmane Diagne, etc.
Sur le plan syndical, dans « Les bouts de bois de Dieu », le grand Sembène a fini d’immortaliser, par la magie de sa belle plume, la bravoure légendaire du Nitou Thiès. Dans cette œuvre magistrale, il fait dire à son personnage Sounkaré, à la page 225, des propos qui traduisent à suffisance le courage, la ténacité, la fidélité et la dignité du Nitou Thiès : « Et voici que maintenant les fils de ceux-ci font la grève à leur tour. On les brime, on les frappe, on les affame et ils tiennent. Comme tout cela est étrange, vraiment étrange ! ».
Sembène relate ainsi les deux épisodes de la grève des cheminots. La première en 1938 avec un lourd bilan de 7 morts et plus d’une centaine de blessés n’a pas empêché de voir les enfants des vaillants cheminots devenus adultes revenir à la charge dix ans plus tard en 1947 pour mener encore une grève de 160 jours, soutenue par les femmes, avec une résilience qui fit plier l’administration coloniale.
Sur le plan politique, les exemples sont légion. Dans ses mémoires intitulés « Afrique, le prix de la liberté », à la page 76, le président Mamadou Dia a rendu un vibrant hommage à ses compagnons Nitou Thiès : « Si nous n’avions pas eu des hommes comme Ibrahima Sarr, Aynina Fall, Sidiya NDiaye, etc. à cet époque-là, le BDS n’aurait pas tenu. Thiès était, en effet, le lieu névralgique et le centre de commande de tout le Sénégal. C’étaient les cheminots, en ce temps-là, qui étaient les meilleurs agents de recrutement politique, les meilleurs agents des partis».
Jusqu’à nos jours, le sens de l’engagement du Nitou Thiès ne fait guère défaut dans les combats démocratiques. Abdoulaye Wade ne manquera certainement pas, à l’heure du bilan, de rendre un hommage mérité au lion du Cayor Boubacar Sall, sans qui le PDS n’aurait pas pu faire face au régime socialiste dans les années 80 ; tout comme Macky Sall, au moment de se rappeler sa marche vers le palais, ne pourra s’empêcher de consacrer des développements au leader de sa jeunesse, Abdou Mow. Certes petit, mais vaillant comme Kirikou à ses côtés, en toutes circonstances. Comme ce fut encore le cas lors des évènements de mars 2021. Au sortir de cette douloureuse épreuve, dans le camp du pouvoir, s’il fallait désigner l’homme du match de ce fameux mois de mars 2021, il s’appellerait incontestablement Abdou Mbow, un Nitou Thiès.
Avant le plus jeune vice-président de l’Assemblée nationale, en dépit des tentatives de falsification de l’histoire de la journée du 23 juin 2011, les vrais témoins de l’assaut de la place Washington garderont en mémoire que c’est l’étudiant Abdoulaye Diouf, un Nitou Thiès, qui fut le premier à s’agripper aux grilles du siège de notre représentation nationale. Preuve qu’il avait fait son geste par principe, il n’en a jamais fait un fonds de commerce. Il est retourné vivre dans l’anonymat dans sa chère ville de Thiès.
J’en suis même arrivé à me demander est-ce que l’opposant Ousmane Sonko n’a pas contracté le virus de la contestation du fait de sa naissance à Thiès ?
Thiès, ville cosmopolite, ville de refus, c’est aussi le terroir de la jeunesse qui a toujours résisté, qui a toujours su dire non pour impulser la résistance au plan national. De cette jeunesse « malsaine », mais en réalité consciente et engagée, qui fit sortir le président Abdou Diouf de ses gongs en Février 1988.
Idrissa Seck, de qui est parti le concept de Nitou Thiès après son alliance avec le président Macky Sall, s’est opposé pendant plus d’une dizaine d’années. Il fut le premier à s’opposer frontalement à Wade après avoir été à ses cotés. Sur le combat de la troisième candidature de Wade, il fut le seul à l’affronter et à le contester dans le comité directeur du PDS où Wade était majestueusement vénéré comme un Dieu.
En outre, ceux qui veulent jeter l’anathème sur le Nitou Thiès oublient volontairement, que pendant ce remaniement Mbourou ak Soow, un jeune Thiessois, Dr Babacar Diop, a refusé d’entrer dans le gouvernement préférant garder « ses principes » dignes d’un Guelewar comme il se définit lui-même. Ils oublient aussi qu’auparavant, Thierno Alassane Sall, sur des questions de principes propres à lui, a préféré se séparer du président Macky Sall malgré leur compagnonnage sur le chemin parsemé d’embûche qui les a menés au pouvoir. Qui que soit celui qui a pris l’initiative de la rupture entre TAS et le président Macky Sall, une chose est sûre : il suffisait que TAS renonçât à « ses principes » pour être encore dans le gouvernement.
Il est donc très clair que le Nitou Thiès, c’est tout le contraire de ce dont on voudrait le représenter.
L’un des plus grands historiens sénégalais, le Professeur Iba Der Thiam, avait pourtant clôt le débat avant de partir à l’au-delà : « Aucune région autant que celle de Thiès ne résume mieux les différentes péripéties de notre histoire politique, dont quelques-unes des pages les plus glorieuses ont été écrites dans cette province du Sénégal colonial, qui incarne la résistance à l’occupation étrangère et le combat libérateur inlassable mené par les patriotes pour la liberté, la dignité et la justice. » Iba Der Thiam, discours 12 février 2018.
Khalifa Babacar DIAGNE,
Nitou Thiès éternel.