Alliance pour la république (APR) : La dissonance entre les membres de la première heure sonne-t-elle le glas ? Par Habib KA, Bureau régional Matam, Thilogne
Des propos de maître Alioune Badara Cissé, Médiateur de la République et ancien No 2 de l’Alliance pour la République (APR), invité dans une émission télévisée très suivie en ce mois de Ramadan, et ceux de Mame Mbaye Niang, ministre, chef de cabinet du président de la république, sur un autre plateau, on peut facilement se faire une idée sur les relations exécrables qui traversent le parti présidentiel. Sont-ce des symptômes annonciateurs de fin de règne, comme ceux qui avaient eu raison du Parti démocratique sénégalais (PDS) de maître Abdoulaye Wade, deux ans après sa réélection en février 2007, ou simplement un effet de crise d’humeur inhérente à tout parti de masse, qui s’estompera avec le temps ?
L’avenir dira. Ce qu’il faut cependant retenir, c’est que la situation ne se prête pas à l’exposition au grand public de la cuisine interne du parti : la gravité du contexte politique en cours marqué par l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr qui a occasionné officiellement plus d’une douzaine de morts, dont la moyenne d’âge est de vingt-deux ans, les exigences d’une jeunesse qui réclame un emploi, un salaire décent, des conditions de vie améliorées, des citoyens qui demandent avec insistance le retour à la normalité républicaine du calendrier électoral doivent convaincre les protagonistes à plus de circonspection, de respect du citoyen et de ses droits.
ABC, ex-numéro 2 de l’APR, ne se fait aucune réserve sur la troisième candidature impossible de Macky Sall et de préciser : “Je l’ai entendu dire que c’est de son fait et de son gré qu’il a fait introduire dans la Constitution la limitation du mandat à deux. Mais on ne l’a pas entendu dire qu’il veut faire un troisième mandat, même si tout semble s’y prêter. Nous attendons qu’il veuille se renier. En ce moment les Sénégalais feront ce qu’ils avaient fait”. Avertissement, mise en demeure, Macky est servi.
Mame Mbaye Niang, très à l’aise sur un plateau, comme de chez lui, il l’a avoué d’ailleurs, profite de la tribune libre qui lui est offerte pour solder ses comptes à l’intérieur du parti, du gouvernement et de la commune. Pour lui, plein de ministres et directeurs généraux de l’équipe de Macky Sall sont des incapables, ou des personnes qui manquent d’engagement. Ceux qui sont visés se reconnaitront d’eux-mêmes et ils ne tarderont pas de réagir. C’est dire que les lendemains autour de la ville de Dakar promettent d’être des joutes verbales très acides : un chef de cabinet du président de la République qui porte des jugements sur l’entourage proche de celui-ci sans risque de sanction ou d’être démis, il n’y a que dans des gouvernements laxistes que cela est possible.
La réplique n’allait tarder si l’autre monsieur du palais, Yakham Mbaye, n’était en ces moments au pays de Marianne pour des soins. On se rappelle encore ses derniers tirs croisés contre “l’indiscipline et l’insolence” de Mbaye-Prodac qui avait un mot à dire sur les manières qu’il jugeait bureaucratiques que le ministre directeur de cabinet du président de la République, Mahmoud Saleh, avait employées pour installer la Task Force républicaine. Yakham Mbaye est presque certain que Macky Sall va sévir contre cet impénitent.
L’Apr authentique
Moustapha Cissé Lô, une des plus grandes gueules de l’APR authentique, s’est fait maintenant discret, la voix éteinte : malade, selon certaines sources. L’homme avait défié tout le monde : qu’il ait le soutien du parti ou qu’il ne l’ait pas, il serait candidat à la mairie de Dakar. Il sera retenu aussi les insultes faciles qu’il distribuait à gauche et à droite ainsi que les accusations de dealers de drogues, d’accaparement des biens de l’État contre ses frères de partis.
Abdoulaye Diouf Sarr qui prend les devants pour s’imposer comme candidat naturel de la mairie de Dakar voit en l’ancien ministre de l’Économie et des Finances Amadou Bâ un redoutable adversaire politique qui peut lui porter ombrage et, par conséquent, il faut l’éliminer avant l’heure, puisque les relations entre l’ancien MEF et le président de la République, en ce moment, sont en dents de scie
Une Aminata Touré qui peaufine des stratégies et dans le coin de ses bureaux reçoit, consulte. Et sur le discours du 08 mars 2021 et sur le conseil présidentiel dédié à la jeunesse, l’ancienne présidente du Conseil économique social et environnemental (CESE) livre ses impressions et remarques à la presse. Est-ce une façon pour elle de prendre à témoin les populations que Macky Sall ne maîtrise pas le dossier de la jeunesse, un sujet très essentiel pour la conduite du pays, ou de se démarquer définitivement de l’homme ?
Quel honneur accorder aux Ahmeth Suzanne Camara et compagnie qui s’insultaient devant micros et caméras exposés ?
Un Mansour Faye confondu publiquement par un gouverneur confirmant par devant le chef de l’État que ses pairs et lui n’avaient pas reçu le moindre franc des 450 millions destinés aux jakartamen. Le même Mansour Faye, beau-frère du président refusait systématiquement de remettre au Général François Ndiaye les états financiers de la distribution de l’aide alimentaire aux familles les plus démunies du Sénégal. Pour rappel, le Général Ndiaye était chargé par le chef de l’État du suivi du fonds “Force Covid-19”, d’une enveloppe de 1.000 milliards de francs cfa destinée aux personnes vulnérables touchées par la crise.
Ici encore, sur la transparence et la gouvernance vertueuse, Alioune Badara Cissé reviendra sur le plateau de la télévision pour dire que ce n’est toujours pas le cas et c’est ce qui fait dire à Macky Sall, souligne-t-il, qu’il y a des dossiers sur lesquels il a mis son coude.
Il y’eut toutefois une première, au tout début de la deuxième alternance où les Apéristes se livraient des guerres fratricides de positionnement sans merci, dans leurs localités respectives : certains qui ont voulu retourner chez eux, dans leurs villes ou villages d’origine militer se sont retrouvés face à des frères ennemis de parti plus coriaces, plus intransigeants que les adversaires déchus du régime de Abdoulaye Wade. Leurs propres frères Apéristes devenus des seigneurs de zone, contrôlant tout, empêchant tout redéploiement sur le terrain, obligeant les venus à plier tentes, armes et bagages pour aller se replier n’importe où dans les villes du centre.
Face à ce laisser-aller, on voit un président prisonnier de son propre système et de ses hommes, sans grande emprise sur ses proches collaborateurs après les départs des bannis du remaniement du Premier novembre 2020. Des ministres qui étaient assis sur leurs baluchons, prêts à débarrasser le plancher, priés de rester, peu importe leurs compétences.
En vérité, le président Macky Sall est responsable des turbulences dans le parti. Il les cultivait, les entretenait, restait indifférent aux déchirements à la base et aux sollicitations de son arbitrage, comme s’il dressait les uns contre les autres.
Cette désinvolture des militants, ces déclarations intempestives de guerre entre politiciens de l’Alliance pour la République à la veille des consultations électorales risquent d’aggraver les fractures entre membres d’un même parti déjà très mal en point, et compromettre très sérieusement les chances du président Macky Sall de rendre acceptable par les populations sa candidature pour un 3ème mandat.